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An Zhanjun
安战军
Présentation
par Brigitte
Duzan, 09 janvier 2013
An Zhanjun
est un réalisateur prolifique, marqué par la culture
télévisuelle, surtout célèbre pour ses peintures
réalistes de la vie dans les hutongs de Pékin
où l’on a pu voir un reflet de celles de Lao She.
Les hutongs étant en voie de disparition, il
tend à diversifier aujourd’hui sa thématique et
s’est tourné, entre autres, vers le film policier.
Débuts à la
télévision
On ne sait
pas grand-chose sur les origines d’An Zhanjun (安战军) ;
il est remarquablement discret même sur sa date de
naissance.
Cependant,
en 2004, quand est sortie la seconde partie de sa
série télévisée décrivant l’histoire de la Chine du
vingtième siècle à travers la vie de cheminots, «Les
années de ferveur» (《激情燃烧的岁月》) ,
il a été interviewé par un |
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An Zhanjun |
journaliste du
Journal du soir de Pékin (北京晚报),
et lui a donné l’une des rares indications dont on dispose
sur sa naissance et son enfance :
“我出生在铁路家庭,从小耳闻目睹都是铁路工人的事,最初我只想写一部关于铁路工人的剧,献给我的父母...
Je suis né dans
une famille de cheminots, et, dès mes plus jeunes années,
tout ce que j’ai pu voir et entendre a été lié à la vie des
ouvriers des chemins de fer ; dès le début de ma carrière,
j’ai eu envie d’écrire un scénario sur eux, en hommage à mes
parents…
Ces quelques mots
suffisent pour esquisser le monde qui fut celui de l’enfance
du réalisateur, et mieux comprendre ce qui a marqué sa
vision de la société et influé sur sa création.
An Zhanjun n’est
pas un réalisateur du sérail, passé par l’Institut du cinéma
ou tout autre école de cinéma. Il s’est formé sur le tas, à
la télévision nationale.
Il sort de l’ombre
en 1996 avec un premier film, « Veste rouge, pantalon
rouge » (《红棉袄,红棉裤》), sur un scénario original de
Cao Baoping (曹保平)
qui était alors professeur d’écriture scénaristique à
l’Institut du cinéma de Pékin, avant de passer lui-même à la
réalisation. C’est une histoire pleine d’humour dans un
village du nord de la Chine à la fin de la guerre contre le
Japon ; alors qu’est lancé le mouvement de restauration de
la production agricole, les esprits sont obsédés par la
menace d’un retour de l’ennemi…
Le film pêche
cependant par quelques lourdeurs, et en particulier un long
monologue introductif. C’est en 1998 qu’An Zhanjun connaît
son premier vrai succès, avec une série télévisée intitulé
« D’année en année » (《一年又一年》)
qui porte déjà sa griffe : une histoire des bouleversements
intervenus dans la vie quotidienne de la frange urbaine de
la population chinoise au cours des vingt-cinq années
précédentes.
La popularité
d’An Zhanjun
auprès du grand public est renforcée par son film suivant,
sorti en 2000 : « L’enfant de juin » (《六月男孩》).
C’est un film pour enfants, dans la plus parfaite norme
idéologique : petit cancre sympathique, un enfant nommé
Xiaoye (萧野)
se trouve un
jour, par hasard, premier de la classe ; en compétition
directe avec celui qu’il a détrôné sans faire exprès, il se
prend au jeu et se met à étudier…
Le style
d’An
Zhanjun est déjà tout entier dans ces premiers
films : il sera avant tout le peintre, réaliste mais
peu critique, de la vie au quotidien des petites
gens des quartiers populaires de Pékin, image
emblématique des grandes villes chinoises, dans un
style qui le relie à la grande tradition chinoise,
littéraire d’abord.
Ses succès
initiaux lui permettent de multiplier les
réalisations dans les années qui suivent, alternant
films et téléfilms, sous le regard bienveillant des
autorités.
Succès
populaires des années 2000
Ses deux
premiers films, au tournant du millénaire, sont
assez typiques des deux thèmes récurrents dans son
œuvre : une histoire familiale dont le titre
pourrait être traduit par « Sweet Home » (《美丽的家》)
et une histoire de guerre, « Vallée sanglante » (《血性山谷》). |
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Defending a Reputation |
Le film
suivant, que l’on trouve sous le titre « Defending a
Reputation » (《疑案忠魂》),
est un
pseudo film policier dont le sujet, à tendance
moralisatrice, est encore la réalité sociale, plus
que l’intrigue elle-même : un inspecteur de la
police judiciaire laisse, par inadvertance, échapper
un détenu, trafiquant de drogue, qu’il convoyait ;
rétrogradé pour négligence professionnelle, il tente
de se refaire une réputation avec l’aide de ses
collègues…
Le rôle
principal est interprété par un acteur de
télévision, Liu Wei (刘威),
interprète de xiangsheng formé au studio de
Changchun, qui préfigure le rôle interprété par un
autre acteur de xiangsheng dans le film
suivant.
Un père à
Pékin
2004 voit
la sortie de son premier film diffusé à l’étranger,
où |
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Un père à pékin |
Le mont Dingjun |
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il est bien
accueilli : « Un gardien de parking en juillet » (《看车人的七月》),
présenté au festival de Vesoul et sorti en France en
2006 sous le titre « Un père à Pékin ».
Le
film relève de la veine sociale typique d’An
Zhanjun : il dépeint la vie d’un homme divorcé, Du
Hongjun (杜红军),
qui est voiturier pour les clients aisés d’un night
club, ou plutôt qui se borne à les guider vers des
places de parking libres. Rien ne lui réussit
beaucoup, dans la vie ; sa seule joie est sa seconde
épouse, la petite fleuriste Xiaosong (小宋) ;
mais celle-ci est l’épouse d’un mafieux qui tente de
la reprendre en sortant de prison…
Le film vaut surtout parce qu’il a donné son premier
grand rôle au cinéma à
Fan Wei (范伟),
ce qui valut à l’acteur en 2004 le prix
d’interprétation masculine au festival de Montréal.
Ami et comparse de
Zhao Benshan
(赵本山)
avec lequel il a débuté dans des numéros de
xiangsheng,
l’acteur va se spécialiser ensuite dans ce genre de
rôle : des |
individus sensibles, broyés par l’évolution de la
société, marginalisés mais d’un optimisme, d’une
énergie vitale inébranlables, personnages qui sont
en quelque sorte des archétypes.
La
vie dans les hutongs
Après une
nouvelle romance familiale, An Zhanjun signe en 2005
et 2006 deux fictions peu connues sur des
personnages historiques célèbres : « Le mont
Dingjun » (《定军山》),
sur Ren Qingtai (任景泰)
et les débuts du cinéma chinois, et « L’enfance d’un
général » (《元帅的童年》)
sur la vie du général Zhu De (朱德).
1. Puis, en
2007, avec « Hutong Days » (《胡同里的阳光》),
il réalise ce qui peut être considéré, après « Un
père à |
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Hutong Days |
Freeway |
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Pékin »,
comme le second volet d’une « trilogie des
hutongs » dont le troisième volet viendra en
2009.
Le film
est à nouveau l’histoire d’un père de famille
confronté à de multiples problèmes, mais il s’agit
cette fois d’un portrait de la classe moyenne
émergente. Zhao Jianping (赵建平),
35 ans, est un jeune et brillant designer ; un
incendie ayant détruit les locaux de son entreprise,
il se retrouve au chômage. Son épouse se voit alors
offrir un stage de formation à l’étranger, et il se
retrouve seul, avec son fils de sept ans, à tenter
de remonter la pente. Un petit boulot de livreur de
gâteaux le met sur la voie de sa reconquête sociale
et familiale, à base d’astuce et d’inventivité.
Zhao
Jianping est un
Du Hongjun
qui a réussi à gravir quelques échelons sociaux,
mais l’avancée reste fragile, un rien pouvant
entraîner un retour à la case de départ, tout près
de la rue. Le film réussit à mêler humour et joie de
vivre |
Our Endless Story |
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à un fond
de tristesse latente, sans jamais tomber dans le
mélo.
2. Il reste
cependant traditionnel. Le film suivant est, lui,
extrêmement original, dans son scénario comme dans
ses personnages : c’est
« Our Endless Story » (《咱俩没完》),
vision décapante et pleine d’humour de la société
urbaine chinoise en pleine mutation.
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3. Ce n’est
cependant qu’une expérience sans lendemain. Avec ses
films suivants, An Zhanjun en revient à sa veine
habituelle de peinture sociale sans aspérités. C’est
le cas, en 2009, de
« Glittering
days » (《万家灯火》) qui représente donc le troisième volet de la « trilogie des hutongs ».
Cette fois-ci, rien ne va plus, c’est l’anarchie
dans les hutongs, les vieilles maisons
s’effondrent sous des pluies torrentielles, il est
bien temps de les raser et de reconstruire, pour le
plus grand bien de tout le monde… Le film a été
coproduit par la municipalité de Pékin, au moment
des Jeux olympiques.
2012 :
retour au policier
Difficile
désormais de poursuivre la thématique de la vie dans
les hutongs. Après un détour par le film de
guerre,
An Zhanjun
semble avoir tourné la page, signant en 2012, avec
« The Brother » (《黑暗中的救赎》),
un film qui renoue avec la veine de celui de 2004,
« Defending a Reputation ». |
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Glittering Days |
The Brother |
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On retrouve
dans « The Brother » un policier dans l’univers de
la drogue, mais, cette fois-ci, l’accent est mis
plus sur le suspense du scénario que sur l’analyse
sociale. C’est beaucoup plus à la mode.
Dans un
night-club bondé et bruyant, comme tous les
night-clubs, un groupe de jeunes se drogue pour
passer le temps. Parmi eux, assis dans un coin, Lin
Yu (林雨),
décontracté, fume une cigarette quand la police fait
soudain une descente. Dans la panique générale, en
tentant de s'échapper, il blesse accidentellement un
client. Le lendemain matin, il est arrêté.
L'officier chargé de l’affaire va voir, au cours de
son enquête, ses rapports avec le jeune drogué
évoluer peu à peu, dévoilant in fine un ancien
secret…. Le titre chinois signifie ‘rédemption dans
les ténèbres’. |
Principaux films
(hors
télévision)
1998
Veste rouge, pantalon rouge 《红棉袄,红棉裤》
2000
L’enfant de juin (ou Hot Boys) 《六月男孩》
2000
Sweet Home 《美丽的家》
2001
Vallée sanglante 《血性山谷》
2004
Defending a
Reputation 《疑案忠魂》
2004
Un père à Pékin
《看车人的七月》
2005
Un amour muet 《爱亦无声》
2005
Le mont Dingjun 《定军山》
2006
L’enfance du
maréchal《元帅的童年》
2007
Hutong Days 《胡同里的阳光》
2008
« Our Endless Story » (《咱俩没完》)
2009
Freeway
《天堂凹》
2009
Glittering days 《万家灯火》
2010
Through
Stunning Storms 《惊沙》
2012
The Brother 《黑暗中的救赎》
2015
Forever Love 《北京时间》
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