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Yin Li 尹力
Né en 1957
Présentation
par Brigitte
Duzan, 21 septembre 2012
Sorti en 1982 de l’Institut du cinéma de Pékin, Yin
Li n’a pourtant pas grand-chose d’autre de commun
avec la « cinquième génération » ; il apparaît
plutôt comme le cinéaste émérite des studios
officiels, alternant entre télévision et cinéma.
Cinéaste de la cinquième génération
Né en
1957 à Pékin, Yin Li (尹力)
est entré en 1978 à l’Institut du cinéma de Pékin, à
sa réouverture après la Révolution culturelle, dans
le département de direction artistique. Il en sort
diplômé en 1982 ; il fait donc partie de la
promotion des réalisateurs dits de la cinquième
génération. Il était camarade de promotion de Zhang
Yimou.
Dans
son livre « Memoirs from the Beijing Film Academy »,
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Yin Li |
Ni Zhen parle de ses travaux de photographie, à
l’Institut : il a participé au
printemps 1980 à une exposition aux côtés de Zhang Yimou,
qu’il avait lui-même présenté à l’organisateur de
l’exposition (1) ; il présentait une série de quatre photos
intitulée « Symphonie des amants ».
Dans le même
ouvrage, Ni Zhen cite aussi son premier travail
cinématographique, en 1981, alors qu’il était encore
étudiant à l’Institut du cinéma : il a été le directeur
artistique du film « Neighbors » (《邻居》),
réalisé par
Zheng Dongtian (郑洞天),
cinéaste de la quatrième génération qui enseignait à
l’Institut. Le film était produit par le Studio des films
pour enfants (中国儿童电影制片厂).
L’année suivante, en 1982, à sa sortie de l’Institut, Yin Li
y fut nommé directeur artistique.
Il participe
alors à deux films mineurs, dont, en 1985, « Come on,
China » (《加油-中国队》),
de Zhang
Junzhao (张军钊),
sur la participation à une compétition mondiale de
volleyball de l’équipe féminine chinoise. Yin Li est déjà en
marge de la cinquième génération ; l’histoire se passe
ailleurs.
Bon papa mauvais papa,
l’enfant chantant |
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Pourtant, sa première œuvre en tant que réalisateur
lui vaut une certaine notoriété : une série
télévisée en six épisodes intitulée
« Bon papa, mauvais papa » (《好爸爸,坏爸爸》),
qui remporte le prix
généralement traduit par « prix de la
Fée céleste » (飞天奖),
réservé aux œuvres
réalisées pour la télévision chinoise.
Le
clou du film est une chanson, devenue célèbre,
entonnée par l’enfant qui tient le rôle principal,
et reprise par un chœur d’enfants : papa, papa, bon
papa, bon papa, j’ai un bon papa, il fait la
cuisine, |
dang dang
dang, il lave les affaires, zaï zaï zaï, et il est toujours
en train de rire hahaha…
Premier
épisode du film, avec la chanson au générique
A partir de
là, la carrière de Yin Li se partage entre feuilletons
télévisés et films tournés dans les studios d’Etat.
Premiers pas prometteurs
En 1990, il tourne
« The September of
Mine » (《我的九月》),
toujours au Studio des films pour enfants, à
l’occasion des 11èmes Jeux asiatiques (2), qui
étaient organisés cette année-là à Pékin. Le film
raconte les déboires d’un enfant timoré, éliminé de
la sélection pour les Jeux, et donc soumis au mépris
et à la vindicte de toute la classe ; il est alors
pris en charge par son professeur qui tente de lui
redonner confiance en lui.
Le
film met ainsi en valeur la figure tutélaire,
traditionnelle, du maître d’école dévoué à sa
mission et développe l’image du bon élève communiste
qui réussit à force de volonté. Il a bien sûr
remporté le Coq d’or du meilleur film pour enfants.
Mais il est plus intéressant pour sa peinture de la
vie dans un hutong de Pékin à l’époque, ou à
l’école. |
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The September of Mine |
The
September of Mine
The Story of Xinghua |
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Le film suivant, deux ans plus tard,
est beaucoup plus intéressant du point de vue
cinématographique:
« Apricot Blossoms in March » ou
« The
Story of Xinghua » (《杏花三月天》)
fut une
révélation à sa sortie. Il a obtenu les habituelles
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récompenses en Chine, mais il a même fait partie de la
sélection du festival de Cannes en 1994.
Il est
généralement présenté comme « une histoire d’amour », mais
c’est bien plus que cela. Traités avec beaucoup de finesse
et sur un mode quasi allégorique, les thèmes principaux vont
du délitement des valeurs humaines dans une société tournée
vers la recherche de l’enrichissement personnel, au sort
toujours marginal des femmes dans la Chine rurale moderne.
Yin Li y fait preuve d’une profonde connaissance de la vie
rurale.
Il est l’un
des rares cinéastes chinois à revenir vers des thèmes
ruraux, au début des années 1990.
« The
Story of Xinghua » rappelle « La jeune fille Xiao
Xiao » (《湘女萧萧》)
de
Xie Fei (谢飞)
(3)…
Dans ses œuvres
suivantes, cependant, Yin Li a délaissé ce genre pour se
faire un nom dans le domaine du film officiel, et même du
film de commande, en particulier à l’occasion des grandes
commémorations nationales, ce qu’on appelle à tort « films
de propagande » et que les Chinois appellent films « de la
ligne principale », en anglais « main melody films », (主旋律)
(4).
Zhang Side
Après un court métrage
documentaire, « L’hymne national » (《国歌》),
Yin Li réalise en 1998 « Sima Dun » (《司马敦》),
tourné à nouveau dans un village du Shanxi. C’est l’histoire
d’un vieux policier qui enquête sur une histoire
d’enlèvement d’enfants doublée d’un meurtre.
Le film est
souvent oublié dans les filmographies de Yin Li. Il serait
peut-être à redécouvrir, mais le film suivant l’a
complètement éclipsé.
Zhang Side |
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Il s’agit de
« Zhang
Side » (《张思德》),
le grand succès de Yin Li. Produit par Han Sanping (韩三平)
et China Film, « Zhang Side » est sorti en septembre
2004 pour le 60ème anniversaire du
fameux discours prononcé le 8 septembre 1944 par Mao
Zedong - « Serve the people » (« 为人民服务 »
wèi rénmín fúwù ) – qui a immortalisé Zhang
Side en l’érigeant en héros populaire à émuler.
Le
film doit beaucoup à son scénariste, Liu Heng (刘恒),
sans aucun doute l’un des
meilleurs scénaristes chinois aujourd’hui (5).
Son
portrait du soldat modèle diffère quelque peu des
schémas hagiographiques habituels. Zhang Side est
présenté avec des défauts
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bien humains : il chante faux, boit trop… Il y
a un effort
certain pour dépeindre certaines situations avec humour. Le
personnage de Mao lui-même, qui est en fait le personnage
principal du film, est présenté sous un aspect souriant et
sympathique, proche du peuple.
Le film
rejoint, il est vrai, l’imagerie officielle, mais le fait
avec subtilité et grâce ; en utilisant un noir et blanc
rappelant les documents d’archives, une caméra souvent très
mobile et une technique de montage qui donne du rythme à la
narration.
« Zhang
Side » reste un grand classique du genre, qu’il a renouvelé.
C’était une consécration pour Yin Li, mais c’était aussi un
piège.
Après
Zhang Side
Le film qu’il réalise ensuite,
« The
Knot » (《云水谣》),
apparaît, avec le recul, comme une tentative de
briser son image de cinéaste des studios officiels.
Sur un scénario également de Liu Heng, il capitalise
sans aucun doute sur les réussites précédentes en
termes de style narratif et cinématographique ; mais
le film garde l’empreinte à la fois du style
« officiel » et du style télévisuel, dans l’excès de
bons sentiments qui fausse jusqu’au jeu des acteurs.
Yin Li
lui-même a déclaré vouloir montrer
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Présentation de « The
Knot »
par le réalisateur et
ses interprètes |
jusqu’où
pouvait aller un véritable amour, à l’opposé de la dérive
qui est aujourd’hui, selon lui, monnaie
L’homme de fer |
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courante. Mais, de même que les bons sentiments ne
font pas la bonne littérature, ils ne font pas non
plus le bon cinéma, quelles que soient les qualités
techniques ou esthétiques déployées par ailleurs. Le
livret était original, le résultat est décevant.
En
2008, Yin Li a ensuite tourné un film sur le
tremblement de terre du Sichuan, « 168 heures à
Wenchuan » (《汶川168小时》).
Ce
n’est pas un documentaire, mais une fiction : des
histoires qui se déroulent dans les sept jours qui
ont suivi le séisme ; il y a cependant un fort
contenu documentaire, Yin Li décrit le désastre,
filme les ruines, l’affliction des survivants, mais
ce n’est pas lui qui posera des questions…
Cette
même année, il réalise aussi un film sorti en mai
2009 : « L’homme de fer » (《铁人》),
classique histoire d’amour sur fond de guerre,
à
nouveau sur un scénario de Liu Heng, avec comme
directeur de la photo
Zhao Fei (赵非) |
L’arbre sous la pluie |
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et une
noria de stars, dont Wu Gang (吴刚),
Liu Ye (刘烨),
l’actrice Bai Jing (白静),
le chanteur
Huang Bo (黄渤)
etc…
Yin Li
a terminé un nouveau film qui doit sortir fin
septembre 2012 : « The Tree in the Rain » (L’arbre
sous la pluie) (《雨中的树》).
Il
s’agit à nouveau d’une histoire vraie, celle de Li
Linsen
(李林森),
un Sichuanais né en 1969 et mort en 2011, communiste
de base qui a dédié sa vie au Parti, en appliquant
les préceptes du président Hu Jintao…
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Notes
(1) Memoirs
from the Beijing Film Academy, Ni Zhen, trad. Chris Berry,
Duke University Press, 2002, p 93.
(2) Les Jeux
asiatiques sont un événement sportif organisé tous les
quatre ans par le Conseil olympique d’Asie, sous la
supervision du Comité olympique international. Ils furent
lancés après la seconde guerre mondiale à l’initiative du
représentant de l’Inde aux 14ème Jeux olympiques
à Londres, en 1948, pour promouvoir un esprit de paix et de
coopération entre les différents pays asiatiques. Les
premiers eurent lieu à New Delhi en 1951.
(3) Sur ce film de
Xie Fei, voir :
http://www.chinese-shortstories.com/Adaptations%20cinematographiques_ShenCongwen_Xiaoxiao.htm
(4)Les « main
melody films » (主旋律电影
zhǔxuánlǜ diànyǐng)
sont des films « édifiants » produits en Chine par les
studios d’Etat, dont l’origine remonte aux années 1950,
lorsque fut établi un modèle visant à glorifier le rôle du
Parti communiste, au début dans la lutte contre le
Guomingdang et l’agression japonaise, puis comme acteur dans
l’édification du nouvel Etat chinois. Ils ont connu un
nouvel essor après 1989, et en particulier aujourd’hui ; se
rattachent au genre les films tournés pour le 90ème
anniversaires de la
fondation du Parti
et le 60ème anniversaire de la
fondation de la République.
(5) Sur Liu Heng,
voir
http://www.chinese-shortstories.com/Auteurs_de_a_z_LiuHeng.htm
Filmographie
(hors films pour
la télévision)
1990
《我的九月》
The September of Mine
1992
《杏花三月天》
The Story of Xinghua
《国歌》(短片)
L’hymne national
(court métrage)
1998
《司马敦》
Sima
Dun
2004
《张思德》
Zhang Side
2006
《云水谣》
The Knot
2008
《汶川168小时》
168 heures à Wenchuan
2009
《铁人》 L’homme de fer
2012
《雨中的树》 L’arbre sous la pluie
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