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Meng Jinghui
孟京辉
Né en 1964
Présentation
par Brigitte
Duzan, 23 février 2013
Meng
Jinghui est une célébrité dans le monde du théâtre,
mais il est aussi l’auteur d’un unique film à ce
jour, « Chicken Poets », qui est un ovni
cinématographique comme ses mises en scènes sont des
ovnis dans le monde théâtral.
Théâtre
d’avant-garde
Né en 1964,
Meng Jinghui termine en 1986 des études de
littérature dans ce qui est aujourd’hui l’Université
normale de Pékin (北京师范学院, aujourd’hui
首都师范大学)
et devient enseignant, mais pas pour longtemps. Il
réussit le concours d’entrée à
l’Institut
central d’art dramatique (中央戏剧学院)
dont il sort en 1991 avec un
diplôme de
mise en scène. Sa vie est dès lors toute entière
consacrée au théâtre, revisitant de grandes pièces
du répertoire contemporain, chinois et occidental,
dont il révolutionne la mise en scène. |
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Meng Jinghui |
Avant-gardiste
résolu
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Le logo de son studio |
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Dès ses
années d’étudiant, il se fait remarquer par ses
mises en scène avant-gardistes, à commencer par le
« Rhinocéros »
de Ionesco en 1987 et le mimodrame de Stravinsky
sur un texte de Ramuz « L’histoire du soldat » en
1988, puis, en 1991, « La cantatrice chauve » et
« En attendant Godot ».
En 1992, il
fonde son propre atelier de création, le Playplay
Studio ou « Troupe du Chuanbang » (“穿帮剧团”)
(1).
Ce sont des années où le théâtre, en Chine, est à
son point le plus bas, après la rupture de 1989 ;
même les termes d’ « expérimental » ou
d’ « avant-garde » sont considérés avec suspicion.
Le ministère de la culture
encourage cependant la création. Après avoir mis en
scène, à sa manière, des pièces du répertoire, il
commence à écrire les siennes, avec son épouse.
Sa première mise en scène est alors « Si Fan » (《思凡》),
représentée
en 1993 sur la scène du Théâtre expérimental de
l’Institut d’art dramatique (中央实验话剧院).
Mêlant des histoires tirées du Decameron de Boccace
à un opéra traditionnel kunqu, la pîèce fait
sensation. Meng Jinghui est ensuite invité en
Allemagne où il représente un « En attendant Godot »
dont il a rompu la linéarité dépressive en y
insérant des éléments d’humour et de gaîté, puis il
monte |
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Le rhinoceros amoureux |
« Le
balcon » de Jean Genet.

Pastèque |
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En 1995,
avec « Pose ton
fouet/Woyceck » (《放下你的鞭子/沃伊采克》),
adapté de la pièce inachevée du dramaturge allemand
Georg Büchner, il s’impose comme
l’un des
plus influents représentants du théâtre expérimental
en Chine. Il est ensuite invité à Hong Kong où il
monte une pièce de Shakespeare, « Twelfth Night »,
et une adaptation de « La véritable histoire d’AQ »,
baptisée « Camarade AQ » (《阿Q同志》).
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En 1997, il
part au Japon, y fait la connaissance de Dario Fo et
monte la « Mort
accidentelle d’un anarchiste », son
premier grand succès commercial, en 1998 : une
tragicomédie sur la brutalité policière, la
corruption et l’absurdité d’un système dictatorial
dans l’Italie des années 1960, adaptée en une satire
de la Chine moderne, avec des extraits musicaux de
Cui Jian et des
« opéras modèles ». Tout le monde fut étonné de la liberté
qui fut laissée au metteur en scène, et lui le premier –
comme si la réputation de gauchiste de Dario Fo protégeait
la pièce.
Le Nid d’abeille et
le Petit Théâtre
Avec son
épouse la scénariste Liao Yimei (廖一梅),
il fonde un véritable laboratoire d’idées : le
Théâtre du Nid d’abeille (蜂巢剧场).
Il y monte entre autres
une adaptation
des « Cent ans
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Amber |
de
la solitude » de García Márquez qui est représentée
à Hong Kong,
et, en
1999, « Le
Rhinocéros amoureux » (《恋爱的犀牛》),
l’un de ses plus grands succès.
En 2000, il met en
scène une dernière pièce, « The Bedbug » (《臭虫》)
avant de se tourner vers le cinéma.
Chicken Poets

Une rencontre exotique |
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En août
2002 sort son premier film, et le seul de lui à
cette heure -
« Chicken
Poets » (《象鸡毛一样飞》)
– qui reprend au cinéma sa vision décalée et
satirique de la société, et le genre de mise en
scène originale développée au théâtre. C’est aussi
une réflexion, attristée et drôle à la fois, sur les
difficultés de la création artistique dans un pays
tourné essentiellement vers le succès économique.
C’est une
expérience unique et une unique expérience – à part
un court métrage expérimental de 4 minutes en 2005,
intitulé
« Pastèque » (《西瓜》) :
« Chicken Poets » est le lauréat du prix spécial du
jury au festival de Locarno, mais ne connaît pas
auprès du public le même succès que ses pièces de
théâtre ; après une absence de quelques années sur
les planches, Meng Jinghui revient au théâtre. |
Retour au théâtre
En 2005, il
met en scène « Amber »
(《琥珀》),
avec Liu Ye (刘烨),
puis, en 2007,
« Une rencontre exotique» (《艳遇》),
avec une pléiade d’acteurs connus, dont Gao Yuanyuan
(高圆圆)
: c’est la marque de son succès ; jusque là, les
acteurs craignaient, en s’associant à lui, de ruiner
leur carrière ; désormais, le terme « expérimental »
est devenu à la mode et les acteurs se pressent pour
jouer avec lui.
En 2008, il adapte
« Die
Liebe ist Kälter
als der Tod » de
Fassbinder, mise en scène comme une comédie
musicale,
expérience
qu’il poursuit avec « L’amour des trois oranges » de
Prokoviev en 2010. Cette même année 2010, il met
aussi en scène « Rouruan » (《柔软》),
troisième partie de la « trilogie du pessimisme » (“悲观主义三部曲”)
de Liao Yimei. En 2011, il adapte Dürrenmatt, autre
auteur dans lequel il trouve des résonances avec sa
propre pensée. |
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Two Dogs’ Life Opinion |

Au festival off
d’Avignon |
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En 2011, il
donne « Two Dogs’Life Opinion » au Kennedy Centre à
New York. En juillet, il est l’invité du festival
off d’Avignon, dans le cadre d’un programme consacré
à la nouvelle vague théâtrale chinoise. Il amène
avec lui une soixantaine d’artistes chinois qu’il
avait produits au Festival Off de Pékin, une autre
de ses créations, en 2008, pour favoriser les
échanges et l’émergence de nouveaux talents.
Lui-même donne ses grands succès : « En attendant
Godot », « L’amour des trois oranges », et un « Don
Quijote de la Mancha » adapté de Cervantes
….
Il est
aujourd’hui le metteur en scène résident du Petit
Théâtre national de Chine. En 2012, il a monté une
adaptation du roman de Yu Hua (余华)
« Vivre » (《活着》).
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Meng
Jinghui a réussi à populariser le théâtre
expérimental en
Chine, et, ce faisant, à créer un nouveau public. Il
semble bien plus difficile de réussir la même chose
dans le domaine cinématographique.
Note
(1)
穿帮
chuānbāng
est une
expression dérivée du dialecte de Shanghai qui désigne
l’action de ne pas aller faire ce qu’on a dit (par exemple :
dire qu’on va faire des heures supplémentaires et aller
jouer au mahjong), et se faire prendre. Par extension, le
terme désigne dans un film les anomalies non décelées au
montage (un objet moderne dans un film historique par
exemple). Le terme de « troupe chuanbang » est donc
une référence ironique à une relecture subversive de pièces
classiques.
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