Zhang Junzhao devrait être plus célèbre qu’il n’est,
car c’est lui, en fait, qui a réalisé le premier
film de la première promotionde cinéastes entrée
après la Révolution culturelle à l’Institut du
cinéma de Pékin, ce qu’on appelle la « cinquième
génération ».
Cependant, pour des raisons de problèmes avec la
censure, le film –
« One
and Eight » (《一个和八个》)
- n’est sorti qu’après « La Terre jaune » (《黄土地》)
qui lui a donc volé la vedette. Et comme, aussitôt
après, Zhang Junzhao a été le
Zhang Junzhao
premier réalisateur de la cinquième génération à se tourner
vers le cinéma de divertissement populaire, donc à rentrer
dans le rang, en quelque sorte, son nom a été éclipsé par
celui de ses camarades de promotion.
Du théâtre au cinéma
Zhang Junzhao (张军钊)
est né en octobre 1952 à Pékin, dans une famille originaire
du Hunan.
Le studio du Guangxi
Pendant la Révolution culturelle, il s’enrôle dans
l’Armée de libération, et passe cinq ans au Xinjiang
avec son unité. Il est démobilisé en 1974, mais
reste à Urumqi où il met en scène des pièces de
propagande dans lesquelles il interprète aussi
certains rôles.
En 1978, il entre à l’Institut du cinéma de Pékin,
dans la « promotion 78 » (“78班”).
A sa sortie en 1982, avec trois de ses camarades de
promotion, dont
Zhang Yimou,
il est assigné au Studio du Guangxi (广西电影制片厂),
à Nanning, dont il devient le
directeur adjoint en 1989. C’est là, en 1983, qu’émerge
véritablement la cinquième génération.
L’aventure du Studio du Guangxi
Le processus d’assignation des jeunes cinéastes de la
promotion ’78 commença en avril 1982 et se poursuivit
jusqu’en juillet 1982. La règle nationale voulait que les
jeunes diplômés soient envoyés dans les villes où vivaient
leurs familles, ou dans la ville la plus proche possédant un
studio. Evidemment, certains étaient ainsi favorisés par
leur situation familiale, mais les autorités chinoises
demandaient à chacun de se soumettre aux choix faits pour
eux, comme les héros en temps de guerre.
Pour la plupart des « citoyens ordinaires » qui
n’avaient pas accès aux grands studios de Pékin ou
de Shanghai, deux studios étaient particulièrement
redoutés : le Studio Emei du Sichuan et, plus
encore, le Studio du Guangxi à Nanning. Ce dernier
Studio envoya l’un de ses dirigeants à Pékin pour
faire de la promotion et tenter d’attirer de bonnes
candidatures. Il fit remarquer que, contrairement
aux grands studios où l’ascension était très lente,
et où un jeune
Les quatre du Studio
du Guangxi : de g. à dr.
He Qun, Zhang Junzhao,
Xiao Feng et Zhang Yimou
pouvait rester assistant-réalisateur pendant de nombreuses
années, à Nanning au contraire, les possibilités de passer
très vite derrière la caméra et de faire son propre film
étaient bien plus grandes.
Finalement, il fut décidé d’envoyer à Nanning une équipe de
cinq avec des qualifications complémentaires :
Zhang Junzhao, comme les autres, fit son possible, au début,
pour se faire assigner ailleurs. Comme il était membre du
Parti, il alla voir le secrétaire de la branche dont il
dépendait et fit valoir qu’il venait du Xinjiang, et qu’il
préfèrerait être envoyé là-bas, au Studio Tianshan, ou à
défaut au Studio de Changchun, car il allait se marier et sa
fiancée était de Dalian, à côté. Mais on lui répondit que
justement parce qu’il était membre du Parti, il devait
montrer l’exemple et accepter le poste qu’on lui offrait.
One and Eight
Finalement, à part Tao Jing qui refusa
l’assignation, les quatre autres décidèrent de
partir ensemble au Guangxi et d’être solidaires. De
manière significative, le film qu’ils ont réalisé
tout de suite, « One and Eight », est un film dont
les thèmes principaux sont la loyauté et
l’injustice. Mais ils avaient tous, à un degré ou un
autre, le sentiment d’être des victimes envoyées en
exil, ou au purgatoire.
Pourtant, dès leur arrivée, ils eurent tout de suite
à travailler sur un film en cours de réalisation.
Zhang Junzhao, pour sa part, devint l’assistant
réalisateur du directeur du Studio, Guo Baochang (郭宝昌),
qui tournait un nouveau film, dont He Qun, de son
côté, fut le chef décorateur.
C’est pendant le Nouvel An chinois de 1983 que Zhang
Junzhao découvrit le scénario de « One and Eight »,
qui avait été adapté du poème lyrique de Guo
Xiaochuan (郭小川)
par le
scénariste Zhang Ziliang (张子良),
qui était de Xi’an. Il trouva le scénario très fort, et le
donna à lire à ses trois camarades qui partagèrent son avis.
Ils y virent l’occasion de tourner très vite leur premier
film.
Lorsque Guo Xiaochuan soutint le projet, et offrit d’en être
le conseiller artistique, il emporta l’adhésion. Le projet
put démarrer.
Après « One
and Eight », cependant, il a été le premier parmi
ses pairs de sa "génération" à abandonner les films
quasiment expérimentaux conçus comme des défis à la
tradition du réalisme socialiste, pour se lancer
dans des films de divertissement orientés vers le
public populaire. Il a donc suivi un parcours
totalement différent des autres, sans chercher à
continuer à innover.
Il
justifia sa position en suggérant une recherche d’un
juste milieu entre le goût populaire et celui d’une
élite ; il prétendit qu’il était nécessaire d’en
revenir à des films plus conventionnels afin de
survivre et de ne pas faire perdre trop d’argent aux
studios, citant
Tian Zhuangzhuangcomme l’exemple de ce qu’il ne fallait pas
faire, ses deux films « Le voleur de chevaux » et
« On the Hunting Ground » ayant cumulé des pertes
considérables
[1].
Come on China
En 1985, il réalise un film sur le sport, à la suite du
championnat mondial de volleyball auquel participa l’équipe
féminine chinoise.
Come on China !
Le tueur solitaire
L’année suivante, en 1986, il tourne un film
d’action qui se passe dans la région du Guangxi,
vingt ans après la défaite des Taiping,
Le tueur solitaire
En 1987, il aborde un autre genre encore : un film
dont la psychologie est le ressort de l’intrigue,
« L’arc lumineux » (《弧光》).
Le personnage principal est une jeune femme
persuadée qu’elle est une sorcière. Elle est placée
dans un asile d’aliénés où elle est confiée aux
soins d’une psychiatre…
Le film a été sélectionné par le 16ème
Festival du film international de Moscou en 1989, et
nominé pour la médaille d’or de Saint-Georges, mais
c’est … « Le Voleur de bicyclette » qui l’a
remportée. La comparaison montre bien à quel point
le film était désuet.
Il tourne encore deux films, mais, en 1991, à cause
de problèmes de santé, il est près de devoir arrêter
de faire des films.
Il continue en travaillant pour la télévision.
1984 Film de fiction sur le sport
体育故事片 :
Come on China !
《加油-中国队》
1984 Film d’arts martiaux
武打片 :
Le tueur solitaire
《孤独的谋杀者》
1987 Film psychologique 心理故事片 :
L’arc lumineux
《弧光》
1989 Film d’action
动作故事片 :
Lutte à mort
《死拼》 上、下部
1991 Film d’éthique
伦理片 :
Une femme de Taipei
《台北女人》
1991
言情故事片
Three Daring Daughters
《花姊妹风流债》
Plus dix films pour la télévision, de 1982 à 2002.
[1]
Opinions exprimées dans une interview publiée dans
le journal China Film News (中国电影报)
le 5 avril 1987 : « Un réalisateur transformé » (《一个被改变了导演》).
Traduction en anglais publiée dans « Perspectives on
Chinese Cinema », ed. Chris Berry, British Film
Institute 1991, pp. 130-133.