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L’univers de Tsai Ming-liang en huit longs métrages
5bis. « The
Skywalk Is Gone »
《天桥不见了》
par Brigitte
Duzan, 13 juin 2012
Ce
court métrage d’une vingtaine de minutes réalisé par
Tsai Ming-liang (蔡明亮)
en 2002 est à la fois une conclusion et une
transition.
Il
conclut, en quelque sorte,
« Et
là bas quelle heure est-il ? » (《你那边几点》).
Shiang-Chyi revient sur les lieux de sa première
rencontre avec Hsaio Kang, mais tout a changé, elle
ne reconnaît plus l’endroit ; la passerelle a
disparu (The skywalk is gone), Hsiao Kang aussi.
Elle
erre au milieu de la foule en cherchant les lieux
inscrits dans sa mémoire, et qui ne correspondent
plus à la réalité, le tout filmé dans un superbe jeu
de miroirs très ‘hitchcockien’, pendant que Hsiao
Kang, de son côté, essaie de trouver un nouveau
boulot comme figurant dans un film pornographique.
Il
s’est creusé comme un abîme entre les deux
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The Skywalk is Gone |
côtés de
l’avenue, comblé par un passage souterrain qui remplace
l’ancienne passerelle. Mais, comme dans « Et là bas quelle
heure est-il ? », une disparition n’est que la promesse
d’une réincarnation. Le souvenir de la passerelle est là,
dans le ciel pur que l’on peut maintenant apercevoir à sa
place. Le film se termine justement par une longue vision de
ce ciel bleu, parcouru de légers nuages blancs qui semblent
porteurs de tous les espoirs, et en particulier de tous les
films à venir.
Le chant qui
accompagne cette scène finale, ‘Nanping Bell’ , est
un mingge (民歌),
un genre populaire à Taiwan dans les années 1960, né de
l’obligation d’utiliser le mandarin dans la vie publique,
obligation décrétée par le gouvernement taiwanais pour
imposer la culture chinoise à la population de l’île et
lutter contre l’influence de l’Amérique. Le genre est
associé au cinéma populaire de l’époque qui relevait du même
projet nationaliste.
‘Nanping
Bell’, avec son côté kitsch et rétro, véhicule
donc une nostalgie pour un passé lié à l’enfance, et annonce
le film suivant de Tsai Ming-liang, à la fois un hommage et
adieu à ce cinéma, comme s’il ne pouvait en finir de
conjurer les ombres de son passé.
Ce très beau
court métrage, rarement projeté en salles, a fait partie de
la rétrospective Tsai Ming-liang programmée par le festival
Paris Cinéma en juillet 2009.
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