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Liu Hao 刘浩
Né
en 1968
Présentation
par Brigitte Duzan, 29 mars 2016
Alors qu’il en est à son quatrième long métrage, Liu
Hao est encore relativement peu connu en dehors des
cercles d’habitués des festivals internationaux de
cinéma. C’est pourtant une personnalité peu
ordinaire, qui cherche à trouver un juste milieu
entre film commercial et film d’art et d’essai, tout
en conservant une vision artistique exigeante.
Son parcours à lui seul en dit beaucoup sur le
personnage, sa résilience et son talent indéniable.
Cinéaste envers et contre tout
Liu Hao est
né à Shanghai en 1968.
L’histoire qui nous intéresse commence au début des
années 1990.
Il travaille alors dans les médias, dans le
numérique, mais il |
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Liu Hao |
a un
penchant pour les lettres et les arts, et il cherche sa
voie. Il essaie le théâtre, mais ça ne marche pas. Or la
boîte où il travaille se trouve à côté d’un cinéma ; les
places ne sont pas chères, 2,5 yuans pour deux séances. La
première fois qu’il y va, c’est pour se protéger de la
canicule. Mais c’est la grande vogue des films de la 5ème
génération. Il remarque très vite que ces films
correspondent à ses propres considérations artistiques. Il a
soudain envie de faire du cinéma.
Alors,
en 1995, il se présente à l’Institut du cinéma de Pékin ; il
est admis mais ne peut y entrer car il a dépassé la limite
d’âge.
Zhang Yimou en son temps
avait déjà eu le même problème, c’est la qualité de ses
photos qui lui avait valu une exemption. Liu Hao, lui,
emprunte 25 000 yuans et tourne une vidéo musicale : l’opéra
de Pékin « La Princesse ivre » ou « The Drunken Beauty »
(Guìfēi
zuìjiǔ《贵妃醉酒》)
.
Avec cette vidéo, il participe à un concours de vidéos
musicales au festival de Shanghai, et remporte le prix.
Celui-ci lui est remis par le « père de la 5ème
génération »,
Wu
Tianming (吴天明),
avec ces paroles : « Bon travail, mon jeune ami » (“小伙子好好干 !”).
Liu Hao
est donc finalement admis à l’Institut du cinéma de Pékin en
1997. Il avait prouvé qu’il le méritait.
2000 – 2015 : quatre films originaux
Comme beaucoup de ses pairs, il passe surtout son
temps à regarder des films. Et surtout des films
piratés, faute de mieux. Mais il se forge son propre
style.
2002 : premier long métrage
Ce premier long métrage est « Chenmo et Meiting »
(《陈默和美婷》)
qui a un grand succès à la Berlinale 2002 : il y
obtient le prix Netpac et une mention spéciale pour
un premier film.
Le film raconte les amours d’un vendeur de fleurs et
d’une masseuse dans un salon de beauté, deux enfants
d’intellectuels persécutés pendant la Révolution
culturelle. Il a été tourné pendant deux mois dans
les montagnes du Yunnan, avec un budget de 1,8
million de yuans, soit 245 000 €. Mais c’est en fait
son film de fin d’études, réalisé en 1999. C’est
parce qu’il n’avait pas les fonds nécessaires qu’il
n’a pu terminer la postproduction qu’en juillet
2001, pour la présentation du film à Berlin.
Le film est sorti en France, entre autres, en 2004,
mais il n’a jamais été distribué en Chine.
Néanmoins, son succès à l’étranger a attiré
l’attention du groupe China Film, qui a
sélectionné Liu Hao pour un projet autour de
nouveaux jeunes cinéastes, réalisé en coopération
avec l’université de Pékin.
2004 : une histoire de moutons
Ce projet a donné « Two Great Sheep » (《好大一对羊》),
achevé en 2004, qui a obtenu, entre autres, le prix
du
meilleur film au festival du cinéma asiatique de
Deauville en 2005. C’estun film satirique, construit
autour de l’histoire d’un paysan,
Zhao Deshan (赵德山),
et de son épouse, auxquels le |
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Chenmo et Meiting

Two Great Sheep |

Sun Yukun dans Two
Great Sheep |
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maire du village confie deux moutons importés,
cadeau d’un ancien villageois devenu fonctionnaire à
Pékin. Le couple a la charge d’engraisser les
animaux, mais la tâche se révèle plus difficile
qu’il n’y paraît, les moutons ne paraissant pas se
faire à leur nouvel environnement. Finalement le
maire veut les reprendre, mais le vieux Deshan s’est
attaché à ses pensionnaires…
Espérant en faire un film commercial rentable, en
dépit d’acteurs peu connus, China Film y a investi 5
millions de yuans, avec la participation du Bureau
des échanges culturels de la province du Yunnan. Liu
Hao était ainsi l’un des premiers réalisateurs
indépendants à entrer dans le circuit officiel des
studios d’Etat, avec
Jia Zhangke
et
Zhu Wen,
à une période de relative ouverture dans les sphères
officielles du cinéma en Chine. Ils en sont
ressortis très vite. |
2010 :
le drame des personnes âgées
En 2010, le troisième film de Liu Hao,
« Addicted
to Love » (《老那》)
a étéremarqué
au festival de San Sebastian en septembre, et
projeté au centre Ullens à Pékin en décembre. Puis,
en février 2011, il a décroché trois prix à la 17ème
édition du festival de Vesoul (Cyclo d’or,prix
Emile Guimet et prix Inalco).
C’est un film inégal, mais d’une grande sensibilité,
sur la fragilité |
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Addicted to Love |
des
personnes âgées confrontées à la perte de mémoire et de
repères sociaux, porté par ses deux interprètes principaux,
dont le Lao Na du titre.
2015 : un drame de la politique de l’enfant unique

Back to the North |
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En 2015,
« Back
to the North » (《向北方》)
est à nouveau sélectionné au festival de San
Sebastian. C’est un film dont le noir et blanc
souligne l’austérité du sujet.
Le
personnage principal est une ouvrière à l’avenir
prometteur, mais quisouffre d’une maladie de cœur :
ses jours sont comptés. Consciente que ses parents
vont devenir une « famille perdue » et n’auront
personne pour s’occuper d’eux après sa mort, elle
revient chez elle dans le Heilongjiang, dans le
district de Mohe (漠河县),
le district le plus septentrional de Chine
,
pour tenterde les convaincre d’avoir un nouvel
enfant.
Mais le film n’est pas seulement une critique de la
politique gouvernementale, c’est aussi une analyse
amère de l’évolution des rapports entre générations.
Il est construit sur les secrets |
que chacun cherche à préserver, comme pour se protéger, avec
l’éclatement inévitable des liens familiaux.
Liu Hao tisse peu à peu la toile de sa filmographie comme
une sorte de comédie humaine des petites villes chinoises.
Il s’agit dela célèbre Yang Guifei, épouse vénérée
de l’empereur Xuanzong des Tang. C’était en
particulier l’un des grands rôles de Mei Lanfang.
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