Mixiang : un film qui joint
esthétique et néo-réalisme
par Brigitte
Duzan, 29 janvier 2021
Coréalisé
par Wang Hongfei (王洪飞)
et Bai Haibin (白海滨)
dont c’était le premier film, « Mixiang » (《米香》)
– en anglais « Death
Dowry » - était
l’une des belles découvertes de l’édition 2009 du
Festival du cinéma chinois de Paris, qui le
présentait sous le titre « Le Parfum du riz »,
traduction littérale du titre chinois. Le film est
sorti ensuite en septembre 2010 sur les écrans
chinois.
Une histoire d’un sombre réalisme
L’histoire
se passe dans une petite ville minière du nord de la
Chine, au bord du fleuve Jaune, dans un pays rude,
où la vie semble un purgatoire.
Le titre –
Mixiang- est en fait le nom d’une femme du
Sichuan dont le mari a demandé le divorce et l’a
renvoyée, ne supportant plus leur enfant retardé
mental. Pour subvenir à ses besoins et tenter
d’assurer l’avenir de l’enfant, elle part dans une
bourgade minière du nord où est allée s’installer
l’une de ses amies, et
Mixiang
gagne sa vie en
vendant des spécialités culinaires du Sichuan aux mineurs.
Comme elle est bonne cuisinière, elle a du succès.
Renonçant à un
début d’idylle avec un jeune mineur sympathique et beau
garçon, elle jette froidement son dévolu sur un personnage
plus âgé qu’elle, laid et bossu, dans l’espoir qu’il périra
dans un accident à la mine et qu’elle pourra alors toucher
l’indemnité due aux veuves dans ces cas-là. Le bossu en
question, Wang Tuozi (王坨子),
sorte de Quasimodo chinois moderne, se révèle cependant un
cœur en or, et un père plein de tendresse pour le petit
garçon, si bien que, malgré les difficultés initiales de la
vie commune, Mixiang finit par s’attacher à lui et à trouver
une sorte de sérénité sinon de bonheur à ses côtés.
Tao Hong dans le rôle
de Mixiang
Sun Liang dans le rôle
de Wang Tuozi
Le sort en
décidera autrement. Mixiang touchera finalement sa prime,
mais repartira seule avec son enfant, comme si la fatalité
voulait qu’il soit impossible d’avoir à la fois et l’argent
et le bonheur. On pense à Jacques Brel : faut vous dire,
monsieur, que chez ces gens-là, monsieur, on ne vit pas….
Le film
est adapté d’une nouvelle de l’écrivaine Fu Aimao (傅爱毛),
« La mort en dot » (《嫁死》),
dont Bai Haibin a acheté les droits avec ses fonds
personnels. Le scénario a ensuite été écrit par la
scénariste Gu Xiaoni (谷小妮)
avec Fu Aimao. Leur scénario réserve suffisamment de
surprises pour que l’intérêt ne faiblisse pas, mais
il offre surtout une analyse en profondeur de
personnages complexes dont il fait peu à peu
découvrir la beauté intérieure.
Un
film porté par ses interprètes
Mixiang
est interprétée par Tao
Hong (陶红) ;
c’est resté l’un de ses grands rôles. Toute la
publicité du film a été centrée sur elle car non
seulement elle est l’actrice principale, mais en
plus elle a co-produit le film, fondant pour cela
une petite unité de production. Cela faisait
plusieurs années
L’enfant
qu’elle n’avait
pas tourné, sa dernière interprétation remontant à 2002,
dans le film
« Le
Show de la vie »
(《生活秀》)de
Huo
Jianqi (霍建起)
adapté de la nouvelle éponyme de Chi Li (池莉) ;
son rôle dans
Photo de couple
ce film lui avait valu d’être couronnée trois fois :
d’un Coq d’or, d’un Huabiao et du prix de la
meilleure actrice au
festival de Shanghai. Sa notoriété était assurée,
mais on ne lui avait pas depuis lors offert de
scénario intéressant, d’où son intérêt pour
celui-ci.
Et à côté
de Tao Hong, il y a Sun Liang (孙亮),
acteur discret qui interprète avec une grande
finesse le mineur bossu. C’est un rôle de
composition, difficile et ingrat, qui s’apparente
presque à un rôle de chou à l’opéra.
Un coup de
chapeau aux deux réalisateurs et à leur équipe
Bai Haibin
et Wang Hongfei attendaient un bon scénario pour se
lancer. Le premier est
diplômé à la fois du Centre national d’art
dramatique et de l’Institut du cinéma de Pékin. Wang
Hongfei est un acteur de formation (passé par le
Centre national d’art dramatique), qui a exercé à
peu près tous les métiers du cinéma, du montage à la
direction artistique en passant par l’écriture de
scénarios.
Mari et femme dans la
vie quotidienne
Dernier adieu
Ils ont
choisi une belle équipe, dont le directeur de la
photo, Lin Liangzhong (林良忠),
auquel on doit de superbes images de ce décor
austère, un fleuve Jaune roulant des flots boueux ou
les habitations à flanc de rocher typiques de la
région (Shanxi/Shaanxi), qui jamais ne donnent dans
le pittoresque. Lin Liangzhong a été directeur de la
photo, entre autres, de « Garçon d’honneur »
《喜宴》et
« Salé sucré » 《饮食男女》d’Ang
Lee(1993 et 1994)), et du superbe
« Blind Mountain » (《盲山》),
deuxième volet de la
trilogie de
Li Yang (李扬)qui
a la même qualité de photo que Mixiang.
Le film a
bénéficié d’une aide du Fonds sud cinéma du CNC pour la
post-production et le sous-titrage.