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Huang Weikai 黃偉凱
Présentation
介绍
par Brigitte
Duzan,
14
septembre 2011
Huang Weikai (黃偉凱)
est aujourd’hui l’un des documentaristes chinois les
plus originaux. Il s’est imposé dès 2002 comme l’un
des représentants les plus marquants de la
génération du numérique.
Caméra au poing
Né en 1972 à Canton (广州),
il a fait ses études à l’Académie des Beaux-Arts
locale, section peinture chinoise (广州美术学院国画系)dont
il est sorti, diplôme en poche, en 1995.
En
1997, faute de trouver du travail dans un studio, ou
même dans un cinéma, il commence à travailler comme
dessinateur et scénariste, écrivant, dit-il, des
scénarios dont personne ne voulait. Il cherche en
même temps à s’inscrire dans une école de cinéma,
mais, en 2001, la vague du cinéma numérique change
la donne. |
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Huang Weikai (黃偉凱) |
Il s’achète sa
première caméra et, l’année suivante, commence une carrière
de documentariste indépendant qu’il finance en utilisant
son nouveau matériel pour filmer des mariages, des
anniversaires, des réunions d’entreprises.
Elaboration d’un style très personnel en quatre temps
1. C’est
en 2002 qu’il débute le tournage de son premier court
métrage, un mélange de fiction et de documentaire de 23
minutes, intitulé « Laden's body could only be a copy »
(《拉丹的尸体只能是一份拷贝》lādānde
shītǐ zhǐnéng shì yíwèi kǎobèi).
Il s’agit d’un
petit film plein d’humour, sur la propagation des rumeurs et
la distorsion de la réalité induite par la diffusion
incontrôlée de l’information par les médias. Le point de
départ est une émission de radio qu’écoute en somnolant un
jeune homme et qui propose un jeu aux auditeurs : inventer
une histoire à partir de trois mots, en l’occurrence "Ben
Laden", "Ukraine" et "Femme".
Présentant San Yuan Li
au festival de
photographie de
Pingyao, en 2005 |
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Un
auditeur appelle alors et raconte une première
histoire : Ben Laden aurait été retrouvé en rêve par
une femme ukrainienne dotée de pouvoirs magiques.
Divers personnages reprennent ensuite cette histoire
en la déformant, et la propagent à travers la ville
sur le mode du téléphone arabe, jusqu'à ce qu’elle
soit reprise dans le journal télévisé. Le film joue
à plaisir sur la crédulité des gens et le pouvoir
des médias, mais sous l’aspect humoristique pointe
un message sérieux.
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Cela rappelle
évidemment l’histoire d’Orson Welles diffusant « La guerre
des mondes » sur CBS en 1938, et la panique qui s’ensuivit,
les auditeurs ayant cru que c’était vrai… Il n’en reste pas
moins que Huang Weikai a fait œuvre originale, et ce film,
empreint d’humour sur fond de satire sociale, est déjà sa
marque de fabrique.
2. Puis, en
2003 et 2004, Huang Weikai tourne deux autres courts
métrages documentaires et un petit film expérimental :
- en 2003 : il participe au projet « San Yuan Li » (《三元里》),
documentaire de 40 minutes présenté à la Biennale de
Venise, sur un quartier en déréliction et promis à
reconstruction de Canton (1) ;
- en 2004 : il sort « La thermos » (《保温瓶》bǎowēnpíng)
, court métrage de 30 minutes, et « Cosplayers » (《角色》juésè),
film expérimental de 8 minutes.
3. Enfin, il signe en 2005 son premier long métrage
documentaire, « Floating » (《飘》 |
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“Floating” |
piāo) ;
présenté cette année-là au festival Yunfest, il y obtient le
prix de public et fait connaître son auteur.
Le
documentaire suit un jeune guitariste paumé qui joue dans
les rues de Canton, en nourrissant le rêve de devenir une
star du rock. Ses espoirs commencent à flancher quand sa
petite amie fait une tentative de suicide après leur
rupture ; il est finalement appréhendé par la police et
renvoyé dans sa ville natale, dans le centre de la Chine.
Un humoriste |
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Ce
n’était pas la première fois que ce genre de sujet
était filmé, ce fut même un des thèmes de
prédilection de la génération des cinéastes chinois
post-89, mais Huang Weikai y apporte sa touche
personnelle, toujours teintée d’ironie, et certaines
scènes sont même d’un humour décapant. La plus
mémorable est une séquence qui montre le jeune
musicien et ses camarades buvant copieusement avec
des flics locaux, et entrant dans une discussion
passionnée sur l’espoir et la jeunesse, puis, la
bière aidant, dérivant vers un concert rock
improvisé devant les flics rubiconds pendant que,
quelques tables plus loin, hurle un bébé…
Ce
documentaire reste cependant un constat très
sombre : c’est une autre version de l’enfer des
villes pour ceux qui n’y ont pas leur place. Il rend
bien compte de l’aspect créatif du
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documentaire
chinois indépendant à ce tournant de son histoire.
4. Huang
Weikai persiste et signe en sortant en 2009 un autre long
métrage documentaire qui est une sorte de comédie urbaine en
vingt tableaux pris sur le vif dans les rues de Canton :
« Disorder » (《现实是过去的未来》).
Kafka au ras du sol dans la moiteur cantonaise. On s’amuse
d’autant de pagaille qui semble ne gêner personne, jusqu’à
ce que le rire se fasse quelque peu grinçant… comme chez
tous les bons humoristes.
Note :
(1)
« San Yuan Li » est le résultat d’un projet de recherche
urbaine précurseur du projet Dazhalan (《大栅栏计划》)
sur la destruction et reconstruction du quartier de Qianmen,
à Pékin, avant les Jeux Oluympiques ; lancé en 2006 par
Ou Ning et
Cao Fei, avec la participation
d’un groupe de cinéastes dont Huang Weikai, il s’est
matérialisé par un certain nombre d’expositions et le film
« Meishi Street » :
http://www.dazhalan-project.org/introduction-en/introduction-en.htm
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