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Allen Fong 方育平
Présentation
par Brigitte Duzan, 10 juillet
2012
Allen
Fong, ou Fong Yuk Ping (方育平),
est l’un des plus brillants réalisateurs de la
Nouvelle Vague du cinéma de Hong Kong ; son
insistance à rester indépendant l’a empêché de faire
autant de films qu’il aurait pu, mais ceux qu’il a
fait sont de superbes raretés.
Débuts à
la télévision
Né à Hong
Kong en 1947 - année de naissance à la fois d’Ann
Hui, |
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Allen Fong au festival
Paris Cinéma, en juillet 2012 |
Hou Hsiao-hsien et
Edward Yang - Allen Fong est diplômé de physique
l’université Baptiste de Hong Kong (香港浸会学院物理系).
Puis, en 1971, il est parti étudier
aux Etats-Unis,
d’abord à l’université de Géorgie dans le département
communication et media (radio, télévision et cinéma), puis,
en 1975, à l’école de cinéma de l’université de Californie
du Sud, à Los Angeles. Il y est resté cinq ans avant de
rentrer à Hong Kong et de commencer à travailler à la RTHK
(Radio Television Hong Kong).
Old Plough |
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En 1977 et
1978, il contribue à la célèbre série télévisée
« Below Lion Rock » (《狮子山下》) où se sont illustrés les futurs grands réalisateurs de la
Nouvelle Vague en
réalisant les courts métrages « The
Song of Yuen Chau Chai » (《元洲仔之歌》)
et « Old Plough » (《老犁》).
Le premier,
« The
Song of Yuen Chau Chai », est empreint de poésie
autant que de réalisme ; c’est l’histoire d’un
pêcheur qui vit avec sa femme et ses enfants sur un
bateau amarré à Yuen Chau Chai, un village des
Nouveaux Territoires, et qui rêve d’échapper à son
existence médiocre. |
Le second film
dresse le portrait d’un petit
marchand de riz célibataire nommé Old Plough (Vieille
Charrue). La cinquantaine passée, il est seul pour tenir son
commerce et a de plus en plus de mal à effectuer les
livraisons. Il décide donc d'acheter une femme thaïlandaise,
pour avoir de l’aide. Mais, dès les premiers jours, elle
semble être déjà enceinte….
Il s’agit de deux
pans de vie typiques des années 1970, inspirés de
personnages réels, et traités avec réalisme, mais aussi
tendresse et chaleur humaine, dans un style totalement
différent de ce qui se faisait à l’époque à Hong Kong
(c’est-à-dire essentiellement des films de kungfu).
Ces films ont
remporté divers prix, dont l’un au festival de Londres. La
notoriété ainsi acquise permit à Allen Fong de quitter la
télévision en 1979 pour devenir réalisateur dans la
compagnie cinématographique Phoenix (凤凰电影公司),
puis réalisateur indépendant.
Réalisateur de cinéma exceptionnel
1. Le
succès remporté par son premier long métrage, « Father
and Son » (《父子情》),
en 1981, fit d’Allen Fong l’un des meilleurs espoirs
de la jeune génération de cinéastes indépendants
hongkongais.
Poursuivant
dans la veine réaliste des films réalisés pour la
télévision, avec même des éléments
autobiographiques, « Father and Son » conte
l’histoire d’un jeune |
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Father and Son |
homme d'une famille
modeste qui rentre chez lui après des études aux Etats-Unis.
Son père est décédé, remontent alors du fond de sa mémoire
les souvenirs du passé : ses disputes avec son père qui
voulait que son fils "réussisse" dans la vie, alors que lui
ne rêvait que de faire du cinéma.
Le film traite des
conflits entre tradition et modernité, thème que l’on
retrouve dans certains classiques du cinéma hongkongais.
Allen Fong a déclaré avoir voulu fournir un divertissement à
ses spectateurs, tout en leur montrant des images reflétant
leur vie quotidienne, et une partie de leur histoire. Mais
c’est un film en rupture avec ce qui se faisait jusque là
car il part de l’image et du son plus que de la ligne
narrative. Pour Allen Fong, un bon scénario est primordial,
mais il s’en libère ensuite en introduisant une certaine
dose d’improvisation, le jeu des acteurs devenant finalement
le plus important.
2. C’est ce qui
apparaît nettement dans le film suivant, « Ah Ying »
(《半边人》), en 1983.
Ah Ying |
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Ah Ying (阿莹)
est une jeune fille issue d'une famille modeste qui
rêve de devenir actrice et d’échapper au petit
deux-pièces où s’entasse toute la famille. Elle
s’inscrit aux cours du « centre culturel du cinéma
de Hong Kong » (香港电影文化中心)
et, rencontre là un réalisateur tout juste rentré
des Etats-Unis, avec un projet qu'il ne parvient pas
à concrétiser. Le cours fascinant Ah Ying, ils
restent à discuter ensemble à la fin ; le
réalisateur s'intéresse de plus en plus à elle et se
lance dans un projet de documentaire sur elle et ses
proches.
Mêlant
fiction et réalité, film dans le film et réalisation
en miroir, «Ah Ying» est une œuvre surprenante,
portée par son personnage principal (et sujet), et
construite de façon très subtile. Ce docu-fiction
est l'une des plus brillantes réussites de la
Nouvelle Vague, couronnée de nombreux prix, et
souvent considérée comme le chef d’œuvre d’Allen
Fong. |
3. Trois ans plus tard, en 1986, « Just
Like Weather »
(《美国心》) est d’une forme
totalement différente : toujours docu-fiction, mais
sorte de road movie entre San Francisco et New York,
trajet dont profite un jeune couple pour faire le
point sur sa vie. Film audacieux, il a obtenu le
Grand prix de la
critique au festival de Turin (意大利都灵电影节评审团大奖).
4. Le film suivant, en 1990, « Dancing
Bull
» (《舞牛》) a été réalisé au lendemain des événements de 1989 en Chine continentale
et en porte la marque. Deux jeunes, la danseuse Lisa
et son ami chorégraphe Ben, travaillent dans une
compagnie de danse gérée par l’Etat. Pour éviter la
sclérose administrative, ils montent leur propre
compagnie ; Lisa vend pour cela les bijoux de
famille, et réclame à son oncle l’argent laissé par
sa mère en mourant ; la mère de
Ben est
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Just Like Weather |
persuadée de transformer en studio un appartement de la famille.
Dancing Bull |
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La tension
entraînée par la gestion de cette compagnie provoque
une dépression nerveuse chez Ben et fragilise leur
couple : ils décident de se séparer. La carrière de
l’une décolle pendant que l’autre tombe amoureux
d’une ex-danseuse qui n’a pour toute ambition que
mener une vie de famille tranquille. Mais Ben
n’arrive pas à s’installer dans la routine d’un
boulot balisé.
Cora Miao
(dans le rôle de Lisa) était la première star à
jouer dans un film |
d’Allen Fong, et
Anthony Wong trouva dans Ben le premier rôle important de sa
carrière.
4. Entre
1990 et 1997,
Allen Fong
se replie pourtant sur des films pour la télévision,
et travaille même pour le théâtre, participant en
particulier à des mises en scène de spectacles de
danse contemporaine en fournissant des vidéos.
Il reprend sa caméra
en 1997,
pour tourner un film au sud du Fujian dont
Ann Hui a été le producteur exécutif
: « A Little Life-Opera » (《一生一台戏》).
L’histoire
se situe à la fin des années 1990. Allen Fong
analyse les difficultés d’une troupe d’opéra local
Min confrontée aux défis de la modernisation. La
quarantaine et mère d’une |
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Little Life-Opera |
adolescente, Xueyan
(雪雁)
est à la
tête d’une troupe invitée à donner une représentation dans
un
Winston Chao dans
Little Life-Opera |
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village
pour un personnage enrichi ; le spectacle risque de
mal tourner car il est demandé de prévoir une séance
de strip-tease.
Un ancien
de la troupe devenu homme d’affaires, Sanpeng (三朋),
aide
Xueyan à se tirer de là. Il retrouve le goût de
l’opéra et Xueyan lui avoue son amour caché, mais
chacun a ses propres problèmes familiaux, Sanpeng sa
femme et Xueyan sa fille, qu’elle voudrait dissuader
de poursuivre une carrière identique.
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Environ la
moitié du film est en dialecte minnan, ou min
du sud (闽南语).
L’actrice interprétant Xueyan est la Taiwanaise Yang
Kue-mei (杨贵媚),
qui le parle admirablement ; quant à Winston Chao,
lui aussi vient de Taiwan, de même que les acteurs
de la troupe, l’opéra étant souvent représenté à
Taiwan. C’est un film superbe qui répond, avec
beaucoup de sensibilité, aux divers films réalisés
dans le nord de la Chine sur la préservation
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La troupe de musiciens |
de l’opéra de Pékin, ou d’autres
opéras locaux.
Un
dernier documentaire, perdu…
En 2000, dans la foulée du précédent film, il tourne un
documentaire, en partie au Fujian, en partie au Tibet :
« Tibetan Tao » (《藏道》).
Le film a
malheureusement été perdu, à la suite d’un prêt à une
université.
L’une des
caractéristiques du style d’Allen Fong, dans la plupart de
ses films, est de conserver une certaine dose
d’improvisation : partant de scénarios bien écrits, mais
s'inspirant ensuite de la vie et de la personnalité de ses
interprètes, il modifie souvent son scénario initial au fur
et à mesure du tournage. Ses films de fiction ont un
caractère réaliste à la limite du documentaire, qu’il a
lui-même expliqué par sa formation initiale de journaliste.
Tous ses films ont été précédés d’une longue période de
recherche préparatoire, et réalisés en respectant un triple
principe : se préoccuper de son public, rester objectif et
faire preuve de compassion. Principes journalistiques qu’il
applique dans la réalisation de ses films.
Son indépendance,
il l’a payée en ne réussissant à réaliser que cinq films en
seize ans, entre 1981 et 1997, plus le documentaire perdu.
Mais ils sont considérés comme parmi le meilleur de la
Nouvelle Vague du cinéma
hongkongais.
Filmographie
Télévision
Below the Lion
Rock (《狮子山下》):
- 1977 The Song
of Yuen Chau Chai
《元洲仔之歌》
(46’)
- 1978 Old
Plough
《老犁》
(47’)
Cinéma
1981
Father and Son
《父子情》
1983 Ah Ying
《半边人》
1986
Just Like the Weather
《美国心》
1990 Dancing
Bull
《舞牛》
1997 A Little
Life-Opera
《一生一台戏》
2000 Tibetan Tao
(documentaire)
《藏道》
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