Réalisateur, scénariste et producteur de films
populaires, inconnu en Occident, Niu Chaoyang (牛朝阳)
a beaucoup travaillé pour la télévision avant de
passer au cinéma, mais il a d’abord été connu pour
ses chansons dont beaucoup sont devenues les thèmes
musicaux de certains de ses films, indissociables,
dans l’esprit de beaucoup, de l’atmosphère d’une
époque.
Cinéma, années 2010
Niu Chaoyang
What’s under the Bed
Niu Chaoyang fait partie de ces réalisateurs chinois
qui se sont surtout intéressés au cinéma populaire,
pour le divertissement du grand public. Ce sont ses
succès à la télévision dans les années 2000 qui
l’ont amené au cinéma, comme un produit dérivé en
quelque sorte. Mais ses principaux films gardent une
esthétique télévisuelle dopée par les débuts de la
3D.
2011 : « What’s under the Bed » (《床下有人》),
une histoire d’amour et de faux fantôme dans une
auberge camouflant une tentative de meurtre par deux
jeunes gens, avec un suspense à la Hitchcock ; le
plus intéressant est sans doute que le scénario a
été inspiré d’un fait divers réel qui s’est passé
pendant la Révolution culturelle, mais dont le
dossier de police et les photos furent détruits car
les jeunes inculpés étaient les enfants de
personnages haut placés. Le film a eu un très bon
box-office : c’était un genre nouveau en Chine.
What’s under the Bed, le film en entier
(sous-titres chinois)
2012 : « Who’s in the Mirror » (《半夜不要照镜子》),
littéralement « Ne regardez pas dans le miroir à minuit »,
une autre histoire de fantômes, réalisée de toute évidence
pour capitaliser sur le succès du film précédent, mais
tournant au film d’horreur. Ici, le scénario est inspiré
d’une légende : la légende du fantôme dans le miroir, qui
apparaît si, à minuit, si on pèle une pomme devant le miroir
sans en casser la peau… Le film se passe au début de la
République de Chine ; un groupe de cinq hommes et cinq
jeunes femmes viennent dans la ville hantée pour faire
l’expérience, mais sont victimes du fantôme. Le suspense est
soutenu par un solo de pipa.
Who’s in the Mirror
Who’s in the Mirror, le film en entier
(sous-titres chinois)
2013 : « The Fox Lover » (《白狐》),
ou « Le Renard blanc », adaptation, toujours dans le
registre du fantastique, du conte « Xiao Cui » (《小翠》)
tiré des « Contes du Liaozhai » (《聊斋志异》)
de Pu Songling (蒲松龄)
[1].
Mais on a perdu la délicatesse de touche de Pu Songling.
2015 : « Lovers and Movies » (《爱我就陪我看电影》),
littéralement « si tu m’aimes accompagne-moi au cinéma »,
triple histoire d’amours croisées, film réalisé pour la
Saint-Valentin, sur le modèle du « Valentine’s Day » de Gary
Marchall. Malheureusement le scénario ne tient pas la route
et les interprètes ne parviennent pas à sauver le film.
Si tu m’aimes accompagne-moi au cinéma, thème musical,
chanson interprétée par Wei Chen (魏晨)
Avant le cinéma, c’est à la télévision que Niu Chaoyang a
commencé sa carrière, en 2003, et c’est l’esthétique des
feuilletons télévisés que l’on retrouve dans ses films. Mais
les succès remportés avec ses productions télévisées l’ont
été en partie grâce aux chansons composées pour ses films,
ses premières chansons à succès datant de la fin des années
1990.
D’abord télévision et chansons
- En 2003, Niu Chaoyang écrit et coréalise avec le
réalisateur taïwanais Sun Shu-pei (孙树培)
une série télévisée en 24 épisodes diffusée en
juillet 2004 : « La jeune PDG » (《少女总裁》).
Les deux chansons de la série sont écrites par Niu
Chaoyang, dont celle qui en est le thème principal :
« Je n’aime pas tellement ça » (《我可不是那么好爱的》),
chantée par Zhou Peng (周鹏).
- Cette série a un accueil mitigé, mais, en 2004,
Niu Chaoyang en écrit et réalise une seconde qui
remporte un grand succès : la série en 21 épisodes
« 281 Lettres » (《281封信》),
produite par la grande actrice
Liu Xiaoqing (刘晓庆)
qui interprète en outre le rôle principal. La série
a été diffusée sur la chaîne de télévision par
satellite Tianjin TV le 31 août 2004.
281 Lettres
C’est encore une histoire d’amour (une jeune fille follement
éprise d’une idole de la chanson qui, n’osant l’approcher,
lui écrit des lettres), mais aussi une peinture du monde du
show business, et de la manière dont on fabrique des idoles
de la chanson. Les chansons tiennent donc une place
particulière dans la série. Il y en a une dizaine, qui ont
ensuite été publiées en album, « La collection complète des
chansons des 281 Lettres » (《281封信歌曲全集》).
Certaines sont devenues célèbres, comme « Une chanson
d’amour pour un verre d’eau » (《杯水情歌》)
ou « Un cœur enivré » (《心醉》),
mais surtout celle intitulée « Les deux papillons » (《两只蝴蝶》),
interprétée par Pang Long (庞龙) ;
la mélodie est devenue tellement populaire que tout le monde
la fredonnait
[2].
Les deux papillons, interprétée par Pang Long
亲爱的
你慢慢飞
Chérie, va doucement quand tu voles 小心前面带刺的玫瑰
Attention aux rosiers pleins d’épines devant toi 亲爱的 你张张嘴
Chérie, ouvre grand la bouche, 风中花香会让你沉醉
La senteur des fleurs dans le vent va t’enivrer
亲爱的 你跟我飞
Ma chérie, viens voler avec moi,
穿过丛林去看小溪水
Nous traverserons le bois pour aller voir le ruisseau,
亲爱的 来跳个舞
Viens ma chérie, viens danser…
- En 2007, il écrit et réalise un « drama urbain » en 24
épisodes au titre sentimental à souhait : « Quand les
flocons de neige tombent amoureux des fleurs de pruniers »
(《当雪花爱上梅花》) !
Dans cette série encore, il est fait abondamment usage de la
musique et le dernier épisode se termine par la chanson
éponyme, dans le même style que celles de « 281 Lettres » :
des paroles simples sur une mélodie aisée à retenir.
- En 2010, il écrit ensuite une comédie pour le cinéma, qui
sort à la fin du mois de novembre : « Super Player »
(《大玩家》).
Le film conte les aventures d’un chef cuisinier qui, ayant
rencontré huit fées, est transformé à leur gré en une série
d’avatars, à commencer par maître d’arts martiaux et jusqu’à
empereur, ce qui donne l’occasion d’une suite de scènes
cocasses, assez typiques des comédies de fin d’année ou
hesui pian (贺岁片),
mais sans la finesse de celles de
Feng Xiaogang (冯小刚).
Justement, « Super Player » a été accusé d’être un plagiat
du premier grand succès de Feng Xiaogang, sorti en 1997,
« Dream Factory » ou « Party A, Party B » (《甲方乙方》)
qui marquait justement la naissance du genre. Mais il n’en
est qu’une très pâle et lointaine image, avec le clonage de
l’élément surnaturel des fées pour doper le scénario et
l’attrait d’une galerie d’une vingtaine de célébrités du
cinéma et de la télévision.
C’est une œuvre de transition qui ouvre la période des
années 2010 avec la série de films de Niu Chaoyang sur des
thèmes fantastiques, cultivant les goûts du grand public
chinois habitué des séries télévisées. On peut préférer en
rester à ses chansons, mais il fait partie de la culture
télévisuelle chinoise dont le cinéma populaire est
redevable.
[2]
Elle était tellement populaire et
l’est restée si longtemps qu’elle est sur les lèvres
de l’un des jeunes personnages de la nouvelle de Ren
Xiaowen (任晓雯) « Sur le balcon » (《阳台上》), habilement
intégrée par l’auteure dans le fil de sa narration,
qui se passe pourtant … en 2010.
Sur la nouvelle et son auteure, voir :
www.chinese-shortstories.com/Auteurs_de_a_z_Ren_Xiaowen.htm