Réalisateur, scénariste, et producteur, Zhang Wei
est originaire du Hunan.
Il a d’abord été homme d’affaires. Mais, comme il
l’a expliqué, ce n’était pas vraiment son choix : il
voulait réaliser des films, mais il n’avait pas
d’argent. Alors il a commencé par être travailleur
migrant à Shenzhen, puis est devenu chef
d’entreprise et a fait fortune dans le secteur des
sonneries de portes et des systèmes
vidéos-intercom.
Zhang Wei (photo
Huahao Film)
Il a finalement vendu sa société en 2006, a fait des études
à l’Institut du cinéma de Pékin et a créé sa propre société
de production : Huahao Film & Media. Il a réalisé son
premier film en 2010.
Finalement, il se positionne loin des sentiers
battus, au cinéma comme dans la vie : il est de film
en film le cinéaste des marginaux et des causes
difficiles. Il se dit pessimiste, mais c’est
peut-être à force de traiter de sujets qui ne
prêtent guère à l’optimisme.
2010
Dans « Beijing Dreams » (ou Beijing Grassland《北京草原》),
il montre les difficultés d’un travailleur migrant
noir à Pékin.
2011
« Shadow Monologue » (《一个人的皮影戏》)
suit un vieil artiste spécialiste des marionnettes
en peau qui est le sujet d’un documentaire par des
chercheurs venus de la ville.
Shadow Monologue
Shadow Monologue
2014
En 2014, il sort son plus grand succès à ce jour :
« Factory Boss » (《打工老板》),
sur un chef d’entreprise au bord de la faillite,
mais humain, qui se bat pour sauver sa fabrique de
jouets et les emplois de son personnel face à la
concurrence en acceptant des contrats à faible
marge. Il doit faire face à la pression conjuguée
des concurrents, des clients, des ouvriers mais
même, aussi, de sa famille. Finalement, il est une
victime parmi les autres.
Le film a été tourné à Shenzhen, dans des bâtiments
d’usines d’amis, et il est remarquablement
interprété par Yao Anlian (姚安廉),
le superbe acteur, entre autres, du
«
Red Awn » (《红色康拜因》)
de
Cai Shangcun (蔡尚君)
et du
« Shanghai
Dreams » (《青红》)
de
Wang Xiaoshuai (王小帅)
où il interprète le rôle du père. Il a d’ailleurs
obtenu le prix d’interprétation au festival de
Montréal pour son rôle dans « Factory Boss ».
Factory Boss
2015
Après ce film, Zhang Wei a réalisé « Destiny »
(《喜禾》),
l’histoire d’une mère luttant pour scolariser son
fils, atteint d’une forme légère d’autisme. Elle
veut à tout prix le faire entrer dans une école
« normale » pour éviter de le voir ostracisé, mais
elle se heurte à l’opposition des parents des autres
enfants. Le film se passe toujours à Shenzhen ;
comme le précédent, il est inspiré d’histoires
vraies qu’il a lues dans le journal, l’élément
déclencheur étant un article de septembre 2012
rapportant trois incidents impliquant des autistes
maltraités.
Son scénario est particulièrement sombre, la famille
qu’il décrit étant lourdement affectée par
l’autisme ; un oncle de l’enfant, qui vit à la
campagne, est forcé par les habitants du village à
vivre dans une cage. Un autre enfant, une fille plus
âgée, à la garde de sa grand-mère, déclenche une
tragédie. Mais tout est véridique, fondé sur des
histoires vraies.
Destiny
Il est remarquable que ce film ait obtenu le visa de censure
et l’autorisation de diffusion sans coupures. La législation
concernant la scolarisation des enfants avec un handicap a
d’ailleurs changé alors qu’il était en postproduction, et
Zhang Wei a modifié son montage pour en témoigner. Mais le
problème des adultes autistes, sur lequel son film attire
particulièrement l’attention, reste entier.
Bande annonce
2017
Après « Destiny », Zhang Wei a réalisé « Sound of
a Dream » (《天籁梦想》),
sur un sujet assez semblable : l’histoire de quatre
enfants malvoyants au Tibet, dont le rêve est de
participer à une émission de télévision.
Entre temps, en 2006, il a joué l’un des rôles
principaux dans « No Man’s Land » (《一惊到底》),
un thriller de Luo Fuping (罗福平).
2018
Faire face à son destin, en le défiant en quelque
sorte, est finalement le sujet de tous les films de
Zhang Wei. « The Rib » (《亚当的肋骨》)
en est un autre exemple, lui aussi inspiré d’une
histoire vraie. Zhang Wei y traite d’un sujet encore
jamais abordé dans le cinéma chinois : l’histoire
d’un transsexuel qui revient chez lui pour obtenir
l’accord de son père afin de se faire opérer. Son
père, catholique, refuse
Sound of a Dream
d’abord, puis se laisse convaincre… après avoir été secoué
par le suicide d’un ami.
The Rib
Zhang Wei
a tourné caméra à l’épaule, en noir et blanc (sauf
une scène), pour donner plus d’acuité à son film. Il
a fait des recherches sur la communauté LGBT du
Zhejiang où se passe le film, et y a conduit des
entretiens. Le scénario a été écrit avec une équipe
comprenant des transsexuels et des chrétiens, pour
le rendre aussi proche de la réalité que possible.
Il souligne les contradictions et ambiguïtés qui
affectent la communauté LGBT, mais aussi la position
de l’Eglise de Chine, qui continue à interdire les
opérations de changement de
sexe, alors qu’elles sont
autorisées par la loi. Et c’est l’Eglise et non le Bureau de
censure qui a imposé 40 minutes de coupures, sur les
activités religieuses apparaissant dans le film !
[1]
Zhang Wei a accepté les coupures car il tenait beaucoup à ce
film, qu’il a d’ailleurs financé lui-même en grande partie.
Il a été récompensé de ses efforts. Début octobre 2018,
« The Rib » était en compétition dans la section New
Currents à la 23ème
édition du festival de Busan, où il a
remporté le prix Kim
Ji-seok, prix partagé avec le film du
réalisateur afghan
Jamshid Mahmoudi.
Projet
Zhang Wei projette maintenant d’adapter un roman de Xue
Yiwei (薛忆沩) paru
en 2014 : « Le Nid vide » (《空巢》)
[2].
Ce sera sa première adaptation littéraire. Le roman dépeint
une femme âgée solitaire, qui accepte d’être victime d’une
arnaque car cela lui permet d’avoir de la compagnie et de
lutter contre sa solitude.
Ses sujets suivants pourraient être l’attitude des
gouvernements chinois et américains vis-à-vis de la
nourriture génétiquement modifiée, ainsi que la dépression
en milieu professionnel.
Filmographie
2018 The Rib
《亚当的肋骨》
2017 Sound of a Dream ou Ballad from Tibet
《天籁梦想》
2015 Destiny 《喜禾》
2014 Factory Boss
《打工老板》
2011 Shadow Monologue
《一个人的皮影戏》
2010 Beijing Dream
《北京草原》
[1]
Le Bureau de la censure avait exigé
que l’Eglise donne son approbation.