Qian Jiajun est l’un des grands maîtres du cinéma
chinois d’animation auquel il a apporté une
contribution majeure.
Il est né en 1916 à Wujiang dans le Jiangsu (江苏吴江)
et s’est affirmé très tôt comme un peintre de
talent. En 1935, il sort diplômé de l’Ecole d’art et
de technologie de Suzhou (苏州美术专科学校).
En 1937, au début de la guerre, il part pour
Chongqing et là, fasciné par le cinéma, entre au
Studio du film d’animation éducatif. Avec des amis
de son école de Suzhou réfugiés làcomme lui, il
réalise un court métrage d’animation de 20 minutes
qui prône l’esprit de résistance contre
l’envahisseur : « La joie des paysans » (《农家乐》).
Le film est perdu mais il a eu un immense succès
pendant la guerre.
En 1948, Qian Jiajun entre aux Studios du Nord-est
(东北电影制片厂),
puis, à l’avènement de la République populaire,
Qian Jiajun
revient dans
son école à Suzhou pour
enseigner l’animation.
Au travail dans les
années 1950
En 1953, il entre comme réalisateur et directeur
technique dans l’équipe d’animation des Studios de
Shanghai. C’est là que, en 1955, il réalise avec Li
Keruo (李克弱)
le premier dessin animé chinois en couleur, « Pourquoi
le corbeau est noir » (《乌鸦为什么是黑的》).
L’année suivante, le film est couronné du prix
d’honneur au Festival du film pour la jeunesse de
Venise.
Pourquoi le corbeau est noir
En 1956, il est directeur artistique du dessin animé « Le
Général fanfaron » (《骄傲的将军》) réalisé par
Te Wei
(特伟) Général fanfaron conçu comme un personnage
d’opéra.
Le général fanfaron
Puis, en 1957, à leur fondation, il entre comme réalisateur
et directeur artistique aux
Studios d’art de Shanghai.
Il réalise deux dessins animés, le premier de 11 minutes, en
1957, « Arracher le navet » (《拔萝卜》), le second de 50
minutes, en 1959, « Un brocart Zhuang » (《一幅僮锦》)
[1],
résultat d’une superbe recherche graphique sur les paysages.
Mais il travaille en même temps avec Te Wei à la mise au
point du lavis animé (水墨动画).
En 1960, il est directeur artistique du premier lavis animé
chinois réalisé par
Te Wei, un court métrage de
15 minutes qui a la fraîcheur d’un lavis traditionnel aux
couleurs délicates : « Les Têtards à la recherche de leur
maman » (《小蝌蚪找妈妈》).
L’idée initiale est venue d’A
Da (阿达) qui s’était demandé si on ne pourrait
pas « animer » des lavis de Qi Baishi (齐白石)
représentant des animaux, qu’il aimait beaucoup.
Les crevettes du lavis
animé
Les crevettes de Qi
Baishi
En outre, le scénario est tout aussi frais, signé de deux
auteurs de livres illustrés pour enfants, Fang Huizhen (方慧珍)
et Sheng Lude (盛璐德).
Les têtards à la recherche de leur maman
Puis, en 1963, Qian Jiajun coréalise avec
Te Wei
le lavis animé « La Flûte du bouvier » (《牧笛》) qui se
déroule dès le générique comme un rouleau de peinture de
paysage, comme un conte dans la brume, mais sur un scénario
tellement minimal que le film devient une abstraction, de
l’art pur.
La flûte du bouvier
Le film marque l’apogée de la période, avant le coup d’arrêt
de la Révolution culturelle.
Le Cerf aux neuf
couleurs, la fresque de Dunhuang
Dans le climat d’ouverture du début des années 1980, Qian
Jiajun reprend un projet qui lui était cher, et coréalise
avec son élève Dai Tielang (戴铁郎) un lavis animé de 25
minutes adapté d’une fresque de Dunhuang illustrant un
jataka (ou récit des vies antérieures du Bouddha
Çakyamuni) : « Le Cerf aux neuf couleurs » (《九色鹿》),
achevé en 1981
[2].
Le dessin animé commence d’ailleurs par une référence à la
fresque, comme si celle-ci s’animait soudain.
A partir de 1983, Qian Jiajun se consacre à l’enseignement
et meurt d’une infection pulmonaire à l’âge de 95 ans, en
août 2011. Il reste dans l’histoire du cinéma comme l’un des
plus grands maîtres du cinéma d’animation chinoisdes années
1950 et 1960, son âge d’or.
[1]
Tous deux projetés lors de la rétrospective de films
d’animation chinois organisée par le CDCC au Centre
culturel de Chine en septembre 2014. Voir
le catalogue, p. 61.