Réalisateur taïwanais né en 1930, Li Hsing a réalisé
plus de trente films entre 1959 et 1986, dont trois
lui ont valu, trois années de suite, le prix du
meilleur réalisateur au festival du Golden Horse. La
critique de cinéma Peggy Chiao le considère comme le
père du cinéma taïwanais.
Années 1950 : débuts au cinéma
Né en 1930 à Shanghai, Li Hsing (李行)
est parti à Taiwan en 1948 avec son père Li Yujie (李玉阶)
[1].
Li Hsing
Acteur…
Li Hsing n’avait pas pensé devenir metteur en scène,
mais, à l’école, il rêvait de devenir acteur. Quand
il sort de l’Ecole normale de Taiwan, en 1952, il
commence à jouer dans quelques films, mais, comme on
lui propose surtout des rôles de personnages âgés,
il préfère finalement passer derrière la caméra.
… puis réalisateur
Il commence par être assistant du réalisateur
Tang Shao-hua (唐绍华)
[2],
puis
réalise son premier film en 1959 : à une époque où
tout le monde à Taiwan ne pensait qu’à tourner des
films historiques, Li Hsing prend une voie
résolument différente et réalise une comédie
inspirée de Laurel et Hardy,
Ong Ko and Liu Ko,
1958 (2ème partie)
Our Neighbour, 1963
‘Ong Ko and Liu Ko Tour Taiwan’ (《王哥柳哥游台湾》) ;
comme le film est trop long, il le monte en deux
parties. C’est un succès, et le film aura ensuite
deux séquelles, en 1961 et 1962.
Mais Li Hsing a du mal à payer son loyer, et, à la
naissance de son second enfant, au printemps 1960,
il pense arrêter le cinéma et se reconvertir dans
une carrière commerciale en apprenant l’anglais.
Le hasard veut alors qu’on lui propose de réaliser
des documentaires qui sont bien reçus, ce qui le
remet sur les rails. Mais c’est le film qu’il
réalise, et produit lui-même, en 1963, qui lance
vraiment sa carrière : « Our Neighbour » (《街头巷尾》).
Années 1960 : consécration
Le film attire en effet l’attention du directeur
général de la Central Motion Pictures Corporation
(CMPC), Kung Hong (龚弘),
qui invite Li Hsing à tourner des films pour lui.
Réalisme sain
En effet, en 1963, alors qu’il était directeur
adjoint du Government In formation Office
(GIO), Kung Hong est nommé, par le directeur général
du GIO, directeur général de la CMPC – la compagnie
étant un organe du gouvernement. En tant que telle,
la CMPC reçoit pour mission de réaliser des films
sur les progrès de la société taïwanaise. En même
temps, le KMT augmente le capital de la compagnie,
si bien que Kung Hong dispose de ressources
supplémentaires.
The Oyster Girl, 1964
The Beautiful
Duckling, 1964
C’est dans ce cadre qu’est promu le genre du « healthy realism » (“健康写实主义”)
: un réalisme qui ne souligne pas nécessairement les
aspects sombres de la société, mais mette plutôt
l’accent sur ses côtés humains et chaleureux.
Les deux films réalisés par Li Hsing et sortis en
1964, « The Oyster Girl » (《蚵女》),
coréalisé avec l’un des metteurs en scène sous
contrat de la compagnie, Li Chia (李嘉),
et « The Beautiful Duckling » (《养鸭人家》) sont
les prototypes de ce mouvement de « healthy realism ».
The Oyster Girl (sous-titres anglais)
Même
Li Han-hsiang (李翰祥)
réalisera un film de ce genre, à la fin de sa période à
Taiwan : c’est
« The
Winter » (《冬暖》),
sorti en 1969. Li Hsing, en revanche, va tout de suite se
tourner vers un autre genre : celui du mélodrame, adapté des
romans de la romancière en vogue, Chiung Yao (琼瑶).
Chiung Yao
Née à Chengdu en 1938 et arrivée à Taiwan avec sa
famille en 1949, Chiung Yao a écrit un premier roman
à l’âge de seize ans, mais c’est après s’être mariée
qu’elle s’est mise à écrire ; son premier roman est
publié en 1963 : « Par la fenêtre » (《窗外》).
Ses intrigues simples, fondées sur les souffrances
d’une femme amoureuse, vont bien vite la rendre
célèbre, en particulier par leurs adaptations au
cinéma, et en particulier par
Li Han-hsiang.
Mais Li Hsing est le premier à avoir eu l’idée
d’exploiter ce filon en adaptant très vite deux des
récits de la romancière :
« Four Loves » (《婉君表妹》)
en 1964 et « The Silent Wife » (《哑女情深》),
en 1965.
Le succès des deux films entraîne une vague de films
adaptés des romans de Chiung Yao, à Taiwan et à Hong
Kong, y compris par la Shaw Brothers. A l’origine il
s’agissait d’un sous-genre des wenyipian (文艺片),
mais les adaptations de
The Silent Wife, 1965
Chiung Yao sont vite devenues un genre en soi, l’un des plus
populaires à Taiwan dans les années 1960 et 1970.
Fire Bulls, 1966
Ces films ont aidé à ouvrir les marchés du sud-est
asiatique au cinéma taïwanais, mais surtout le
marché de Hong Kong. « The Silent Wife » a tenu
l’affiche pendant deux mois dans la colonie
britannique, et Hong Kong a ensuite construit un
cinéma spécialement destiné à jouer des films
taïwanais.
Les deux films ont aussi contribué à transformer
l’image de la CMPC qui était jusque-là considérée
comme un organe de propagande. Avec la Guolian de
Li Han-hsiang,
elle est devenue à partir de là l’un des acteurs les
plus importants du cinéma taïwanais des années 1970
et un élément moteur de ce cinéma jusqu’à la fin du
20ème siècle.
Li Hsing a tourné au total une dizaine de films
adaptés de Chiung
Yao, jusqu’à ce qu’elle décide de profiter elle-même
de cette manne et de produire elle-même les
adaptations de ses films, en arrêtant de vendre les
droits
[3].
Diversification
La seconde moitié des années 1960 est une période de
diversification du cinéma taïwanais, sous l’égide de
la CMPC : outre le healthy realism et les
adaptations de Chiong Yao, on voit fleurir comédies,
films fantastiques, wenyipian, films
historiques. Li Hsing y participe et y laisse sa
marque.
En 1963, le jeune cinéaste Pai Ching-jui (白景瑞),
qui vient d’obtenir son diplôme du Centro
Sperimentale di Cinematografia de Rome, est recruté
par Kung Hong et participe au développement des
films de healthy realism. En 1966, il est
coréalisateur avec Li Hsing et Li Chia du film
historique « en costumes » « Fire Bulls » (《还我河山》).
En 1968, Li Hsing mêle les genres du wenyipian
et du film en costumes pour faire « Jade Goddess
Yu Guanyin » (《玉观音》),
et, en 1969, il réalise un film musical :
« Stardust » (《群星会》).
Mais, en 1969, en conflit avec Kung Hong sur les
idées des futurs projets, Li Hsing et Pai
Ching-jui décident de quitter la CMPC et fondent une
nouvelle compagnie, la Ta Chung Motion Picture, en
entraînant avec eux deux chefs opérateurs, ainsi que
le directeur du département des projets.
Années 1970-1980
Films romantiques…
Les années 1970 sont marquées par la collaboration
de Li Hsing avec le scénariste
Chang Yung-hsiang. Il adapte des récits de Qiong
Yao, comme « The Young Ones » (《彩云飞》)
en 1973. 1973 est aussi l’année de « The Heart of a
Million Knots » (《心有千千结》),
autre histoire d’amour typique, avec une chanson
toujours aussi populaire :
Stardust 1969
The Young Ones, 1973
Heart of a Million Knots
Story of a Small Town,
1978
Mais Chang Yung-hsiang est aussi l’auteur d’une
série de scénarios qui lui valent plusieurs fois le
prix du meilleur scénario au festival du Golden
Horse : en 1975 pour « Land of the Undaunted » (《吾土吾民》),
« Story of a Small Town » (《小城故事》)
en 1978 et « He Never Gives Up » (《汪洋中的一条船》)
en 1979.
Comme pour « Heart of a Million Knots », l’un des
facteurs du succès de « Story of a Small Town » est
le thème musical du film, chanté par Teresa Teng :
Story of a Small Town, la chanson interprétée par Teresa
Teng
Souvenir parmi d’autres :
Sylvia Chang remporte le prix de la meilleure
actrice dans un rôle secondaire aux Golden Horse 1976 pour
son rôle dans « Posterity and Perplexity » ….
… et films nationalistes
L’année 1979 est marquée par un événement historique
dramatique pour Taiwan : le gouvernement
nationaliste se retrouve isolé sur l’échiquier
mondial après la décision des Etats-Unis de lui
retirer son soutien. L’événement entraîne une
nouvelle politique pour le cinéma : la promotion de
films « de politique nationale ».
« He Never Gives Up » en est un précurseur ; le
message est le même que celui du film de
Li Han-hsiang« Beauty of Beauties » (《西施》) en
1965 et de « Fire Bulls » en 1966 : ces films
célèbrent de même la détermination d’un perdant de
ne jamais abandonner la lutte, quelles que soient
les circonstances.
La rupture de 1983
L’année 1983 marque un tournant dans l’histoire du
cinéma taïwanais : un relais d’une génération à
l’autre. C’est l’année
He Never Gives Up,
1979
où « The Wheel of Life » (《大轮回》),
coréalisé par Li Hsing avec
King Hu et Bai Jing-rui – à
la manière d’un film de King Hu - subit un échec cuisant au
box-office, face à « The Sandwich Man » (《儿子的大玩偶》),
film collectif dont la première partie était réalisée par
Hou Hsiao-hsien,..Hou Hsiao-hsien
qui avait fait ses débuts comme script avec Li Hsing…
The Wheel of Life (trailer)
The Heroic Pioneers,
1986
« The Sandwich Man » marquait l’aube d’une ère
nouvelle. Li Hsing fait encore quelques films
ensuite, le dernier en 1986, puis se retire pour se
consacrer à la promotion du cinéma taïwanais,
d’abord en organisant le Asia Pacific Film Festival,
puis en développant le festival du Golden Horse.
Ses films restent une part importante de la mémoire
collective de Taiwan.
Principaux films
1958 Ong Ko and Liu Ko
《王哥柳哥游台湾》
1960 Taiwan Underground water
《台湾地下水》
(documentaire)
1961 Empress Wu
《武则天》
1962 The Liar Ah Chi 《白贼七》
(en deux parties)
1963 Our Neighbours
《街头巷尾》
1964 The Oyster Girl 《蚵女》
coréalisé avec Li Chia 李嘉 produit
par
龚弘
[1]
Li Yujie était disciple de Xiao Changming (蕭昌明),
le fondateur de la secte taoïste de Tiandi (天帝教) ;
il contribua à en diffuser l’enseignement à Taiwan.
[2]
Egalement scénariste, auteur du scénario du film de
1965 de
Li Han-hsiang« Beauty of Beauties » (《西施》)
[3]
Li Hsing a alors décidé de tourner un film sur un
scénario du même acabit. Alors qu’elle adaptait son
roman « Misty Moon », Li Hsing a réalisé
« Melody from Heaven » (《白花飘雪花飘》).
Mais il a dû reconnaître que Chiong Yao savait
concocter un scénario : son film a été un succès,
« Melody from Heaven » un échec cuisant.