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« The Story of Xinghua » de Yin Li
par Brigitte
Duzan, 21 septembre 2012
« Apricot Blossoms in March » ou « The Story of
Xinghua » (《杏花三月天》)
eut un grand succès en Chine à sa sortie en 1992.
Couvert de prix, il
a même fait partie de la sélection du
festival de Cannes en 1994. C’était le deuxième film
réalisé par
Yin Li (尹力)
après ses débuts de réalisateur pour la télévision.
Une
fable moderne
Xinghua (杏花)
est une jolie jeune femme d’un
village du nord du Shanxi qui a été gagné par la
fièvre de la libre entreprise. Elle a été
« achetée » par un paysan local, Wanglai (旺来),
qui a
fait fortune en vendant des pierres de la Grande
Muraille au pied de laquelle le village est
construit. C’est un personnage brutal, sans foi ni
loi, qui trafique le vinaigre et la sauce au soja
qu’il vend dans son échoppe ; tout le monde le
craint, y |
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The Story of Xinghua |
compris
Xinghua qu’il maltraite parce qu’elle n’arrive pas à lui
donner d’enfant.
Leur voisin, Fulin
(福林),
est
au contraire un personnage éduqué et très doux, revenu au
village où il tente de vivre d’une plantation d’arbres. Il
aime la terre, respecte les valeurs qu’elle représente et se
présente ainsi en parfaite antithèse de Wanglai. Comme il a
besoin que celui-ci lui transporte des plants dans son
tracteur, il accepte en échange d’aider Xinghua à cultiver
son lopin de terre, Wanglai lui-même passant son temps, avec
d’autres gens du village, à creuser les fondations d’une
tour de guet de la Grande Muraille dans l’espoir d’y trouver
un trésor qui y aurait été caché.
Jiang Wenli / Xinghua |
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Les deux
jeunes gens tombent bien sûr amoureux l’un de
l’autre, et consomment leur amour un soir d’orage.
Xinghua se retrouve enceinte, prouvant ainsi que
c’est Wanglai qui est stérile. Celui-ci est furieux
lorsqu’il apprend que l’enfant tant attendu n’est
pas de lui : il bat Xinghua et Fulin et va détruire
sa plantation. Mais Xinghua découvre alors que Fulin
manque de courage, et recule au moment de la
défendre.
Wanglai
succombera finalement à sa fièvre de
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richesse en étant
englouti dans un éboulement de la tour. Au moment de donner
naissance à son enfant, Xinghua n’a cependant qu’un sourire
amer au bord des lèvres. Ce n’est pas vraiment un happy end,
mais c’est une fin ouverte : le destin de Xinghua reste
incertain, c’est certainement là l’un des bons points du
film. Mais il en est d’autres, les acteurs et la
photographie en particulier.
Un beau film, tout
simplement
Les acteurs
sont remarquables, en particulier l’actrice qui
interprète le rôle de Xinghua avec beaucoup de
sobriété et de retenue : Jiang Wenli (蒋雯丽),
actrice d’une grande subtilité, mais assez rare sur
les écrans.
Yin Li a su
en outre utiliser la beauté des paysages du Shanxi
pour souligner l’âpreté de la vie dans ces coins
loin de tout, où la modernité ne se manifeste que
sous forme de slogans sans guère de prise sur la
réalité (« Enrichissez-vous ! »). Son village a
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Zhang Guoli / Wanglai |
l’atmosphère de
celui du
« Vieux puits » (《老井》)
de
Wu Tianming (吴天明),
à ceci près que les paysans ne cherchent plus de l’eau pour
arroser leurs champs mais de l’or pour éviter d’avoir à les
cultiver.
« The story of
Xinghua » est une parabole moderne sur fond de coutumes
ancestrales dont l’ombre de la Grande Muraille semble
surveiller la préservation (1). C’est cet aspect de fable
allégorique qui peut rattacher cette œuvre de Yin Li aux
réalisations à la fois des maîtres de la quatrième et de la
cinquième génération.
Note
(1) On ne peut
s’empêcher de penser à la légende de Meng Jiangnü (孟姜女)
pleurant son mari Fan Qiliang (范杞良)
mort en construisant la Grande Muraille, qui s’effondre sous
ses pleurs en révélant les restes de l’époux disparu.
L’histoire de Xinghua est en quelque sorte la légende
de Meng Jiangnü
à l’envers…
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