Réalisateur d’un premier film prometteur, Cai
Chengjie est né en février 1980 à Pingquan, dans le
Hebei (河北平泉).
Titulaire d’un diplôme de design de l’Université de
technologie du Shaanxi, il a travaillé comme
directeur de programme à la télévision chinoise
centrale (CCTV), où il a réalisé des documentaires
et téléfilms sur les problèmes de société ; mais, la
réalisation étant très encadrée et ne lui laissant
aucune marge créative, il s’en est lassé. En 2016,
il a démissionné pour réaliser son premier long
métrage indépendant :
« The Widowed Witch
»
(《北方一片苍茫》).
Ecrit et
réalisé par Cai Chengjie et d’abord intitulé
« Shaman » (《小寡妇成仙记》, soit littéralement « Histoire
d’une petite veuve devenue immortelle »)
[1]
, le film a obtenu les deux prix du meilleur
réalisateur et du meilleur film de
Cai Chengjie
fiction au
festival FIRST de Xining en juillet 2017, puis il a
décroché le Tiger Award au festival de Rotterdam en février
2018.
Version longue
(Shaman)
C’est certainement un film très personnel, où Cai
Chengjie a voulu dresser un tableau de la vie dans
un village du nord de la Chine, en partie par
nostalgie de sa propre enfance. La vie qu’il dépeint
est rude, brutale même ; c’est le drame, dit-il, qui
fait avancer le récit. Pourtant, il y a aussi
beaucoup de chaleur humaine. Le réalisateur montre
les côtés hospitaliers de ce pays glacé, la chaleur
sous la neige, et en même temps une culture locale
où surnaturel et fantastique relèvent de l’animisme
ancien.
Le personnage principal, Erhao, est une veuve qui
l’est pour la troisième fois quand son mari est tué
dans une explosion de leur fabrique de feux
d’artifice dont elle-même réchappe de justesse.
Alors qu’elle est chez ses beaux-parents dans un
état semi-comateux, elle est violée par son
beau-frère. Elle part alors avec le frère muet de
son défunt mari, à la recherche d’un endroit où elle
puisse trouver refuge, et une
chaleur qui paraît rare dans cette contrée où la couleur
semble être essentiellement monochrome, comme les
sentiments : si le film commence en couleurs, comme sous
l’effet de l’explosion, il continue en noir et blanc.
The Widowed Witch
(affiche chinoise)
The Widowed Witch
(affiche du festival de Rotterdam)
Le film se déroule alors au gré des succès de Erhao. Défiant
la méfiance, voire la franche opposition des villageois,
Erhao tourne à son avantage leurs superstitions. Elle gifle
un homme et le guérit ainsi d’une raideur dans le cou,
découvrant peu à peu ses pouvoirs « magiques » Mais ses
problèmes ne sont pas finis pour autant...
Le film a été tourné en seulement neuf jours, après la fête
du Nouvel An chinois. Il est interprété par des acteurs non
professionnels, qui sont venus sur le tournage pendant leurs
vacances, et sont ensuite repartis en ville travailler ;
presque plus personne ne vit au village.
C’est un superbe film, d’une sombre beauté, où, sous une
pointe d’humour, perce une dénonciation des injustices et
des préjugés d’un autre âge dont continuent de souffrir les
femmes en Chine aujourd’hui.
Trailer
Filmographie
Pour la télévision
2013 J’ai entendu parler de Liangshan
《听见凉山》
(feuilleton
télévisé en 9 épisodes de 43’)
[1]
Le film n’a pas seulement changé de
titre ; il a été remonté en le raccourcissant de
plus de vingt minutes après le festival FIRST où la
version présentée durait 140’.