|
« A
North Chinese Girl »: premier film original de
Zou Peng, mais mauvais scénario
par Brigitte
Duzan, 16 février 2009, révisé 28 septembre 2012
« A
North Chinese Girl » (《东北,东北》),
dont la première mondiale a eu lieu le 7 février
2009 au festival de Berlin, est une première œuvre
originale à plusieurs égards. Le film a obtenu le
prix
FIPRESCI au festival international de Hong Kong, la
même année.
Un film
original dans sa forme
Intitulé
en chinois
dōngběi
dōngběi《东北,东北》,
ce film est un hommage à la région du nord-est
chinois désignée par ce terme (1), et plus
particulièrement à la ville de Harbin où il a été
tourné, qui est la ville dont est originaire le
réalisateur.
Photographie
Harbin est la ville où tous les hivers sont réalisés
des sculptures et des palais de glace qui attirent
les touristes avant de fondre au printemps. Cela
donne un cadre assez particulier, et de très belles
photos. |
|
A North Chinese Girl (affiche
du festival de Berlin) |
Le directeur de la
photographie est lui-même assez inattendu au générique d’un
film chinois : c’est un jeune Mexicain, Pablo Enrique
Mendoza Ruiz. Il était étudiant à l’Institut du film de
Pékin en même temps que le réalisateur, et ils ont
sympathisé. Il filme ses intérieurs dans des couleurs très
chaudes qui tranchent sur le bleu très froid de la glace
extérieure.
Errenzhuan
Un spectacle dans le
film |
|
Enfin,
troisième originalité, le film est construit en
mettant l’action principale en parallèle avec une
forme de divertissement populaire originaire du
Dongbei et devenu très apprécié en Chine depuis que
Zhao Benshan, en particulier, l’a modernisé et
introduit à la télévision : le
èrrénzhuàn
(二人转).
Il s’agit
de sortes de sketches à deux acteurs interprétant
des rôles bien définis (clown, femme ou vieil
homme), intégrant chant et danse, des jongleries
avec des foulards, voire des acrobaties.
|
C’est une forme
artistique qui est née à la campagne, comme divertissement
en marge des travaux des champs, mais qui est devenue très
populaire depuis une dizaine d’années dans les villes du
nord-est d’abord, mais aussi à Pékin et ailleurs, car elle
cultive une sorte de nostalgie du village chez ceux qui
l’ont quitté pour aller travailler à la ville.
Le scénario est
ainsi construit sur une interaction entre les sketches
interprétés sur la scène et les histoires qui arrivent au
personnage principal.
Un style
docu-fiction, mais la fiction s’essouffle
Le
personnage central est une jeune fille de dix-neuf
ans, vendeuse dans un magasin de vêtements. Elle
travaille le jour, et accompagne son patron la nuit,
pour escorter les clients dans les bars à karaoké et
diverses salles de spectacle de Harbin, en pensant
que c’est là le meilleur moyen pour elle de se faire
un chemin dans la vie. Après une soirée torride avec
son patron, elle découvre qu’elle est enceinte, mais
décide de garder le bébé en rejetant l’aide de son
ancien petit ami… |
|
Un dîner entre amis |
Tous les acteurs
sont amateurs, trouvés au hasard des rues par le
réalisateur, et ils improvisent même leurs dialogues. Les
personnages sont donc un peu schématiques, et les longues
prises impriment un rythme très lent qui enlève tout
caractère dramatique au déroulement du film. Il s’agit plus
d’une observation sur la vie à Harbin en tableaux assemblés
comme un documentaire.
Le réalisateur,
Zou Peng
(邹鹏),
avoue avoir subi l’influence du Japonais Imamura, mais
surtout celle de Jia Zhangke, influence sensible dans cette
forme du film, mi documentaire mi fiction.
« A
North Chinese Girl »
est le résultat de dix ans de maturation, les dix ans passés
par Zou Peng à Canton comme styliste. C’était la première
fois qu’il revenait dans sa ville natale depuis une
vingtaine d’années : il a dit avoir choisi la caméra pour la
redécouvrir et dialoguer avec elle … Effectivement, Harbin
vibre sous la caméra, au rythme du
èrrénzhuàn.
D’ailleurs c’est la qualité de la photographie qui a motivé
le prix
FIPRESCI obtenu au festival de Hong Kong, et le travail de
la caméra « sublime dans sa simplicité ».
Mais
l’esprit se lasse des images léchées sans être sollicité par
un scénario suffisamment intéressant. Ce défaut se retrouve
malheureusement dans le film suivant de Zou Peng,
« Sauna
on Moon » (《嫦娥》).
(1)
Soit
les trois provinces de Jilin, Heilongjiang et Liaoning.
|
|