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“To Live and
Die in Ordos” : une belle réalisation de Ning Ying
par Brigitte
Duzan, 02 juin 2014
« To Live and Die in Ordos » (《警察日记》)
aurait pu être une énième hagiographie à la gloire
d’un héros du travail. Seulement voilà : on est allé
chercher
Ning Ying (宁瀛)
pour le faire, et elle l’a fait sur un scénario
de sa sœur. Film de commande, certes, mais peu
ordinaire : il a pris les couleurs bien plus
subtiles d’une étude de caractère et de mœurs,
filmée avec nuances et sans lourdeur.
Un policier modèle, qui meurt à la tâche
Le personnage dont Ning Ying brosse le portrait,
Hao Wanzhong
(郝万忠),
est un policier d’Ordos, au sud de la Mongolie
intérieure, mort d’une crise cardiaque le 14 mai
2011, à l’âge de 41 ans, lors d’exercices
d’entraînement. C’était un policier d’une intégrité
exceptionnelle, dont le souvenir a marqué ses
collègues. Le film procède par le biais d’un
journaliste envoyé enquêter sur lui et ses proches
pour rédiger un article à sa mémoire ; il refuse
d’abord de le faire, déclarant ne plus s’intéresser
aux prétendus « héros », mais le personnage qu’on
lui décrit emporte son adhésion. |
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To Live and Die In
Ordos |
Wang Jingchun
récompensé
au festival de
Changchun |
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Le film débute en 1997, quand
Hao Wanzhong
est promu à 28 ans à la police criminelle d’Ordos,
alors que sa femme est en train d’accoucher, et
qu’un triple meurtre vient d’être commis : une
institutrice a été assassinée chez elle avec sa
petite fille et sa belle-sœur.
Le scénario le suit ensuite de d’affaire en affaire,
montant en grade pour devenir chef de la police de
toute la région. Dans une région possédant mines de
charbon et réserves de gaz, donc forcément
corrompue,
Hao Wanzhong se distingue en interdisant à ses
policiers d’accepter des pots de vin, en intervenant
pour que les entrepreneurs locaux paient leurs
ouvriers et en supprimant une organisation mafieuse
qui bloquait la circulation des camions à la sortie
de la mine.
Il est tellement absorbé par la tâche et habité par
le sens de sa mission qu’il délaisse sa femme et son
fils, même le soir du réveillon du Nouvel An.
Dormant peu, toujours sur le terrain, |
comme dans une sorte d’engrenage infernal, il finit par y
perdre la santé et mourir d’une crise cardiaque, par refus
d’arrêter pour se faire hospitaliser.
Les qualités du scénario et de la réalisation
Si le film surprend agréablement, c’est peut-être
d’abord par le jeu de l’acteur principal qui est
physiquement ressemblant au policier réel, et d’un
naturel parfait dans son rôle : il s’agit de Wang
Jingchun (王景春),
l’acteur qui interprétait le rôle du père dans
« 11
Flowers » (《我11》)
de
Wang Xiaoshuai (王小帅).
On est aussi frappé par les finesses du scénario de
Ning Dai (宁岱),
la sœur de Ning Ying, qui travaille avec elle depuis
ses débuts derrière la caméra. Non seulement
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Admonestant
l’entrepreneur qui n’a pas payé ses ouvriers |
jamais elle ne force le trait, évitant les éléments
hagiographiques courants dans ce genre d’exercices, mais
elle a en outre trouvé un fil narratif original qui permet
d’éviter l’accumulation linéaire des cas à
Ecrivant son journal |
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régler par le policier modèle : le triple meurtre
qui restera irrésolu à sa mort. Il fournit les très
belles images de la fin : le policier revisitant
l’appartement sous scellés depuis si longtemps,
envahi par les toiles d’araignée et désormais hanté
par la petite fille ; on se demande alors ce qu’il a
fait du jeune qu’il avait arrêté et qui avait avoué…
Il n’y a pas de suspense dans le film, juste cette
ambiguïté, cette faille dans une histoire qui aurait
été trop parfaite autrement. Il y en a d’autres,
légères, qui passent rapidement. |
Et si elles passent très vite, c’est grâce à Ning
Ying, qui a filmé avec un art consommé de l’image et
de sa composition, même si elle fait un usage
excessif du ralenti dans la première partie du film.
Il faut rendre un hommage particulier au monteur,
Jia Cuiping (贾萃平),
le monteur du « Fusil de Lala » (《滚拉拉的枪》)
de Ning Jingwu (宁敬武).
Quant à la photographie, elle est signée de
l’Américain Sean O’Dean qui a travaillé avec Ning
Ying sur Kung Fu Hero (《功夫侠》) ;
il rend parfaitement la froideur du paysage couvert
de neige, paysage glacé |
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Chen Weihan dans le
rôle de l’épouse |
filmé en demi-teintes, comme les excès du policier.
Sun Liang dans le rôle
du journaliste |
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C’est le producteur mongol Huhebateer qui est
allé chercher Ning Ying et sa sœur ; il joue
d’ailleurs dans le film le rôle du rédacteur en chef
et celui du médecin, à la fin. Ning Ying et Ning Dai
ont été convaincues qu’elles avaient un bon sujet
après avoir une première enquête sur le terrain, en
particulier à partir du journal tenu par HaoWanzhong
pendant ses quatorze années de fonction. D’ailleurs
le titre du film signifiebien « Police Diary » (《警察日记》).
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Le film a eu sa première mondiale dans le Grand Hall
du peuple (在人民大会堂)
à Pékin, le 23 juillet 2013 ; il a ensuite été
projeté à Hochhot, puis a été présenté au festival
de Tokyo en octobre 2013, avant d’arriver à Paris,
en mai 2014, au festival du cinéma chinois en
France.
On espère maintenant que Ning Ying trouvera un
producteur pour pouvoir filmer le scénario qui a été
primé au festival de Shanghai en juin 2013…. |
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Ning Ying avec Wang
Jinchun et Chen Weihan au festival de Tokyo |
Bande annonce
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