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Yin Ruoxin
殷若昕
Présentation
par Brigitte Duzan, 7 juin 2021
Scénariste et réalisatrice née en novembre 1986, Yin
Ruoxin (殷若昕)
vient du théâtre. Elle fait partie dela génération
émergente de réalisatrices chinoises qui s’attachent
à dépeindre les difficultés qu’ont les femmes, dès
l’enfance, à s’épanouir et choisir librement leur
vie dans la Chine d’aujourd’hui comme dans celle
d’hier. Son film
« Sister »
(《我的姐姐》)
a été le grand succès du festival de Qingming (清明节),
en avril 2021,
montrant que cette thématique rencontre de profonds
échos dans la population.
Formée à l’écriture et à la mise en scène de théâtre
Yin Ruoxin est diplômée de l’Institut central d’art
dramatique de Pékin, section littérature théâtrale
et mise en scène (中央戏剧学院).
Elle a commencé par faire des mises en scène de
théâtre et, accessoirement, écrire de scénarios de
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Yin Ruoxin |
séries télévisées. Sa mise en scène de « Yerma » (《叶尔马》)
de García Lorca, représentée en 2010 au Black Box Theatre de
l’Institut central d’art dramatique (中央戏剧学院黑匣子小剧场),
a marqué la fin de ses études et ses débuts professionnels
au théâtre.
En 2015, elle co-écrit le livret de la pièce
« Marions-nous ! » (《我们结婚吧》)
produite par le studio Zhao Xuan (赵煊工作室)
et mise en scène par Ding Jianfei (丁见非),
pièce qui et à la fois un succès auprès des
critiques mais aussi auprès du public (c’est l’une
des dix pièces à faire les meilleures entrées de
2015).
Passée au cinéma
1. C’est en 2019, après dix ans de théâtre, qu’elle
passe derrière la caméra et réalise son premier
film, sur son propre scénario, co-écrit avec Zhou
Xiaoying (游晓颖) ;
tourné en 2018, le film était initialement intitulé
Nanfangyouwu (《南方,有雾》),
c’est-à-dire « Au sud il y a du brouillard ».
L’histoire est celle de deux ados, la jeune A et le
jeune B, qui ont grandi ensemble dans la même ville
minière du sud, |
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« Marions-nous ! »
《我们结婚吧》 |
avec des problèmes familiaux semblables, et dont l’examen
d’entrée en fac va changer les existences. Le brouillard est
omniprésent, gage d’une présence imperceptible que A sent à
ses côtés, et couvrant aussi ses peines. Quand il se lève,
la présence a disparu et A se retrouve seule…
Rebaptisé « Farewell, My Lad » (《再见,少年》),
le film a rencontré quelques « problèmes
techniques » et sa sortie a été repoussée au mois
d’août 2021.
L’actrice principale était Zhang Zigang (张子枫),
une actrice qui a commencé à jouer il y a une
dizaine d’années dans des rôles d’enfant et que l’on
peut voir, par exemple, dans
« Aftershock »
(《唐山大地震》)
de
Feng Xiaogang (冯小刚),
en 2009, ou « Detective Chinatown » (《唐人街探案》)
de Chen Sicheng (陈思诚),
en 2015.
2. On retrouve Zhang Zigang dans le rôle principal
de
« Sister »
(《我的姐姐》),
deuxième film de Yin Ruoxin, mais sorti le premier
sur les écrans chinois, le 2 avril 2021. Il est
soigné dans la mise en scène, l’interprétation et
dans tous ses aspects techniques, jusque dans
l’utilisation du dialecte du Sichuan pour parfaire
l’impression de réalisme. |
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Farewell, My Lad
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« Sister » est l’histoire d’An Ran (安然),
jeune fille qui se prépare à devenir infirmière, mais dont
l’avenir est soudain remis en cause par la mort de ses
parents dans un accident de voiture : ils laissent un fils,
le fils tant espéré qui a été gâté comme un enfant unique.
An Ran est partie de chez elle et s’est débrouillée pour
payer ses études, mais maintenant, la famille lui demande de
s’occuper de son petit frère. C’était autrefois courant,
aujourd’hui, la société a évolué : An Ran se rebelle.

Sister |
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Le film est aussi une réflexion sur le processus de
maturation, et les conflits entre idéal et réalité,
celle que l’on est amené à affronter en grandissant.
C’est vrai pour tout le monde, mais tout
particulièrement pour les femmes qui ont à lutter
contre l’enfermement dans des statuts hérités de la
tradition la plus ancienne.
La conclusion du film ouvre cependant sur une
réconciliation apaisée avec la famille, celle-ci
présentée malgré tout, une fois les conflits
résolus, comme un soutien affectif nécessaire. C’est
là que le film semble se contredire en offrant une
vision apaisée propre à plaire aux censeurs. En
fait, le film conclut bien sur la perpétuation des
mêmes préjudices envers les femmes, avec l’effet
mélodramatique habituel : l’enfant a été gagné par
l’amour de sa sœur, qui a réussi à construire une
relation harmonieuse avec son petit frère. |
Yin Ruoxin a déclaré avoir surtout voulu susciter la
réflexion et le débat sur des thèmes de plus en plus
présents dans le cinéma chinois, axés sur la réalisation
personnelle de l’individu, et en particulier des femmes,
avec un accent particulier sur les problèmes de l’enfance et
de l’adolescence.
Le film en tête du box-office de la mi-avril étant
un nouveau mélo, sorti le 16 avril, sur le thème
rebattu des amours adolescentes : « August Never
Ends » (《八月未央》)
du réalisateur Li Kai (李凯),
adapté d’un récit d’Annie Baobei (安妮宝贝).
Toute la promotion est axée sur les jeunes acteurs
et orientée vers le public du même âge. « Sister »
se distingue forcément dans ce contexte.
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