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En
souvenir de la réalisatrice Zhang Nuanxin
怀念张暖忻导演
Par Xie Fei
谢飞
Ce texte est un
hommage à la réalisatrice
Zhang Nuanxin (张暖忻),
morte d’un cancer le 28 mai 1995.
C’est un
témoignage de l’admiration d’un autre grand réalisateur,
mais c’est aussi un témoignage des traumatismes subis par
toute une génération de cinéastes chinois qui ont terminé
leurs études juste avant la Révolution culturelle et ont
ensuite été obligés d’attendre dix ans avant de pouvoir
commencer leur carrière.
Comme le souligne
Xie
Fei, c’est d’autant plus triste dans le cas de
Zhang Nuanxin que non seulement elle a dû subir les
exigences absurdes du marché au moment où elle arrivait à sa
maturité créatrice, mais que, en outre, sa carrière a
ensuite été brusquement interrompue par la maladie…
5月28日,张暖忻导演突然地离开我们走了。实在是走得太快了,突兀得让人难以接受!她的离去,给我们这些同行、朋友、给她的众多观众都留下了太多的惋惜,太多的感慨。
惋惜。
惋惜她的不凡的才情。
暖忻比我高两班,导演系毕业后,又都留在电影学院教书。她不是锋芒毕露的人,正直、坦率、稳重、博学。艺术不仅是她心中一片净土,也是她在生活中的立身之本。1979年,一篇被誉为“第四代的宣言”的艺术论文《谈电影语言的现代化》;1980年一部才华横溢的导演处女作电影《沙鸥》,至今仍闪烁着其不息的理论与艺术的光彩,令人难忘。我常对人说,在我们同龄人中,暖忻的艺术感觉特别好,才情出众,她思想敏锐,勇于创新。长镜头,自然光效,实景拍摄,声画蒙太奇等新观念、新手法,她不仅提得早,也用得好。
1983年,我正在学院负责青影厂的创作工作,暖忻把一篇叫《有一个美丽的地方》的中篇小说拿给我看,说她想拍它。[一个女知识青年不理解傣族女孩子为什么不愿意跟她在一起劳动?当她用漂亮的筒裙换下了那身洗的泛白的黄军装,才明白了过去那种“把不美当作美”的扭曲的可悲。]
多么精彩的艺术细节,多么独特的思想提炼!我为小说作者叫好,也为暖忻的眼光与品位叹服。她据此拍摄的影片《青春祭》,堪称新时期中国电影的经典作品,也是她最好最成熟的代表作。在这里,技巧手法“成为创作者个人气质的流露和感情的抒发”(张暖忻语),充分显示了暖忻个人的才华与独特的艺术气质——“纪实风格的电影抒情诗”。
感叹。
感叹她的英年早殇。
55岁,正是艺术创作的盛年。一位如此有才华的导演,只拍了5部作品就去了,不是太少了,太残忍了吗?
暖忻和我们“第四代”导演都是“文革”的受害者。艺术家出光彩、出成绩的最好的青春年华都被“革命”、“造反”耽误过去了。暖忻是个勤奋刻苦,不甘平庸的人。一旦抓住机会,就会去搏、去拼。1977年,“文革”刚过,我们这些小字辈还不可能得到拍片权。暖忻就下功夫与人合作写出了剧本《李四光》,以扎实的艺术质量获得了夏衍老人的首肯,并由大导演凌子风拍成影片。可是当她以“青年导演”的称号相继拍出《沙鸥》、《青春祭》、《北京你早》时,早已是人过中年了。荒谬的“政治浩劫”让我们失去了最好的创作年华;卧薪尝胆,奋起直追,刚刚攀入创作的成熟境界,又遇到了市场经济大潮与健康、疾病的挑战。为了适应市场,她不得不在《云南故事》中启用并不适合的港台明星;为了多些拍片机会,她也接了“命题作文”。而她真正想要拍摄的,能体现其艺术风格与追求的作品,如《放生》(作家陈建功的作品),却迟迟找不到机会拍摄。
在病床上,暖忻说:她一直自认为身体很好,四、五年来,没做过全面的身体检查。如果她在去年、前年发现了病兆,也许可以闯过这一关,也许她还会有更长的艺术生命,也许观众还能看到她更新的独特的新作。
可是也许,只是愿望,不是现实。她只能表达我们对暖忻和她的美好的艺术的深深怀念。
原载《中国银幕》1995年7月号,第22页。
Traduction
Le 28 mai, Zhang
Nuanxin nous a quittés. Cela s’est passé très vite, de façon
totalement inattendue, difficile à accepter. A nous tous,
ses collègues et amis, ainsi qu’à son nombreux public, sa
disparition laisse un sentiment d’infinis regrets, et une
profonde émotion.
Mais surtout des
regrets.
Regrets d’avoir
perdu un talent peu ordinaire.
Nuanxin est entrée
à l’Institut du cinéma deux promotions avant moi ; après
avoir terminé, elle est restée y enseigner. Ce n’était pas
quelqu’un qui faisait étalage de ses dons ; elle était
droite, franche, pondérée, érudite. L’art n’était pas
seulement pour elle un paradis intérieur, c’était aussi le
fondement de la conduite à adopter dans la vie. Son article
théorique de 1979 « De la modernisation du langage
cinématographique » est considéré comme le manifeste de la
quatrième génération. En 1980, son premier film, « Sha’ou »,
est une œuvre aussi brillante du point de vue théorique
qu’artistique, qui conserve encore aujourd’hui le même
éclat : une œuvre inoubliable. J’ai souvent dit que, parmi
les cinéastes de notre âge, Nuanxin avait un sens artistique
particulièrement vif et un talent hors du commun ; elle
avait une pensée pénétrante et l’audace d’innover. Plans
longs, prises naturelles, tournages en extérieur, montages
synchronisés son et image, autant de conceptions et procédés
nouveaux que non seulement elle a préconisés très tôt, mais
qu’elle a aussi très bien mis en pratique.
En 1983, alors que
je venais d’être nommé responsable de la création du Studio
pour enfants, au sein de l’Institut du cinéma, Nuanxin m’a
apporté une nouvelle longue, intitulée « Il y a un bel
endroit », en me disant qu’elle aimerait l’adapter à
l’écran. […] Il y a dans cette nouvelle tellement de détails
artistiques, tellement de raffinement de pensée ! Je trouve
l’auteur excellent, mais m’incline aussi avec admiration
devant la qualité du film et la vision de Nuanxin. Ce film,
« Ode à la jeunesse », est considéré comme le classique du
nouveau cinéma chinois, c’est aussi son œuvre la plus
représentative, représentative de sa maturité. Dans ce film,
selon les termes de Zhang Nuanxin elle-même, la technique
utilisée « exprime et reflète les sentiments et le
tempérament personnel de l’auteur », elle montre
parfaitement le talent et les qualités artistiques propres
de la réalisatrice --- le film est « un poème lyrique
cinématographique qui dépeint la réalité ».
Soupir.
Soupir de regret
qu’elle ait disparu si tôt.
55 ans, c’est
l’âge du plein épanouissement des capacités d’un artiste.
Qu’une réalisatrice d’un tel talent disparaisse après avoir
tourné seulement cinq films, n’est-ce pas trop peu, trop
cruel ?
Nuanxin et nous
autres, réalisateurs de la « quatrième génération », avons
été victimes de la Révolution culturelle. Les plus grand
succès de nos années de jeunesse, les créations les plus
brillantes, ont été retardés par la Révolution culturelle et
le mouvement anti-droitiers. Nuanxin était quelqu’un
d’assidu et travailleur, incapable de se résigner à la
médiocrité. Elle saisissait la moindre occasion pour se
battre, de toutes ses forces. En 1977, la Révolution
culturelle à peine terminée, nous autres, les petits jeunes,
ne pouvions obtenir de droits de tournage. Alors, Nuanxin se
démena pour rédiger un scénario collectif, « Li Siguang »,
dont la qualité enleva l’accord de Xia Yan et qui fut tourné
par le grand réalisateur Ling Zifeng. Mais tous les films
suivants, « Sha’ou », « Ode à la jeunesse », « Bonjour
Pékin », furent labellisés « œuvre de jeune réalisatrice »,
mais en fait elle avait déjà atteint l’âge mûr. L’absurdité
de ce « désastre politique » l’a privée de sa meilleure
période créative ; elle a traversé les épreuves et relevé la
tête, mais à peine était-elle entrée dans sa phase de
maturité créatrice, qu’elle s’est retrouvée emportée par la
vague de l’économie de marché, et, sur le plan de la santé,
confrontée au défi de la maladie. Pour se conformer aux
exigences du marché, pour « Une vie au Yunnan », elle a été
obligée de prendre des vedettes de Hong Kong et Taiwan qui
n’était pas du tout adaptées ; puis, pour ne pas perdre des
occasions de tournage, elle a aussi dû accepter un « sujet
assigné ». Mais elle était toujours à la recherche d’œuvres
répondant à ses exigences, qui lui permettent de concrétiser
son style artistique – ainsi la nouvelle « Libération » de
l’écrivain Chen Jiangong, mais elle n’a jamais pu trouver
l’occasion de la tourner.
Alitée, elle a dit
qu’elle pensait qu’elle était en bonne santé, et n’avait pas
fait de visite médiale depuis quatre ou cinq ans. Si,
l’année précédente, ou deux ans auparavant, on avait décelé
les signes de la maladie, peut-être aurait-elle pu en
réchapper et avoir une carrière artistique bien plus
longue ; peut-être le public pourrait-il encore avoir la
possibilité de voir une nouvel exemplaire de sa création si
particulière.
Mais c’est
seulement peut-être, un désir, non une réalité. Tout ce que
nous pouvons faire est conserver au plus profond de nous le
souvenir de Nuanxin et de la beauté de son art.
(Initialement
publié dans la revue Ecrans de Chine, juillet 1995, p. 22)
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