Le film a
été tourné dans le village natal de Huang Ji,a vec
des acteurs non professionnels, et dans le dialecte
Egg and Stone
du Hunan. Cela
renforce le caractère très réaliste de la narration et de la
mise en scène (mais oblige à garder les yeux rivés sur les
sous-titres, au détriment de l’image).
Huang Ji
L’histoire
est celle d’une jeune collégienne de quatorze ans,
Yao Honggui (姚红贵),
qui vit chez son oncle dans le village de Yiyang (益阳).
Ses parents l’ont laissée là quand ils sont partis
travailler en ville ; le contrat avec l’oncle était
à l’origine pour deux ans, mais sept ans se sont
écoulés, et Honggui est toujours là, seule, sans
même arriver à parler à sa mère au téléphone.
Elle fait
partie de ces “enfants laissés au village” (乡村留守孩子),
grave problème de société sur lesquels nombre de
films ont déjà été tournés (1). Ces enfants vivent
des drames psychologiques dus au sentiment
d’abandon. Dans le cas de Honggui s’ajoutent en
outre des facteurs traumatisants supplémentaires qui
rendent son quotidien particulièrement tragique,
mais que l’on ne peut divulguer au risque de
dévoiler une partie de l’intrigue du film.
En
effet, la narration déroule peu à peu le drame d’une
préadolescente qui se retrouve enceinte sans avoir une âme à
laquelle pouvoir se confier. Le film doit beaucoup à la
jeune interprète, mais aussi au directeur de la photo, le
Japonais
Ryuji Otsuka, compagnon de Huang Ji qui a déjà tourné avec
elle en 2007 le moyen métrage « Lingling’s Garden »
《玲玲的花园》:
il filme le Hunan dans le froid de l’hiver, et les
personnages au crépuscule, dans des pièces envahies par la
pénombre. C’est beau et sombre à la fois.
Si Huang Ji
avoue l’influence de Naomi Kawase, son style froid
et hyperréaliste rappelle la Jeanne Dielman de
Chantal Akermann ou la Rosetta des frères Dardenne.
Elle
semble surtout reprendre le flambeau laissé par
Zhang Nuanxin (张暖忻)
lors de sa mort prématurée en 1995 et s’orienter
vers une œuvre dédiée à la peinture de la vie des
femmes en Chine, mais dans un style beaucoup moins
chaleureux – sans doute question d’époque.
Huang Ji
annonce en effet deux autres films, dans la foulée
de « Egg and Stone », sur une adolescente puis une
jeune femme, pour compléter une « trilogie de la
condition féminine rurale » (“农村女性三部曲”).
Ils viendront confirmer un talent manifeste, ou
renforcer, entre autres défauts, une tendance à la
répétition d’images posées comme symboliques qui
risque de tourner au système.
Linling’s garden
Trailer
(1) Signalons par
exemple le film de 2006 de Liu Junyi
(刘君一)
intitulé justement
« Liushou
haizi»
(《留守孩子》)