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Shi Hui 石挥
1915-1957
Présentation
par Brigitte Duzan,
18 janvier 2012,
actualisé 12 janvier 2016
D’abord
acteur de théâtre et dramaturge dans les années
1930, Shi Hui (石挥)
est devenu,
à partir du début des années 1940, un acteur de
cinéma très célèbre, avant de se tourner vers la
réalisation dans les années 1950, avec le même
succès.
D’abord
acteur de théâtre
De son vrai
nom Shi Yutao (石毓涛),
Shi Hui est né en 1915 à Tianjin, mais ses parents
ont déménagé à Pékin quand il était enfant ; c’est
donc là qu’il a grandi et a fait ses études. Mais il
les a arrêtées très tôt : il a commencé dès la fin
du collège à faire ce qu’on appelle des petits
boulots pour gagner sa vie : cheminot en herbe,
apprenti dentiste, une année, apiculteur l’autre, et
vendeur de billets dans un cinéma.
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Shi Hui, jeune acteur |
Un acteur fascinant |
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En 1937, il
part à Shanghai, tournant qui décide de son
orientation tardive vers les métiers du spectacle :
il entre dans une troupe de théâtre itinérante, puis
dans diverses troupes renommées, dont la société
shanghaienne des arts du théâtre (上海剧艺社),
et la troupe Kugan (苦干剧团)
dont il est
l’un des premiers membres, avec le dramaturge et
écrivain Huang Zongjiang (黄宗江)
qui sera
plus tard son scénariste.
Il devient
ainsi l’un des acteurs de théâtre les plus réputés
de Shanghai, loué même par Mei |
Lanfang (梅兰芳).
Il n’avait pourtant pas une allure de star : des petits
yeux, un visage ordinaire. Mais il compensait par un jeu
extraordinaire qui captivait ses auditoires. Lorsque Cao Yu
(曹禺) le
vit
interpréter sa célèbre pièce « L’orage » (《雷雨》),
il s’exclama : « Les qualités du jeu de Shi Hui sont bien
meilleures que celles de ma pièce. »
Il exerçait
une fascination dont il était tout à fait conscient.
Il a dit :
“我上场前要观众盼着我,在场上要观众看着我,下场后要观众想着我。”
« Avant
que j’entre en scène, les spectateurs m’attendent,
quand je suis en scène, ils me regardent, et quand
j’en suis sorti, ils continuent à penser à moi. »
C’était un
superbe manipulateur de sentiments. On dit qu’il
faisait sangloter les foules, et que, se cachant le
visage dans les mains, il regardait en cachette les
spectateurs en écartant légèrement les doigts, et
riait en douce en les voyant tous pleurer.
Il était
connu pour gribouiller les textes des pièces qu’il
devait jouer. En effet, disait-il :
“剧本上印的一行行字,固然很重要,但行与行之间的空白,才是我们演员创作最重要的地方。” |
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Ma vie |
« une
pièce de théâtre, ce sont des lignes et des lignes
de caractères imprimés, il est indéniable que c’est
très important ; mais ce sont les vides entre les
lignes qui sont essentiels pour nous, les acteurs,
c’est là et seulement là que réside notre espace de
création. »
Il écrivit
aussi des pièces de théâtre huaju (话剧),
dont « Le soulèvement du Yunnan » (《云南起义》), passant à la réalisation pour en adapter au cinéma, dont « Sherlock
Holmes » (《福尔摩斯》).
On le surnomma « l’empereur du théâtre » ("话剧皇帝").
Puis acteur
de cinéma et réalisateur
C’est ce
personnage au sommet de son art qui se tourne alors
vers le cinéma, à partir de 1941. Et d’abord comme
acteur, jouant les premiers rôles dans des grands
films tournés dans les années 1940 aux studios
Jinxing (金星影片公 |
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La lettre à plumes |
司)
puis, à partir de 1947, aux studios Wenhua (文华影业公司), par
des réalisateurs eux-mêmes, pour beaucoup, venus du
théâtre ou fortement influencés par la littérature.
Sa carrière
culmine dans deux films représentatifs de 1947 :
« Fake Phoenix » (《假凤虚凰》)
de Huang Zuolin (黄佐临),
autre natif
de Tianjin, élève de Bernard Shaw et spécialiste de
Shakespeare, créateur de la Wenhua en 1946, et
« Long Live the Wife » (
《太太万岁》)
de
Sang Hu (桑弧), sur un scénario de Zhang Ailing (张爱玲).
En 1948, il
tourne cependant encore, aux côtés de
Li Lihua (李丽华), dans le seul film jamais réalisé par le
grand dramaturge Cao Yu (曹禺) :
« A Bright Sunny Day » (《艳阳天》).
Il y donne un brillant exemple de ses incroyables
talents d’acteur… et de chanteur. |
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le mariage d’une fée |
Extrait du film :
la chanson
“渔鼓道情”
yúgǔ dàoqíng
(le second terme désigne un chant accompagné aux
percussions, yúgǔ est l’instrument de percussion de
bambou que l’on entend, à l’origine instrument de rituel
taoïste)
Extrait du film :
la chanson
“渔鼓道情”
yúgǔ dàoqíng
C’est tout
naturellement qu’il se tourne ensuite vers la réalisation,
et non moins naturellement qu’il interprète les premiers
rôles dans ses propres films, qui sont ainsi indissociables
de son jeu d’acteur :
1949 La mère (《母亲》),
dont il a également écrit le scénario.
1950
Ma vie (《我这一辈子》),
adapté d’une nouvelle éponyme de Lao She, qui est sans doute
son chef d’œuvre (1)
1951 Capitaine
Guan (《关连长》)
1952 A Glimpse of
America (《美国之窗》)
coréalisé avec
Huang Zuolin (黄佐临),
sur un scénario de ce dernier.
1954 La lettre à
plumes (《鸡毛信》),
une sorte de conte pour enfants imprégné de ferveur
révolutionnaire, typique de la « nouvelle Chine », mais une
coudée au-dessus des productions semblables ;
1955 Le mariage
d’une fée (《天仙配》),
sur un scénario de
Sang
Hu (桑弧),
adaptation d’un récit traditionnel qui fit les beaux jours
du box office de Hong Kong où le film sortit cette année-là.
(1) Voir l’analyse
comparée de la nouvelle et du film :
www.chinese-shortstories.com/Adaptations%20cinematographiques_LaoShe_Ma_vie.htm
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