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Xing Jian
邢健
Né en 1984
Présentation
par Brigitte Duzan, 25 août 2015
Xing Jian est un jeune réalisateur chinois de la
génération "post-80" au profil très original, et
encore inconnu. Mais son premier film,
« Seven
Days » (《冬》),
qu’il a totalement autofinancé, fait partie de la
sélection des 26 films en compétition au
39ème festival des films du monde de
Montréal,
après avoir été présenté
au Festival du cinéma des étudiants universitaires
de Pékin au début de l’année 2015. Xing Jian
est déjà sorti de l’anonymat, et c’est justice, car
son film reflète un talent et une personnalité peu
ordinaires.
Il est né en mai 1984, dans le Liaoning, dans
l’extrême nord-est de la Chine. Sa formation, déjà,
sort des sentiers battus. Il a commencé des études
de peinture dès le primaire avant de se tourner vers
le cinéma à l’université, et il en a gardé un œil de
peintre. Il est diplômé du collège affilié à
l’Institut Lu Xun des Beaux-Arts (鲁迅美术学院附中),
au Liaoning, puis il a étudié |
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Xing Jian |
à l’Ecole de cinéma Meishi de l’université de
Chongqing (重庆大学美视电影学院).

L'affiche avec le
titre du film,
Hiver calligraphié par
Xing Jian |
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Dès son premier film, il se distingue par une
esthétique très picturale, des compositions en
plans-séquences comme des tableaux et une approche
réflexive intériorisée.
« Seven Days »
est à la fois une épure et un défi.
C’est d’abord une épure : un film sans compromis
esthétiques, filmé en noir et blanc, et sans
dialogues. Xing Jian est allé le tourner en plein
hiver, dans les montagnes enneigées du Changbai (长白山),
dans des conditions éprouvantes. Le noir et blanc un
peu grisâtre correspond bien à l’atmosphère : la
solitude d’un homme âgé qui vit seul dans ces
montagnes avec un poisson et un oiseau.
Xing Jian est né et a grandi dans cette région du
Dongbei, aux hivers longs et rigoureux. Il voulait
rendre l’impression qu’il avait enfant, quand toute
la maisonnée dormait sur le kang familial, que le
vent hurlait, et qu’il se recroquevillait, terrifié,
en pensant à la fragilité de la vie et à la
proximité de la mort. |
Il voulait exprimer aussi le sentiment de solitude au matin,
quand la neige était tombée toute la nuit, qu’il était
difficile d’ouvrir la porte, et qu’il partait à l’école en
voyant tout au plus quelques ombres d’autres écoliers dans
le lointain.
Le film est une composition en longs
plans-séquences, comme des tableaux à l’encre de
Chine, où le noir et blanc prend des nuances
variées, et où l’homme apparaît comme un point
infime dans l’immensité austère du paysage. C’est la
neige omniprésente qui est l’élément essentiel du
film, conditionnant la solitude, comme un destin
inéluctable. C’est ce que souligne d’ailleurs le
titre chinois, indirectement : il signifie
« Hiver », dans une très belle calligraphie de Xing
Jian lui-même. |
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La montagne |

Solitude |
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« Seven Days »
doit en outre beaucoup à son acteur
principal,
Wang Deshun
(王德顺),
79 ans en 2015, à la fois vedette des catwalks et
acteur rare, d’une grande intériorité.
Quant à la musique, elle est de la grande artiste
qu’est
Liu Sola (刘索拉).
Mais le film était aussi un défi, à tous points de
vue. D’abord Xing Jian l’a lui-même autofinancé,
avec des amis et proches. C’est plus d’un million de
yuans
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qu’il a ainsi rassemblé, avec les aléas habituels
dans ce genre de circonstance : l’investisseur qui s’est
retiré au dernier
moment parce qu’il avait des problèmes, et qui a retardé le
tournage d’autant ; et l’anicroche en cours de route qui a
obligé Xing Jian à vendre sa maison pour pouvoir terminer.
Les difficultés majeures, cependant, sont venues
surtout des conditions matérielles et physiques du
tournage, et des problèmes posés pour la sécurité de
chacun quand la neige est tellement haute qu’on ne
peut distinguer la route, les chemins et les ponts
des crevasses alentour, et que le moindre faux pas
peut être mortel. Le tournage a duré treize jours,
mais treize jours très longs, éprouvants, avec des
journées terminées parfois à deux heures du matin,
des nuits très courtes dans un minibus avec les
amis, par un froid tel qu’une jeune |
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Wang Deshun |
femme de l’équipe a eu le nez gelé.
Mais Xing Jian a une étonnante volonté, et une confiance
inébranlable dans ses capacités de réussite. Il termine son
second film, « Return» (《回》),
attendu, dans ces conditions, avec grand intérêt.
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