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Metteurs en scène

 
 
 
     
 

Li Hsing 李行

Présentation

par Brigitte Duzan, 17 janvier 2016

 

Réalisateur taïwanais né en 1930, Li Hsing a réalisé plus de trente films entre 1959 et 1986, dont trois lui ont valu, trois années de suite, le prix du meilleur réalisateur au festival du Golden Horse. La critique de cinéma Peggy Chiao le considère comme le père du cinéma taïwanais.

 

Années 1950 : débuts au cinéma

 

Né en 1930 à Shanghai, Li Hsing (李行) est parti à Taiwan en 1948 avec son père Li Yujie (李玉阶) [1].

 

Li Hsing

  

Acteur…

 

Li Hsing n’avait pas pensé devenir metteur en scène, mais, à l’école, il rêvait de devenir acteur. Quand il sort de l’Ecole normale de Taiwan, en 1952, il commence à jouer dans quelques films, mais, comme on lui propose surtout des rôles de personnages âgés, il préfère finalement passer derrière la caméra.

 

… puis réalisateur

 

Il commence par être assistant du réalisateur Tang Shao-hua (唐绍华) [2], puis réalise son premier film en 1959 : à une époque où tout le monde à Taiwan ne pensait qu’à tourner des films historiques, Li Hsing prend une voie résolument différente et réalise une comédie inspirée de Laurel et Hardy,

 

Ong Ko and Liu Ko, 1958 (2ème partie)

 

 

Our Neighbour, 1963

 

‘Ong Ko and Liu Ko Tour Taiwan’ (《王哥柳哥游台湾》) ; comme le film est trop long, il le monte en deux parties. C’est un succès, et le film aura ensuite deux séquelles, en 1961 et 1962.

 

Mais Li Hsing a du mal à payer son loyer, et, à la naissance de son second enfant, au printemps 1960, il pense arrêter le cinéma et se reconvertir dans une carrière commerciale en apprenant l’anglais.

 

Le hasard veut alors qu’on lui propose de réaliser des documentaires qui sont bien reçus, ce qui le remet sur les rails. Mais c’est le film qu’il réalise, et produit lui-même, en 1963, qui lance vraiment sa carrière : « Our Neighbour » (《街头巷尾》).

 

 

 

Années 1960 : consécration

 

Le film attire en effet l’attention du directeur général de la Central Motion Pictures Corporation (CMPC), Kung Hong (龚弘), qui invite Li Hsing à tourner des films pour lui.

 

Réalisme sain

 

En effet, en 1963, alors qu’il était directeur adjoint du Government In formation Office (GIO), Kung Hong est nommé, par le directeur général du GIO, directeur général de la CMPC – la compagnie étant un organe du gouvernement. En tant que telle, la CMPC reçoit pour mission de réaliser des films sur les progrès de la société taïwanaise. En même temps, le KMT augmente le capital de la compagnie, si bien que Kung Hong dispose de ressources supplémentaires. 

 

The Oyster Girl, 1964

 

The Beautiful Duckling, 1964

 

C’est dans ce cadre qu’est promu le genre du « healthy realism » (健康写实主义) : un réalisme qui ne souligne pas nécessairement les aspects sombres de la société, mais mette plutôt l’accent sur ses côtés humains et chaleureux.

 

Les deux films réalisés par Li Hsing et sortis en 1964, « The Oyster Girl » (《蚵女》), coréalisé avec l’un des metteurs en scène sous contrat de la compagnie, Li Chia (李嘉), et « The Beautiful Duckling » (《养鸭人家》) sont les prototypes de ce mouvement de « healthy realism ».

 

 

The Oyster Girl (sous-titres anglais)

 

Même Li Han-hsiang (李翰祥) réalisera un film de ce genre, à la fin de sa période à Taiwan : c’est « The Winter » (《冬暖》), sorti en 1969. Li Hsing, en revanche, va tout de suite se tourner vers un autre genre : celui du mélodrame, adapté des romans de la romancière en vogue, Chiung Yao (琼瑶).

 

Chiung Yao

 

Née à Chengdu en 1938 et arrivée à Taiwan avec sa famille en 1949, Chiung Yao a écrit un premier roman à l’âge de seize ans, mais c’est après s’être mariée qu’elle s’est mise à écrire ; son premier roman est publié en 1963 : « Par la fenêtre » (《窗外》). Ses intrigues simples, fondées sur les souffrances d’une femme amoureuse, vont bien vite la rendre célèbre, en particulier par leurs adaptations au cinéma, et en particulier par Li Han-hsiang.

 

Mais Li Hsing est le premier à avoir eu l’idée d’exploiter ce filon en adaptant très vite deux des récits de la romancière : « Four Loves » (《婉君表妹》) en 1964 et « The Silent Wife » (《哑女情深》), en 1965.

 

Le succès des deux films entraîne une vague de films adaptés des romans de Chiung Yao, à Taiwan et à Hong Kong, y compris par la Shaw Brothers. A l’origine il s’agissait d’un sous-genre des wenyipian (文艺片), mais les adaptations de

 

The Silent Wife, 1965

Chiung Yao sont vite devenues un genre en soi, l’un des plus populaires à Taiwan dans les années 1960 et 1970. 

 

Fire Bulls, 1966

 

Ces films ont aidé à ouvrir les marchés du sud-est asiatique au cinéma taïwanais, mais surtout le marché de Hong Kong. « The Silent Wife » a tenu l’affiche pendant deux mois dans la colonie britannique, et Hong Kong a ensuite construit un cinéma spécialement destiné à jouer des films taïwanais.

 

Les deux films ont aussi contribué à transformer l’image de la CMPC qui était jusque-là considérée comme un  organe de propagande. Avec la Guolian de Li Han-hsiang, elle est devenue à partir de là l’un des acteurs les plus importants du cinéma taïwanais des années 1970 et un élément moteur de ce cinéma jusqu’à la fin du 20ème siècle.

 

Li Hsing a tourné au total une dizaine de films adaptés de Chiung Yao, jusqu’à ce qu’elle décide de profiter elle-même de cette manne et de produire elle-même les adaptations de ses films, en arrêtant de vendre les droits [3].

 

Diversification  

 

La seconde moitié des années 1960 est une période de diversification du cinéma taïwanais, sous l’égide de la CMPC : outre le healthy realism et les adaptations de Chiong Yao, on voit fleurir comédies, films fantastiques, wenyipian, films historiques. Li Hsing y participe et y laisse sa marque.

 

En 1963, le jeune cinéaste Pai Ching-jui (白景瑞), qui vient d’obtenir son diplôme du Centro Sperimentale di Cinematografia de Rome, est recruté par Kung Hong et participe au développement des films de healthy realism. En 1966, il est coréalisateur avec Li Hsing et Li Chia du film historique « en costumes » « Fire Bulls » (《还我河山》).

 

En 1968, Li Hsing mêle les genres du wenyipian et du film en costumes pour faire « Jade Goddess Yu Guanyin » (《玉观音》), et, en 1969, il réalise un film musical : « Stardust » (《群星会》).

 

Mais, en 1969, en conflit avec Kung Hong sur les idées des futurs projets, Li Hsing et Pai Ching-jui décident de quitter la CMPC et fondent une nouvelle compagnie, la Ta Chung Motion Picture, en entraînant avec eux deux chefs opérateurs, ainsi que le directeur du département des projets. 

 

Années 1970-1980

Films romantiques…

 

Les années 1970 sont marquées par la collaboration de Li Hsing avec le scénariste Chang Yung-hsiang. Il adapte des récits de Qiong Yao, comme « The Young Ones » (《彩云飞》) en 1973. 1973 est aussi l’année de « The Heart of a Million Knots » (《心有千千结》), autre histoire d’amour typique, avec une chanson toujours aussi populaire :

 

Stardust 1969

 

The Young Ones, 1973

  


Heart of a Million Knots 

 

Story of a Small Town, 1978

 

Mais Chang Yung-hsiang est aussi l’auteur d’une série de scénarios qui lui valent plusieurs fois le prix du meilleur scénario au festival du Golden Horse : en 1975 pour « Land of the Undaunted » (《吾土吾民》), « Story of a Small Town » (《小城故事》) en 1978 et « He Never Gives Up » (《汪洋中的一条船》) en 1979.

 

Comme pour « Heart of a Million Knots », l’un des facteurs du succès de « Story of a Small Town » est le thème musical du film, chanté par Teresa Teng :

 

 

Story of a Small Town, la chanson interprétée par Teresa Teng

 

Souvenir parmi d’autres : Sylvia Chang remporte le prix de la meilleure actrice dans un rôle secondaire aux Golden Horse 1976 pour son rôle dans « Posterity and Perplexity » ….

 

… et films nationalistes

 

L’année 1979 est marquée par un événement historique dramatique pour Taiwan : le gouvernement nationaliste se retrouve isolé sur l’échiquier mondial après la décision des Etats-Unis de lui retirer son soutien. L’événement entraîne une nouvelle politique pour le cinéma : la promotion de films « de politique nationale ».

 

« He Never Gives Up » en est un précurseur ; le message est le même que celui du film de Li Han-hsiang « Beauty of Beauties » (《西施》) en 1965 et de « Fire Bulls » en 1966 : ces films célèbrent de même la détermination d’un perdant de ne jamais abandonner la lutte, quelles que soient les circonstances.

 

La rupture de 1983

 

L’année 1983 marque un tournant dans l’histoire du cinéma taïwanais : un relais d’une génération à l’autre. C’est l’année

 

He Never Gives Up, 1979

où « The Wheel of Life » (《大轮回》), coréalisé par Li Hsing avec King Hu et Bai Jing-rui – à la manière d’un film de King Hu - subit un échec cuisant au box-office, face à « The Sandwich Man » (《儿子的大玩偶》), film collectif dont la première partie était réalisée par Hou Hsiao-hsien,.. Hou Hsiao-hsien qui avait fait ses débuts comme script avec Li Hsing…

 

The Wheel of Life (trailer) 

 

The Heroic Pioneers, 1986

 

« The Sandwich Man » marquait l’aube d’une ère nouvelle. Li Hsing fait encore quelques films ensuite, le dernier en 1986, puis se retire pour se consacrer à la promotion du cinéma taïwanais, d’abord en organisant le Asia Pacific Film Festival, puis en développant le festival du Golden Horse.

 

Ses films restent une part importante de la mémoire collective de Taiwan.

 

 

Principaux films

 

1958 Ong Ko and Liu Ko 《王哥柳哥游台湾》

1960 Taiwan Underground water 《台湾地下水》 (documentaire)

1961 Empress Wu 《武则天》

1962 The Liar Ah Chi 《白贼七》 (en deux parties)

1963 Our Neighbours 《街头巷尾》

1964 The Oyster Girl 《蚵女》 coréalisé avec Li Chia 李嘉 produit par 龚弘

1964 The Beautiful Duckling 《养鸭人家》

1964 Four Loves 《婉君表妹》

1965 The SilentWife 《哑女情深》

1966 Fire Bulls 《还我河山》

1968 Jade Goddess Yu Guanyin 《玉观音》

1969 Stardust 《群星会》

1970 Four Moods 《喜怒哀乐》 fragment Sadness

(film omnibus réalisé pour Li Han-hsiang avec King Hu et Pai Ching-rui)

1972 Execution in Autumn 《秋决》

1973 The Young Ones 《彩云飞》

1974 Rhythm of the Wave 《海韵》

1976 Posterity and Perplexity 《碧云天》

1978 The Story of a Small Town 《小城故事》

1978 He Never Gives Up 《汪洋中的一条船》

1979 Good Morning Taipei ! 《早安台北》

1980 China, my Native Land 《原乡人》

1983 The Wheel of Life 《大轮回》

1986 The Heroic Pioneers 《唐山过台湾》

 

 

 


[1] Li Yujie était disciple de Xiao Changming (蕭昌明), le fondateur de la secte taoïste de Tiandi (天帝教) ;  il contribua à en diffuser l’enseignement à Taiwan.

[2] Egalement scénariste, auteur du scénario du film de 1965 de Li Han-hsiang « Beauty of Beauties » (《西施》)

[3] Li Hsing a alors décidé de tourner un film sur un scénario du même acabit. Alors qu’elle adaptait son roman « Misty Moon », Li Hsing a réalisé « Melody from Heaven » (《白花飘雪花飘》). Mais il a dû reconnaître que Chiong Yao savait concocter un scénario : son film a été un succès, « Melody from Heaven » un échec cuisant.

 

 

 

 

 

 
 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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