Gu Xue
顾雪
Présentation
par
Brigitte Duzan, 13 septembre 2021
Gu Xue est une réalisatrice chinoise de la
génération « post’80 ». Elle est née à Chengde (承德),
dans le Hebei. Son père était mandchou, sa mère han.
Elle est diplômée de l’université des Communications
de Chine (中国传媒大学).
Débuts
Elle a réalisé un premier documentaire en 2010, sur
les prisonniers de guerre de la guerre de Corée qui
ont demandé à revenir en Chine : « Aphasiques.
Chronique des
prisonniers de guerre de la guerre de Corée »
(《失语者—朝鲜战争战俘纪事》).
En 2013, elle a poursuivi ses études à l’université
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Gu Xue |
Shih Hsin (世新大学)
à Taiwan, avec deux cours : l’un sur l’histoire du cinéma,
l’autre sur le cinéma expérimental.
Puis,
en 2015, elle a rencontré
Gu Tao
(顾桃),
un Mandchou comme son père (on s’appelle tous Gu, dit-elle),
dont elle connaissait les films sur les Ewenkis. Gu Tao
s’apprêtait à partir filmer au Xinjiang. Il lui a proposé de
partir avec lui comme assistante.
Le
documentaire qu’ils sont tourné, « Boutons de pivoines » (《牡丹花开》),
a pour sujet un transsexuel de la minorité hui devenu une
charmante jeune femme appelée Michelle Mi (米雪).
Le film montre la force de sa personnalité, et ses qualités
de persévérance pour arriver à ses fins dans un contexte
social entraînant forcément des conflits.
The Choice
En 2019, Gu Xue a réalisé un premier long métrage
documentaire, « The Choice » (《家庭会议》),
qui a figuré dans la sélection internationale du 42e
festival Cinéma du réel, en avril 2020
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La réunion familiale
de « The Choice » |
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Le film s’intitule en chinois « réunion de famille », et
c’est ce dont il est question ; la famille est le sujet
d’intérêt principal de Gu Xue. Ici, une vieille tante est en
soins intensifs, ses jours sont comptés. Son neveu réunit la
famille pour trouver une solution et décider qui va assurer
la charge financière qu’elle représente pendant qu’elle est
à l’hôpital, mais aussi comment, ensuite, se répartir les
frais des funérailles. Bien sûr la discorde règne. Il s’agit
d’une vieille famille de Luoyang dont trois générations
vivent ensemble. On mesure le poids des conflits et des
hiérarchies familiales.
La famille n’est pas la sienne, mais ressemble à celle de sa
mère qui tenait des réunions du même genre pour prendre des
décisions importantes. Gu Xue se souvient de sa grand-mère
maternelle qui avait dix enfants, sa mère étant le
troisième. Après une congestion cérébrale à l’âge de 78 ans,
elle est restée paralysée, condamnée à passer le reste de sa
vie alitée, pendant dix ans. Gu Xue dormait dans la chambre
à côté et se rappelle l’avoir entendue crier de douleur la
nuit. Elle voulait qu’on l’aide à mourir. Déjà à l’époque
s’était posée la question du « choix » de vie et de mort.
Gu Xue avait alors filmé en caméra numérique un documentaire
sur l’une de ces réunions : « Sous la tour de la cloche » (《鼓楼之下》).
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Sous la tour de la
cloche |
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La réunion familiale de « The Choice » est filmée en un
unique plan-séquence d’une heure (66 minutes exactement),
comme un huis-clos de théâtre, avec ce que ce choix comporte
d’expérimental. Gu Xue se place dans la lignée de
Liu Jiayin (刘伽因)
qui, au début des années 2000, a initié cette méthode de
tournage in situ pour filmer sa famille autour de la table
et enregistrer leurs dialogues. « The Choice » apparaît
comme une nouvelle mouture de « Oxhide »
(《牛皮》),
près de vingt ans plus tard, mais sans montage ni élisions.
Il y a volonté de rendre la réalité dans son immédiateté,
sans fard. C’est quasiment un document ethnographique.
Trailer :
https://vimeo.com/471843955?fbclid=IwAR3Z8DJ905gYqjrqFXd_wzUW4zSeA5kBqEpFN4f4
1AIGJgQJUeuYTmLSS9A
« The Choice » a été loué par le grand documentariste
Wu
Wenguang (吴文光).
Le Nouvel An 2020
Pendant la fête du Printemps 2020, c’est-à-dire pendant la
période de strict confinement due à l’épidémie de covid19,
Gu Xue est rentrée chez elle, mais elle a dû rester un mois
en auto-isolement. Pendant tout ce temps, elle ne pouvait
que suivre les nouvelles sur son smartphone. Ce fut une
période de déprime et de frustration, et d’intense désir
d’expression.
Elle a alors pensé au « Décameron » de Boccace. Recueil de
cent nouvelles, littéralement « le livre des dix journées »,
il commence la première journée par une introduction
décrivant les ravages causés par l’épidémie de peste noire
qui a frappé Florence en 1348 ; un groupe de femmes décide
de partir à la campagne. Elle se retirent dans un lieu
idyllique avec une règle de vie pour échapper à l’ennui :
chaque jour, elle devront raconter une histoire, sur un
thème choisi.
Gu Xue s’inspire de Boccace et invite dix frères et sœurs du
côté de sa mère. Et elle filme : chacun est assis sur un
sofa et lit des nouvelles sur son téléphone. Chaque nouvelle
est une histoire. Le film s’appelle : « Le Nouvel An de
l’année Gengzi » (《庚子新年》).
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Le Nouvel An de
l’année Gengzi |
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Gu Xue’s Video Diary
Le projet qu’elle poursuit aujourd’hui - « Gu Xue’s Video
Diary » (《顾雪的影像日记》)
- est du même ordre que ses précédentes créations : il
s’agit d’enregistrer les menus événements quotidiens, dans
leurs petites occurrences triviales.
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