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Repères
historiques
III. Années
1960-1970 : La Révolution culturelle,
Des opéras
modèles aux opéras modèles filmés et aux nouveaux films de
fiction
par Brigitte Duzan, 14 mai 2018
III/2. Les nouveaux films de fiction
Alors que se poursuivaient les adaptations des opéras
modèles et que se préparait celle de « La montagne des
Azalées » (《杜鹃山》)
réalisé au Studio de Pékin par
Xie
Tieli (谢铁骊),
de nouveaux films de fiction apparurent sur les écrans pour
la fête du Printemps, au début de l’année 1974. C’étaient
les premiers depuis huit ans. Ils n’étaient évidemment pas
tombés du ciel.
Flashback
Genèse
Les opéras modèles
commençaient dès la fin de 1969 à lasser leur auditoire,
témoin un article paru en décembre invitant à les étudier et
à les défendre
.
En mai 1971,
Xie
Tieli et
Xie
Jin prirent l’initiative d’écrire à Zhou
Enlai, alors premier ministre, pour lui faire part de cette
lassitude et du désir « des masses » de voir autre chose, en
recommandant donc la reprise de la production de films de
fiction.
Xie Tieli avait été, dans la seconde moitié de 1967, l’un
des premiers cinéastes « sur liste noire » à être rappelé de
leurs exils respectifs pour tourner des adaptations des
opéras révolutionnaires. A son retour à Pékin, il avait
cependant d’abord été affecté à une usine de fabrication de
locomotives et matériel roulant ; s’étant familiarisé avec
les ouvriers, il réalisa une enquête auprès d’eux et le
résultat montra qu’ils trouvaient que la production
cinématographique était trop uniforme et manquait de films
de fiction. C’est alors que, avec Xie Jin, il transmit les
résultats de ce sondage à Zhou Enlai pour transmettre
l’opinion « des masses ».
En juillet 1971, profitant de l’accueil de Joris Ivens à
Pékin, le premier ministre déclara aux deux cinéastes qu’il
avait bien reçu leur courrier et qu’il soutenait leur
projet. Début 1972, le personnel des studios commença à
revenir en masse de leurs prisons, écoles du 7 mai et autres
lieux de villégiature spéciale, et, en juillet, Mao Zedong
regretta publiquement la pauvreté de la production
littéraire et artistique, mais sans mentionner le cinéma en
particulier. On sait cependant que lui-même était lassé de
la production courante et regardait des opéras traditionnels
en projections privées.
Reprise de la production de films de fiction
La production
commença donc en 1973. De 1973 à 1976, le Studio de Pékin
produisit douze films de fiction, le Studio de Changchun
huit, et celui de Shanghai seize. Au total, pendant ces
quatre ans, sept des studios alors en opération produisirent
58 films, soit à peu près la production moyenne des années
1950 et 1960 jusqu’à la Révolution culturelle
.
Les films produits étaient de deux sortes, des remakes de
films antérieurs à la Révolution culturelle et de nouveaux
films, mais dans les deux cas, deux types de sujets
prédominaient : des histoires de guerre de la révolution, et
des histoires contemporaines en milieu rural. Les sujets
urbains étaient pratiquement absents.
Les remakes
Les remakes offraient une certaine sécurité tout en
offrant la possibilité aux équipes de travailler et
exercer leurs talents une fois le feu vert des
autorités obtenu. Le premier de ces remakes fut « Le
mont des pins verts » ou « Green Pine Ridge » (Qingsongling
《青松岭》)
produit en 1973 par le Studio de Changchun qui avait
produit le film original, en 1965. Le remake, en
couleurs, était d’une qualité technique bien
supérieure, avec de superbes images de paysages et
un certain réalisme dans la représentation de la vie
au village. Le jeu des acteurs reste cependant
théâtral et influencé par l’interprétation des
opéras : le héros Zhang |
|
Qingsongling,
1973, toujours le héros principal dominant les
autres personnages, ici interprété par Li Rentang |
Wanshan (张万山)
est représenté dominant les autres personnages, en
respectant la règle de la représentation du héros principal
des san tuchu (三突出)
ou « trois prééminences »
.
La référence au film de 1965 est très nette. Celui de 1973
était coréalisé par deux cinéastes, Jiang Shusen (姜树森)
et Liu Guoquan (刘国权),
ce dernier étant le réalisateur du premier film, de même que
la musique était signée du même compositeur. L’acteur
principal interprétant le rôle de Zhang Wanshan était aussi
le même : Li Rentang (李仁堂),
l’acteur le plus populaire, sans doute, de la période. Quant
au scénariste, c’était le même également, Zhang Zhongpeng (张仲朋),
auteur de la pièce de théâtre parlé dont le film de 1965
était adapté ; en 1973, néanmoins, le générique indique une
signature collective, de la troupe de théâtre parlé de
Chengde : c’était l’usage courant de la Révolution
culturelle, soulignant une création collective et
égalitaire, rouge et non spécialiste.
Qingsongling, 1965
https://www.youtube.com/watch?v=8X9XoGzlPJw
Qingsongling, 1973
https://www.youtube.com/watch?v=ZIARBd-bpg4
Guérillas dans la
plaine, 1974 |
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Le remake suivant du Studio de Changchun, en 1974,
fut celui du film de 1955 « Guérillas dans la
plaine » (《草原游击队》),
qui avait fait l’objet d’une tentative avortée
d’adaptation en opéra modèle. Là aussi, le lien avec
le film antérieur est net. Le réalisateur Wu Shaodi
(武兆堤)
avait coréalisé le premier film avec Su Li (苏里) ;
en 1974, il coréalise le remake, mais avec un autre
metteur en scène du studio, Chang Zhenhua (常甄华). |
Là aussi le générique indique un travail collectif sur le
scénario (集体改编).
Ce qu’il ne dit pas, c’est qu’il avait fallu faire des
coupes sombres dans le film initial, une « importante
opération chirurgicale » (da shoushu
大手术),
motivée, selon Jiang Qing, par la nécessité de faire
ressortir les liens étroits entre la guérilla, le Parti et
les milices populaires.
Guérillas dans la plaine, 1974
https://www.youtube.com/watch?v=1QrCP4FLaUk
Les remakes réalisés aux studios de Pékin et de
Shanghai furent aussi des remakes de films de guerre
des années 1950, souvent remakes en couleur de films
en noir et blanc, avec peu ou prou les mêmes
réalisateurs. C’est le cas, par exemple, au Studio
de Pékin, du remake en couleur et grand écran du
film de 1952 « Combats au nord et au sud » (Nanzheng
beizhan
《南征北战》)
coréalisé par le même Cheng Yin (成荫),
avec Wang Yan (王炎)
qui était l’un de ses deux assistants réalisateurs
pour le premier film.
Dans le générique de 1974, le scénariste Shen Ximeng
(沈西蒙)
est bien indiqué, mais ses coscénaristes de 1952
sont remplacés par un etc. (deng
等)
collectif et anonyme. Le film a bénéficié d’énormes
moyens, avec en particulier le concours massif de
l’armée, comme |
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Nanzheng beizhan
1974 |
dans beaucoup d’adaptations des opéras modèles. L’objectif
était de toute évidence d’impressionner les spectateurs,
comme aujourd’hui avec la 3D. On fit même une exception en
important de la pellicule Eastman colour. Le résultat n’est
pourtant pas très probant, les soldats donnant l’impression
de jouer à la guerre. On peut préférer la version en noir et
blanc de 1952. Mais, au début du film, l’apparition des
soldats en surplomb, se détachant sur le ciel, fait aussitôt
penser à des images semblables des débuts de la 5ème
génération, « La terre jaune » en particulier.
Nanzheng beizhan
1952
https://www.youtube.com/watch?v=fYxFNpstVhs
Nanzheng beizhan
1974
https://www.youtube.com/watch?v=Zp5sqt0nwf4
Les studios ont continué à produire des remakes jusqu’en
1976. L’un des derniers de la période est le remake en
couleur, par le Studio de Shanghai, du film « La jeune
génération » (Nianqingde yi dai
《年轻的一代》)
initialement écrit et réalisé en 1965 au Studio Tianma par
Zhao Ming (赵明),
devenu directeur artistique du nouveau film. C’est l’un des
rares films des années 1970 qui n’ait pas pour sujet la
guerre ou la campagne.
La jeune génération, 1975
https://www.youtube.com/watch?v=zwPeRLXOpgM
Au début des années 1974, cependant, ce sont les nouveaux
films de fiction qui attiraient le plus le public sevré de
films depuis près de dix ans.
Les nouveaux films de fiction
Des groupes de scénaristes avaient été constitués dès la fin
de 1971, en particulier au Studio de la Rivière des Perles
et au Studio de Pékin, pour écrire de nouveaux scénarios de
fiction. Mais ce n’est qu’au début de 1973, après une
réunion avec Jiang Qing, que les projets de films de fiction
furent officiellement adoptés. Et c’est au Studio de
Changchun que sortit le premier grand succès des nouveaux
films de fiction alors réalisés.
1/ Le Studio de Changchun et les adaptations de Hao Ran
Bright Sunny Skies,
1973 |
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Le Studio de Changchun avait en fait demandé dès
janvier 1971 aux autorités provinciales, à Jilin, la
permission de tourner des films de fiction, et elle
avait été accordée en avril. C’est quelques mois
plus tard, en septembre, qu’une équipe a commencé à
travailler sur un scénario adapté d’un roman de
l’écrivain le plus célèbre de la Révolution
culturelle, Hao Ran (浩然).
Il s’agit d’un grand roman en trois volumes publié
en 1964-1965, sous le titre « Jours ensoleillés » (《艳阳天》),
qui raconte le début du mouvement de
collectivisation dans le Shandong à l’automne 1956.
C’est une
œuvre écrite sur la base de l’expérience vécue par
l’auteur lui-même, avec des personnages et des
situations empruntés à la vie locale, dépeints dans
une langue proche de celle des paysans, avec
beaucoup de vie et de couleur locale
.
C’était donc particulièrement intéressant pour une
adaptation au cinéma. En même temps, le
|
romancier ayant la
faveur des autorités, c’était un choix qui semblait assez
sûr pour le studio. Pourtant, tout n’a pas été aussi simple
qu’on aurait pu le penser.
Le tournage du film a débuté en mai 1972 et s’est terminé en
novembre, la réalisation étant confiée à Lin Nong (林农),
un réalisateur qui avait commencé sa carrière en 1953, et,
au début de la Révolution culturelle, avait souffert du
soutien que lui avait apporté Zhou Enlai. Connu sous le
titre anglais « Bright Sunny Skies » mais en gardant
le titre chinois du roman (Yanyangtian《艳阳天》),
le film est passé par une longue série de critiques et
« rectifications ».
Les critiques ont commencé dès que Lin Nong a montré ses
premiers rushes au studio : le « personnage numéro un », le
formidable secrétaire du Parti du village, Xiao Changchun (萧长春),
ne respectait pas les normes requises – il n’était ni assez
grand, ni assez fort ni assez parfait (selon le slogan de
l’époque il devait en effet avoir ces trois qualités : être
gao
高,
da大,
quan全)
.
Le studio demanda donc de refaire le tournage ; le film fut
envoyé à Pékin pour contrôle final en novembre 1973 et
sortit officiellement pour la fête du Printemps début 1974,
mais il subit encore des remaniements jusqu’en juillet.
Le résultat est quand même assez réussi, avec un certain
réalisme dans l’ensemble, en accord avec le roman de Hao
Ran, bien que les acteurs gardent le regard typique des
héros des opéras modèles.
Bright Sunny Skies, 1973
https://www.youtube.com/watch?v=sDeSeIU4B_Y
Lin Nong poursuivit en coréalisant, l’année suivante, avec
Sun Yu (孙羽),
la première partie du second roman de Hao Ran, « La voie
radieuse » (《金光大道》),
qui venait d’être publié, en mai 1972 et que l’on a appelé
le « roman modèle » de la Révolution culturelle. Le film, « The
Golden Road » (《金光大道》),
se passe pendant le premier printemps qui suit la Réforme
agraire, et, comme dans le roman de Hao Ran, un accent
particulier est mis sur la lutte des classes.
Les conflits sont latents.
The Golden Road, 1975
https://www.youtube.com/watch?v=bHEOh-9R-b0
2/ L’influence des opéras modèles et la réécriture de
l’histoire
Les opéras modèles n’étaient jamais très loin, les
réalisateurs des nouveaux films appliquant les principes de
mise pour les adaptations de ces opéras, et étant souvent
les mêmes. Ainsi, le premier film de fiction réalisé au
Studio de Pékin, fut un film en noir et blanc, sorti en
1974 : « L’éclaireur » (Zhenchabing
《侦察兵》),
réalisé par Li Wenhua (李文化).
Il avait été le chef opérateur de
« Février,
printemps précoce » (《早春二月》),
le chef-d’œuvre de
Xie
Tieli (谢铁骊)
critiqué dès sa sortie en 1964… dix ans auparavant. Xie
Tieli était rentré en grâce pour travailler sur les opéras
modèles, et Li Wenhua avait suivi. Il venait d’être le chef
opérateur du film adapté du baller « Le détachement féminin
rouge ».
L’éclaireur, Zhenchabing 1974
https://www.youtube.com/watch?v=XrpMrirEjd8
Plusieurs des nouveaux films sont une réécriture des
événements qui se sont passés à la veille de la
Révolution culturelle de manière à faire apparaître
les raisons qui ont entraîné la victoire des
dirigeants actuels du Parti, en oblitérant la
catastrophe du Grand Bond en avant et la famine
qu’il avait entraînée ; il n’en est jamais question,
tout au plus d’inondations, ou de récoltes détruites
par la grêle. En revanche les ennemis de classe sont
légion. |
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Histoire d’une cour
ensoleillée |
C’est le cas, par exemple, d’un autre film sorti en 1974, un
film pour enfants réalisé au studio de Changchun par Yuan
Naichen (袁乃晨)
sur un scénario adapté d’un récit de Xu Ying (徐瑛)
: « Histoire d’une cour ensoleillée » (《向阳院的故事》).
L’histoire se passe pendant l’été 1964 dans un village où
des ennemis de classe complotent pour saboter le travail des
enfants et d’un grand-père pour aider la production
industrielle.
Histoire d’une cour ensoleillée, 1974
https://www.youtube.com/watch?v=Szg97LjzFd8
Cet aspect de relecture de l’histoire est particulièrement
net à la fin de la période, à un moment où les dirigeants
ressentaient le besoin de conforter leur pouvoir. Des films
sortis en 1976 montrent, au début des années 1960 (à un
moment où Mao avait perdu leadership dans un pays ruiné par
la famine), le Parti divisé en deux clans : les fidèles
soutenant des politiques radicales du genre de celles de la
Révolution culturelle, et les cadres rétrogrades opposés à
« la voie du progrès ».
C’est le message d’un film de 1976 au titre symbolique, « Le
lac du dragon enchaîné » (《锁龙湖》),
réalisé par Fu Chaowu (傅超武)
au Studio de Shanghai. Il raconte comment, en 1963, un
nouveau secrétaire du Parti découvre qu’il y a de nombreux
problèmes dans son district. On y retrouve Li Rentang dans
le rôle principal, renvoyant à son rôle emblématique dans « Qingsongling ».
Le lac du dragon enchaîné, 1976
https://www.youtube.com/watch?v=wQ6ZauxR6Zc
La même année, un autre exemple est « Le chant de la
mangue » (《芒果之歌》),
coréalisé au Studio de Changchun par Chang Yan (常彦)
et Zhang Puren (张普人).
Adapté d’une nouvelle de Yu Gu (谷雨),
« La première leçon » (《第一课》),
il conte les efforts d’une équipe de propagande des
travailleurs dans un institut technique du Shandong, en
juillet 1968, pour éliminer les ennemis de la révolution par
des séances de « lutte, critique et réforme » menées par de
jeunes étudiants. Le film est en fait une version revue et
corrigée des luttes menées cette année-là au sein des
universités et sur les lieux de travail pendant la
transition entre le chaos semé par les Gardes rouges et la
restauration d’un certain ordre.
Le chant de la mangue, 1976
https://www.youtube.com/watch?v=64S7ozdEQUk
Beaucoup de ces films sont lourdement influencés par les
formules et l’esthétique des opéras modèles. Après 1976, ils
ont d’ailleurs été appelés « films modèles » (样板电影).
Ce sont des récits structurés autour de conflits nés de la
lutte des classes. Au niveau du style et de l’expression, on
y retrouve la règle des « trois prééminences », les poses
des héros, rappelant le liangxiang (亮相)
de l’opéra traditionnel, leur gestuelle martiale, les zooms
sur leurs visages, leur entière dévotion à la révolution,
facilitée par leur absence d’attaches familiales ou
affectives. On retrouve aussi dans ces films une place
importance de la musique, thèmes instrumentaux ou chants.
Mais il y a cependant des différences. Le cinéma pouvait
difficilement supporter la schématisation extrême des
personnages des opéras, et en particulier leur personnalité
immuable, inflexible, étrangère au changement. Dans les
films, en revanche, il arrive à un personnage d’avoir un
instant de doute, ou de confusion. De même les ennemis n’ont
pas des têtes ou des expressions se rapprochant des masques
de l’opéra traditionnel, même s’il reste des clichés
récurrents : le port de lunettes est un signe récurrent de
mauvaise appartenance de classe, et de conservatisme, voire
de tendance rétrograde.
On voit apparaître des ébauches de personnages « du milieu »
(中间人物)
- entre le héros et l’ennemi – qui avaient été interdits par
les normes imposées par la règle des « trois prééminences »
où le simplement humain, avec ses défauts et ses
imperfections, n’avait pas sa place. Or ces personnages
« médians » étaient nés d’une tentative de réalisme, dans
les œuvres de fiction, que ce soit au cinéma ou en
littérature, pour rompre avec le « réalisme socialiste » de
type soviétique et mettre en œuvre la combinaison de
réalisme et de romantisme prônée par Mao. Or les personnages
« médians » avaient été interdits au début de la Révolution
culturelle comme relevant de la « ligne noire » - celle qui
n’était pas rouge, donc pas révolutionnaire.
3/ Un grand succès
Sparkling Red Star |
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Malgré tout, ce sont les héros prolétariens bien
trempés, voir les héroïnes, qui gardent la primeur.
Cependant, il reste un fond de romantisme dans
l’attrait qu’exercent certains de ces films dont les
héros sont… des enfants. L’un des plus populaires
étant le jeune Pan Dongzi (潘冬子)
de « Sparkling |
Red Star » (Shanshande hongxing
《闪闪的红星》),
sorti le jour de la Fête nationale, le 1er
octobre 1974.
Coréalisé au Studio du 1er août par Li Jun (李俊)
et Li Ang (李昂),
« Sparkling Red Star » est un mélange de film de guerre, de
film pour enfants et de film musical. Le scénario est
typique de ce que faisait, et fera, le Studio du 1er
août. L’histoire se passe dans les années 1930. Le jeune Pan
Dongzi est le fils d’un officier de l’Armée populaire, qui,
partant au combat, lui laisse une étoile rouge en souvenir
de la cause à défendre ; pendant qu’il est absent, un ancien
propriétaire foncier revient au village pour se venger des
villageois qui l’ont évincé, et la mère de l’enfant est
brûlée vive dans sa maison ; l’enfant rejoint alors une
bande de la guérilla et, quand son père revient finalement,
Pan Dongzi joint les rangs de l’Armée rouge et part avec lui
combattre les Japonais.
Le film a
connu un énorme succès à sa sortie. L’image de
l’enfant avait été particulièrement soignée, on
avait même doublé la voix du jeune acteur qui
l’interprète
.
La musique, aussi, participait à l’émotion, en
particulier les chants. On a ensuite fait de Pan
Dongzi un héros à émuler, à l’image de Lei Feng,
avec de même une campagne « étudier Pan Dongzi ». En
1980, il a obtenu le premier prix national des films
de fiction, lors de la seconde édition des prix
nationaux récompensant des œuvres pour enfants de
1954 à 1979. Et encore en 2007, il a été adapté en
film d’animation. |
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Affiche de mai 1975 «
Etudier Pan Dongzi pour devenir de bons enfants du
Parti » 学习潘冬子,做党的好孩子 |
Sparkling Red Star 1974, extraits
https://www.youtube.com/watch?v=b9hvnKaCaFA
4/ Chunmiao, film de transition
Chunmiao, 1975 |
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Coréalisé au Studio de Shanghai par
Xie Jin (谢晋),
Liang Tingduo (梁廷铎)
et la réalisatrice Yan Bili (颜碧丽),
« Chunmiao » (《春苗》)
est l’un des grands films de 1975 qui fait
l’apologie de l’idéologie maoïste privilégiant
l’engagement politique plutôt que le talent ou
l’expertise : mieux vaut rouge qu’expert, disait le
slogan.
Chunmiao est le nom d’une jeune femme, chef de
brigade dans une |
ferme, qui, en 1965, réussit à devenir "médecin aux pieds
nus". Au début de la Révolution culturelle, elle prend la
tête d’une bande de Gardes rouges pour dénoncer le
"révisionnisme" des médecins de l’hôpital local.
Le film est encore proche de
l’esthétique des opéras modèles filmés. Mais on sent la
touche de Xie Jin dans la mise en scène et la direction
d’acteurs. Le rôle de Chunmiao est en particulier le premier
rôle de l’actrice
Li
Xiuming (李秀明)
qui avait commencé sa carrière en 1965 à l’âge de onze ans
dans « La jeune génération » (《年轻的一代》)
de Zhao Ming, puis avait suivi des cours d’interprétation à
partir de 1972. C’est l’une des grandes actrices formées
pendant la Révolution culturelle.
Chunmiao, en quatre parties
1
https://www.youtube.com/watch?v=hoQf-qmqjtw
2
https://www.youtube.com/watch?v=mbFeoS4f4FU
3
https://www.youtube.com/watch?v=uh0MHdOnCXA
4
https://www.youtube.com/watch?v=jy1UCAVv6CM
Aussitôt après « Chunmiao », Xie Jin a tourné le troisième
de ses films de la Révolution culturelle, qui n’a cependant
été terminé qu’après la chute de la Bande des Quatre : « La
jeunesse » (《青春》),
sorti en 1977. C’est l’histoire d’une
jeune orpheline sourde-muette qui, soignée par le personnel
médical de l’armée, recouvre la parole et une partie de ses
capacités auditives, et réussit à devenir opératrice de
téléphone malgré des débuts difficiles. C’est le triomphe de
l’idéal révolutionnaire sur la réalité de la pratique
médicale, un peu la suite de Chunmiao, en quelque sorte. Le
film a fait connaître l’actrice
Joan
Chen (陈冲)
dont c’était le premier rôle.
« Chunmiao » a violemment été attaqué après la chute de la
Bande des Quatre. Mais c’est une œuvre de transition, qui
annonce par son esthétique, et malgré son sujet, les grands
films de la fin des années 1970 et du début des années 1980.
Finalement, et malgré le discours officiel, on en était
revenu à l’esthétique des films du début des années 1960.
Procédé repris lors de la cérémonie d’inauguration
des Jeux olympiques de Pékin en 2008, et pour les
mêmes raisons, la voix de la petite chanteuse
n’étant pas la sienne, ce qui a alors provoqué un
mini-scandale.
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