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Zhang Wenqing 张文庆
Présentation
par Brigitte Duzan, 21 janvier
2012
Documentariste du
Shaanxi, Zhang Wenqing (张文庆
)
est l’auteur d’une œuvre très personnelle sur la vie
de sa province, le Shaanxi.
Le réalisateur
A la fin
de ses études, en 1988, Zhang Wenqing (张文庆
) est
entré à la chaîne de télévision Shaanxi TV (陕西电视台),
à Xi’an. Il s’est fait connaître en 1990 avec un
premier documentaire primé, et il en a maintenant
une douzaine à son actif, dont la plupart ont été
primés lors de divers festivals. Il faut dire que ce
cinéaste a une griffe très particulière, de par le
choix de ses sujets comme par son esthétique.
Fidèle à sa province, qui est certainement l’une des
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Zhang Wenqing |
photogéniques de Chine, il en a parcouru les coins les plus
reculés à la recherche de personnages originaux qui
représentent, chacun à sa manière propre, un pan de la vie
rurale locale qui semble n’avoir guère encore été touchée
par la modernité. Depuis 2000, il a tourné quelque 500
heures de rushes, sur une vingtaine de sujets.
Zhang Wenqing est peut-être avant tout un fabuleux
photographe qui a l’art de la lumière, des couleurs et du
cadrage. On sent dans ses documentaires la poussière qui
monte de la terre sur les chemins de campagne qu’il parcourt
à la suite de ses personnages, la lumière qui vibre en plein
midi, ou qui s’apaise au coucher du soleil. Son oeil,
parfois, se pose sur une fleur, un oiseau, un papillon, et
cela fait une transition bienvenue entre deux scènes.
Les ruines du royaume
des Xia |
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Il a le
sens et le goût de la terre et des pierres, ocres
les unes comme les autres, car le Shaanxi est le
pays de la terre jaune, et la photographie de Zhang
Wenqing n’est pas sans rappeler celle de
Zhang Yimou
dans « La Terre jaune » (《黄土地》)
auquel ses documentaires font souvent penser. Les
pierres, on les retrouve mises en scène dans un
reportage qu’il a réalisé sur les ruines de la
capitale de l’ancien royaume des Xia (successeurs
des Jin de l’Est en 420 de notre ère). |
Ce sens de la
terre de sa province lui permet d’être au plus près des gens
qui y vivent, et son œuvre peut être perçue comme une sorte
de « comédie humaine ».
Coutumes populaires du Shaanxi
Le
plus connu de son œuvre et le plus représentatif, consiste
en une série de huit documentaires d’environ une heure
chacun sur les coutumes de sa province, qu’il a commencé à
tourner en 2003 et ont été produits par Shaanxi TV.
Intitulée globalement « Coutumes
populaires du Shaanxi » (《陕西民俗》),
la série va bien au-delà des coutumes au sens strict :
chacun des documentaires s’attache à un aspect particulier
des coutumes rurales comme éléments représentatifs de la
culture régionale, et finissent par dresser un tableau
original de la vie dans les régions encore reculées de la
province.
Le
cinquième documentaire de la série est le plus
connu ; il a été présenté en mars 2008 au festival
du film ethnographique Jean Rouch, à Paris, et ainsi
qu’en 2007, dans le cadre de la première édition du
festival Filming East, à Londres, qui présentait en
outre les quatre premiers. Les deux derniers sont
inédits en Europe.
Zhang Wenqing a par ailleurs été primé, pour cette
série, au festival du film documentaire de Canton.
1. « The Rain Prayer »
(《祈雨》),
ou « Prière pour la pluie », est, chronologiquement,
le premier documentaire de la série des “coutumes
populaires ». Il présente une très ancienne coutume
destinée à combattre la sécheresse sur le plateau de
loess, la plus ancienne mention se trouvant dans les
« Annales des Printemps et Automnes » (《春秋》),
au 5ème siècle avant JC. Les paysans se
tressent des chapeaux avec des tiges de saule, l’un
des rares arbres à survivre dans cette contrée semi
désertique. La cérémonie est |
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The Rain Prayer |
ensuite conduite par
trois personnes : un maître de cérémonie qui conduit
les prières, un devin et un ‘porteur’.
2.
« Wheat
Guests » (《麦客》),
ou « Une saison comme une autre »,
nous plonge dans l’univers des migrants qui viennent
louer leurs bras le temps de la moisson pour
seconder les paysans locaux dans la plaine de
Guanzhong (关中),
dans le centre du Shaanxi. On retrouve là un décor
qui rappelle celui du film de
Cai Shangjun (蔡尚君) :
« The red awn » (《红色康拜因》).
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Wheat Guests |
3.
« Circuit
Court »
(《流动法庭》),
ou
« Le tribunal ambulant », est un document sur un
« circuit de justice » du district très reculé de
Jiankou. Il reprend le même sujet que le film de
Liu Jie (刘杰) :
« Le
dernier voyage du juge Feng » (《马背上的法庭》).
Ce
film se passait dans les montagnes du Yunnan, mais
on est étonné de la similarité de certaines scènes,
celle en particulier de la pose de l’insigne
représentant le pouvoir officiel des juges sur le
mur, que l’on doit redresser parce qu’il est
initialement de travers. |
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Court circuit (Le
tribunal ambulant) |
Le film de Liu Jie
est plutôt une réflexion sur le sujet de la justice au
vingtième siècle dans des zones qui ont leurs propres
procédures ancestrales ; le documentaire de Zhang Wenqing
montre la réalité, il est remarquable dans son style propre
: d’une part le site du vieux dispensaire où s’est passée
une bonne partie du tournage est quasiment emblématique, et,
d’autre part, les deux cas particuliers choisis pour
illustrer la méthode de conciliation propre à ces tribunaux
ambulants sont très originaux : un vieux paysan vient
demander qu’on le protège de son fils adoptif et un médecin
handicapé demande noblement le divorce pour rendre sa
liberté à sa femme…
4.
« Country
Doctor » (《乡村医生》),
ou « D’un patient à un autre »,
histoire d’un médecin de campagne dévoué mais
terriblement démuni, est l’un des plus réussis de la
série. On retrouve pleinement dans ce film l’art de
photographe de Zhang Wenqing. Il l’a filmé dans une
zone rurale du Shaanxi encore assez arriérée, où
prédomine l’habitat troglodyte creusé dans la terre.
C’est le film où l’on sent le plus le lien avec « La
terre jaune » : l’image du paysan/médecin parcourant
le chemin désert, sa boîte de |
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Country Doctor |
médicament sur
l’épaule, rappelle celle du soldat de Chen Kaige parcourant
un chemin très semblable, sa besace en bandoulière. La
caméra zoome un instant sur une vieille porte, un visage, un
oiseau posé sur une branche, on se sent en symbiose avec le
paysage.
Le réalisateur
ménage par moments des silences dans son récit, comme cette
séquence où le vieux médecin s’est arrêté un instant pour
fumer une cigarette en regardant passer au loin la
procession mortuaire de l’un de ses anciens patients,
instant magique où la caméra fait de chacun des spectateurs
un témoin privilégié de la méditation du vieux physicien aux
pieds nus.
5.
« The
Story of the Storyteller » (《三弦情结》)
(ou « Trois cordes pour deux conteurs ») dépeint les
difficultés de perpétuer la tradition locale des
conteurs qui parcouraient la campagne en
accompagnant leurs récits d’un instrument à trois
cordes particulier, le sanxiang (三弦).
Le conteur du film, He Gaiming, a commencé tout
jeune à pratiquer son art, mais il a maintenant du
mal à joindre les deux bouts ; pendant qu’il
s’entête à vouloir transmettre son art à ses
descendants, sa |
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Trois cordes pour deux
conteurs |
femme, qui était
elle-même conteuse et l’accompagnait, décide, elle, d’ouvrir
un petit restaurant ; He Gaiming l’aide un peu, fait du
portage pour gagner un peu d’argent, en continuant à
prospecter pour trouver de nouveaux clients pour ses
spectacles. On regrette vraiment avec lui que son art
disparaisse. Ce film faisait partie en mars 2008 de la
sélection du festival du film ethnographique Jean Rouch.
6. « The
flowerless fig » (《无花果》)
est une
autre histoire de conteur, celle d’un conteur
aveugle de 26 ans, Zhou Daping (周大平),
dans le nord du Shanxi ; amoureux de la jeune Zhao
Taotao
(赵桃桃)
depuis deux ans, il est en butte à l’opposition de
ses parents à leur mariage.
7. « Mon
rêve de 2008 » (《2008
我的梦》)
documente l’histoire d’un père qui s’est fait
l’entraîneur sportif de son fils et rêve, à
l’occasion des Jeux olympiques, que celui-ci réalise
son ambition de devenir un grand champion, alors que
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Flowerless Fig |
lui a vu son rêve
anéanti par la Révolution culturelle.
8. « Le devin » (《巫师》).
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