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« Addicted to Love » de Liu Hao : douce mélancolie de la
vieillesse
par Brigitte Duzan,
2 avril 2011,
révisé 29 mars 2016
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Addicted to Love
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Troisième long
métrage de
Liu
Hao (刘浩),
« Addicted to Love » (《老那》)
a obtenu les Signis et Solidarity awards au festival de San
Sebastian en 2010, ainsi que le Cyclo d’or, et les prix
Guimet et Inalco au festival de Vesoul en février 2011. Le
scénario, d’abord, avait été retenu au festival de Pusan, en
2008, pour une aide du Asian Cinema Fund, et sélectionné la
même année pour le Sundance Screenwriters’ Lab. Le film a
donc demandé trois ans de préparation.
Une histoire
délicate et juste
C’était ainsi que
le jury du prix Inalco, à Vesoul, avait justifié son choix,
tandis que celui du prix Guimet soulignait la pudeur, la
tendresse et l’humour qui se dégagent du film. Ce sont
effectivement ses grandes qualités, qui concernent surtout
la mise en scène des deux personnes âgées au centre de
l’histoire.
Douce mélancolie du
temps immobile
L’histoire a un
côté poétique et sensible qui la rend touchante, et les
acteurs contribuent à la rendre vraie. C’est le tableau
touchant et original de deux personnages qui se sont aimés
dans leur jeunesse et se retrouvent au soir de leur vie
alors que, sous l’effet de la maladie d’Alzheimer, leurs
souvenirs s’effilochent dans des nappes de brouillard.
Le Lao Na (老那)
du titre chinois
,
retraité apparemment encore très ingambe, aide Li
Ying (李莹)
à ne pas laisser la maladie lui brouiller la mémoire du passé : après
tout, c’est tout ce qui leur reste ; il lui invente
des exercices, lui pose inlassablement les mêmes
questions, jusqu’au jour où l’on se rend compte que
lui-même…
Les deux
interprètes, l’acteur Niu Enpu (牛恩普)
et l’actrice Jiang Meihua (姜美华),
sont formidables de justesse, dans des
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Lao Na et Li Ying |
séquences en
demi-teinte, qui s’étirent comme le temps qui ne passe pas,
avec une touche d’humour bienvenue de ci de là. La mise en
scène minimaliste et la très belle photo (en particulier des
visages) ajoutent à l’atmosphère de douce mélancolie qui
s’en dégage.
Mais une famille de
feuilleton télévisé
Le problème, c’est
la famille, pour eux et pour le film, la famille qui les
surveille, pour les empêche de s’évader, de se perdre. On
reste extérieur à celle de Li Ying dont on ne voit
apparaître la fille que de temps à autre, comme un cerbère
enjuponné et masqué (pollution oblige ?). On a droit en
revanche à tous les états d’âme de celle de Lao Na, dont les
enfants se relaient pour lui tenir compagnie dans son petit
appartement miteux. Et là, le bât blesse.
Cette famille est
celle, un tantinet améliorée, des feuilletons de la
télévision chinoise dont c’est une spécialité : la fille
mariée à un cadre qui a réussi et fournit des emplois aux
enfants de tous les amis du quartier, fille qui a un amant,
bien sûr, qui lui téléphone sur son portable et dont on
entend la voix comme si elle avait mis le haut parleur, et
un jeune frère plus ou moins rebelle et non-conformiste,
comme tous les petits derniers, et tout cela avec une entrée
en scène un soir de Nouvel An, les petits conflits habituels
entre belles sœurs, et l’inévitable rupture finale…

Niu Enpu dans le rôle
de Lao Na |
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On sent
bien que ces séquences sont faites pour animer le
film, le rendre attrayant auprès du grand public,
celui, justement, qui a l’habitude de regarder la
télévision. Mais on peste d’avoir à subir les
criailleries de la famille après les séquences
paisibles et poétiques entre les parents. Le film y
perd son homogénéité et détruit le naturel
mélancolique de Lao Na et Li Ying. On n’est pas sûr
qu’il y ait gagné un public au-delà des jurys des
festivals. |
Il reste une
peinture toute en douceur de la vieillesse et des problèmes
qui lui sont liés, en particulier ceux concernant les
rapports avec la famille et les proches.
Note sur le
co-concepteur du projet
Vieil ami de Liu
Hao, Lang Qibo (郎启波)
est le co-concepteur du projet. Né en 1979 au Yunnan, il est
poète, critique de cinéma et auteur du scénario « La légende
de Chen Zhen » (pour le film « Legend of the Fist, the
Return of Chen Zhen »
《精武风云
:
陈真》),
livre publié en octobre 2010.
Il a participé à la
conception littéraire du projet. Liu Hao et lui ont tenté de
renouveler le genre des films « de petite ville », qui est
surtout, justement, un genre courant à la télévision, en
cherchant une voix moyenne entre le film d’art et d’essai et
le film commercial.
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