par Brigitte
Duzan, 13 décembre 2012, actualisé 28 janvier 2022
Né en 1923
à Shangyu, dans le Zhejiang (浙江上虞),
Xie Jin (谢晋)
fait partie de la troisième génération de
réalisateurs chinois.
Il est
l’un des cinéastes de cette génération qui a
continué sa carrière après la Révolution culturelle.
Son style a considérablement évolué pour aller, au
début des années 1980, jusqu’à critiquer les excès
de la campagne "anti-droitiers" et ceux de la
Révolution culturelle. Il est célèbre pour avoir
créé une nouvelle sorte de mélodrame chinois que
l’on a appelé "mélodrame politique", ou plus
généralement "école Xie Jin". Dans les années 1990,
il a créé son propre Institut d’art dramatique à
Shanghai.
Ses
films ont leurs faiblesses, mais on y trouve
toujours une profonde humanité.
C’est leur chaleur humaine qui nous les
Xie Jin jeune
rend
attachants. Il a dit
lui-même que ce qui fait la grande différence entre sa
génération et les cinéastes des générations suivantes, c’est
l'expérience vécue, expérience de la guerre d’abord, des
différentes campagnes politiques, ensuite, culminant dans la
Révolution culturelle.
Formation d’homme
de théâtre et de cinéaste
Il est né
dans une famille de lettrés, et son grand-père a
participé à la révolution de 1911. Après une enfance
passée dans sa ville natale, à partir de 1930, il
reçoit une éducation classique à Shanghai. En 1938,
il suit son père à Hong Kong, mais n’y reste qu’un
an. A son retour à Shanghai en 1939, il poursuit ses
études au lycée tout en suivant des cours d’art
dramatique.
En 1941,
Xie
Jin part au Sichuan et s’enrôle dans l’Ecole d’art
dramatique de Jiang’an (四川江安国立戏剧专科学校)
où il a pour maîtres les grands dramaturges de
l’époque, comme Cao Yu (曹禺),
et des hommes de théâtre également cinéastes comme
Hong Shen (洪深),
Huang Zuolin (黄佐临)
ou Zhang Junxiang (张骏祥)
– qui avaient tous en commun d’avoir étudié à
l’étranger.
En 1943,
il part à Chongqing où il devient régisseur, scénariste
et acteur. Il reprend ses études à l’Ecole d’art
dramatique de Nankin en 1946, dans le département de
mise en scène, et, deux ans plus tard, en 1948,
entre à la Compagnie cinématographique
Datong (大同电影企业公司)
comme assistant réalisateur. Il y commence sa
carrière comme assistant de Wu Renzhi (吴仞之)
dans « L’épouse muette » (《哑妻》).
Premiers
films
Après la
fondation de la République populaire, il est affecté
comme assistant réalisateur, puis réalisateur au
studio de Changjiang (长江电影制片厂).
En 1953, en particulier, il est l’assistant de
Shi Hui (石挥)sur le
tournage de « La lettre à plumes » (鸡毛信》).
Puis il
est transféré au studio de Shanghai, où il reste
ensuite pendant toute sa carrière ; il y tournera au
total une vingtaine de films. Il coréalise son premier film
avec
Lin Nong (林农)
en 1954,
« Une crise » (《一场风波》),
sur la persistance des mentalités féodales dans la
Chine nouvelle, à travers le sort des femmes, et en
particulier celui des veuves.
Le premier film que
l’on peut véritablement considérer comme étant de Xie Jin
est « Printemps au pays des eaux » (《水乡的春天》),
réalisé en 1955. Il décrit comment un chef de village rentre
chez lui après avoir participé aux travaux d’aménagement du
fleuve Huai et tente d’appliquer les méthodes nouvelles
qu’il a apprises pour drainer les marécages autour du
village. Le scénario est bâti sur sa confrontation avec le
paysan riche local qui voudrait créer un étang pour cultiver
des lotus. Finalement les opposants sont vaincus, le
consensus s’établit et le marais est transformé en rizière.
Le film décrit avec
réalisme la vie au village, et les conflits qui ont opposé
les paysans au moment où se mettait en place la
collectivisation, et où, en même temps, étaient menés de
grands travaux d’aménagement rural.
Printemps au pays des
eaux
Printemps au pays des eaux
(non sous-titré)
La basketteuse n° 5
Son premier succès,
est, en 1957, « La basketteuse n° 5 » (《女篮五号》),
premier film chinois en couleurs sur le monde du sport, qui
est en même temps le premier film de la République populaire
à ne pas avoir de paysans-ouvriers-soldats pour personnages.
Il avait en outre la particularité d’être interprété par des
acteurs non professionnels, à l’exception des deux rôles
principaux, l’actrice Qin Yi et l’acteur Liu Qiong qui était
l’un des grands acteurs des années 1930, sur le continent et
à Hong Kong.
Son film le plus
emblématique à ce jour, cependant, est sans conteste
« Le
détachement féminin rouge » (《红色娘子军》),
réalisé en 1961, et resté une référence cinématographique
souvent citée ; c’est le cas, en particulier, dans le film
de
Jiang Wen
« Le
soleil se lève aussi » (《太阳照常升起》).
Xie Jin
tourne encore une
comédie,
« Grand
Li, petit Li et vieux Li »
(《大李,小李和老李》),
puis
un drame social,
« Sœurs de scène » (《舞台姐妹》),
respectivement en 1962 et 1965. Mais ce dernier film
lui vaut les foudres des censeurs.
La raison invoquée était qu’il
prônait la réconciliation entre classes sociales.
Xie Jin apprendra bien plus tard, après la
Révolution culturelle, que l’attaque visait en fait
le premier ministre Zhou Enlai qui avait soutenu le
film, ainsi que
Xia Yan. Le film a juste servi de
bouc émissaire, mais cela a eu des conséquences
dramatiques sur Xie Jin et sa famille
[1].
Révolution
culturelle
Persécuté d’abord
En
1966, quand éclate la Révolution culturelle, Xie Jin
et
Le détachement féminin
rouge
Sœurs de scène
toute
sa famille sont au premier rang des victimes. Son père était un
ancien avocat, sa mère venait d’une riche famille ; en 1937,
lors de l’invasion japonaise, ils avaient quitté Shanghai,
comme beaucoup d’autres, pour aller s’installer à Hong Kong.
Dénoncés comme
contre-révolutionnaires, ils se suicident, son père en
avalant des barbituriques, sa mère en se jetant par la
fenêtre. Xie Jin lui-même est affecté au nettoyage des
toilettes et au balayage des Studios de Shanghai, avant
d’être finalement envoyé en « rééducation » à la campagne.
C’est lui qui doit aller chercher les cadavres de ses
parents.
Puis rappelé par
Jiang Qing
Mais il recommence
à tourner sous le patronage de Jiang Qing qui le rappelle à
Shanghai au printemps 1969 car elle a besoin de lui pour
porter à l’écran les opéras modèles (样板戏),
projet discuté dès juin 1968 avec le comité
révolutionnaire du studio du 1er Août, et entériné lors d’un
grand meeting à Pékin fin 1969.
1. Xie Jin
est rappelé parce qu’il est célèbre pour ses
portraits de femmes au caractère affirmé. C’est à
lui que va donc revenir la tâche de mettre en scène
le personnage de Fang Haizhen (方海珍),
secrétaire de la branche du Parti responsable des
dockers dans « Le port », ou « Sur les
quais » (《海港》),
seul opéra modèle sur un sujet contemporain.
En fait, au
printemps 1969, Xie Jin est d’abord enrôlé au sein
de l’équipe chargée de la mise en scène de l’opéra
au théâtre. Puis, après la sortie du premier film
adapté d’un opéra modèle, « La prise
Le port
de la montagne du
tigre » (《智取威虎山》),
la version révisée de « Sur les quais » est approuvée
pendant l’été 1971 et le tournage à la fin de l’année.
Un premier tournage
est réalisé, par Xie Jin assisté de Fu Chaowu (傅超武)
[2].
Mais il ne plaît pas à Jiang Qing, parce que les scènes
n’ont pas assez d’ampleur et que l’éclairage est
insuffisant, mais surtout parce que Fang Haizhen n’a pas
l’air assez jeune
[3].
Finalement, le projet est remanié et confié à Xie Jin
associé à Xie
Tieli (谢铁骊), qui venait de réaliser « La prise de la montagne du tigre », dans le
cadre d’une collaboration du studio de Pékin avec celui de
Shanghai.
Comme pour ce film,
il fallut reprendre encore deux fois le tournage pour
satisfaire les exigences de Jiang Qing. La seconde version
sortit en mai 1972 pour commémorer le trentième anniversaire
des causeries de Yan’an sur la littérature et les arts ; la
troisième version fut tournée en 1973, semble-t-il par le
seul Xie Tieli, avec la même équipe et les mêmes acteurs.
2. Xie Jin
tourne ensuite un film de fiction, l’un des nouveaux
films sans lien avec les œuvres modèles à apparaître
sur les écrans chinois à partir de la fête du
Printemps, début 1974, mais dont la genèse remonte à
une lettre écrite par Xie
Tieli
au premier ministre Zhou Enlai au mois de mai 1971,
lui faisant part de la lassitude des masses devant
la pauvreté des œuvres cinématographiques sur les
écrans chinois.
Le filmque tourne alors Xie Jin est « Chunmiao »
(《春苗》),
sorti en 1975. Chunmiao est le nom d’une jeune
femme, chef de brigade dans une ferme, qui, en 1965,
réussit à devenir "médecin aux pieds nus". Au début
de la Révolution culturelle, elle prend la tête
d’une bande de Gardes rouges pour dénoncer le
"révisionnisme" des médecins de l’hôpital local.
Le film
fait l’apologie de l’idéologie de l’heure qui
privilégie
Chunmiao
l’engagement
politique : mieux vaut rouge qu’expert (专). Il
est encore très proche de l’esthétique des opéras modèles
filmés.
3. Xie Jin
tourne un troisième film qui doit être rattaché à la
production de la Révolution culturelle bien qu’il
ait été terminé après la chute de la Bande des
Quatre : « La jeunesse » (《青春》),
film en couleurs sur grand écran sorti en 1977.
C’est encore
l’histoire d’une jeune femme à la forte volonté :
une jeune orpheline sourde-muette qui, soignée par
le personnel médical de l’armée, recouvre la parole
et une partie de ses capacités auditives, et réussit
à devenir opératrice de téléphone malgré des débuts
difficiles. C’est le triomphe de l’idéal
révolutionnaire sur la réalité de la pratique
médicale, un peu la suite de Chunmiao, en quelque
sorte. Le rôle principal est interprété par
Joan
Chen (陈冲) à ses débuts ; c’est la principale curiosité du film.
Joan Chen dans La
Jeunesse
La Jeunesse
1978 : Transition
En 1978, Xie Jin
tourne un film qui est, encore une fois, parfaitement ancré
dans la ligne idéologique du moment : « Ah le berceau »
(《啊!摇篮》).
Il s’agit encore du portrait d’une femme : combattante
courageuse, commandant même un bataillon d’hommes, elle est
chargée à la fin de la guerre de la direction d’un jardin
d’enfants ; tandis que son mari part au front, elle se
replie sur son instinct maternel.
Mao avait émancipé
les femmes au nom de la Révolution, pour libérer la Chine ;
Deng les met en arrière-plan pour développer le pays. Xie
Jin filme l’évolution des idées.
Les grands films
des années 1980
C’est à
partir de 1980 qu’il retrouve une certaine liberté
de mouvement. Il réalise alors
« La
légende du mont Tianyun » (《天云山传奇》)qui se
passe de 1956 à la chute de la Bande des Quatre :
c’est l’histoire dramatique d’un jeune commissaire
politique condamné comme droitier en 1957, et des
conséquences de cette condamnation sur le reste de
sa vie, et en particulier à travers l’évolution de
ses liens affectifs avec deux jeunes filles.
Le film fut
couronné de quatre prix à la première édition des
prix du Coq d’or en 1981. On peut considérer que
Le gardien de chevaux
Couronnes funèbres
au pied de la montagne
« Le gardien de chevaux »
(《牧马人》)en est le
pendant : un film réalisé en 1982, adapté de la
première nouvelle publiée par Zhang Xianliang (张贤亮)
après sa réhabilitation, après plus de vingt ans
passés en camps de travail pour avoir été condamné
comme droitier en 1958
[4].
Le film reflète la rencontre de ces deux personnages
passés par des
expériences très semblables : il en
émane une grande chaleur humaine.
En 1985, « Couronnes
funèbres au pied de la montagne » (《高山下的花环》)
est un film en hommage aux soldats chinois de la guerre
sino-vietnamienne. C’est aussi une adaptation littéraire,
sur un scénario de Li Zhun (李准)
[5],
le scénariste de
Li Shuanghuang (《李双双》),
adapté d’une nouvelle moyenne de Li Cunbao (李存葆).
Couronnes funèbres au pied de la montagne
(non sous-titré)
Ce sont des
films d’une facture très classique. Dans une
interview,
Chen Kaige
a rappelé que les professeurs des futurs
réalisateurs de la cinquième génération, à
l’Institut du cinéma de Pékin, au début des années
1980, les incitaient à dépasser « le format Xie
Jin ».
C’était
après un film beaucoup moins connu, mais pourtant
très intéressant :
« Qiu
Jin » (《秋瑾》),
hommage à une
révolutionnaire chinoise opposée à la dynastie des
Qing qui fut exécutée après un soulèvement manqué et
que l’on a surnommée « La chevalière du lac miroir »
(鑑湖女侠
valign="top" width="250">
Le village des hibiscu
Jiànhú Nǚxiá).
Le grand-père de Xie Jin l’avait bien connue, et avait
enseigné avec elle. C’était une personnalité hors pair que
Xie Jin avait beaucoup admirée enfant.
1989 et après
1989 est pour Xie
Jin une année charnière comme pour toute la Chine. Il tourne
cette année-là un film aux Etats-Unis : « Les derniers
aristocrates » (《最后的贵族》),
histoire de quatre jeunes chinoises parties vivre à
l’étranger, adaptée d’une nouvelle de l’écrivain taïwanais
Bai Xianyong (白先勇).
La production des
années 1990, ensuite, est irrégulière. Xie Jin étonne, en
1997, avec un film sur un sujet historique, « La guerre de
l’opium » (《鸦片战争》),
puis revient en 2001 avec un dernier film sur le monde du
sport, « La footballeuse n° 9 » (《女足九号》).
Les
deux films reflètent son profond amour pour son pays, mais
avec des nuances différentes.
La guerre de
l’opium
La guerre de l’opium
La raison
première de l’intérêt de Xie Jin pour le thème de la
guerre de l’opium est un sursaut nationaliste.
L’année de réalisation du film, 1997, est celle de
la rétrocession de Hong Kong à la Chine, événement
majeur qui montrait l’importance croissante de la
Chine sur l’échiquier mondial. Autant il a entraîné
une vague d’anxiété, et de départs, à Hong Kong,
autant il a été cause de jubilation sur le
Continent ; c’est ce que traduit le film de Xie Jin
qui a dit s’être senti investi d’une véritable
mission pour le réaliser.
L’autre
raison est son désir de relecture de l’histoire
après le grand classique de 1959 coréalisé par Zheng
Zunli (郑君里)
et Cen Fan (岑范) :
« Lin Zexu » (《林则徐》).
Dans ce film, la raison de la défaite de la Chine
tient aux luttes de faction et à la corruption
généralisée au sein de la cour des Qing, Lin Zexu
étant victime de ces luttes et écarté de son poste.
Xie Jin a pris la
position généralement adoptée aujourd’hui par les
historiens : même si Lin Zexu n’avait pas été écarté, la
Chine aurait quand même perdu, car elle était un pays
rétrograde et en retard sur ses adversaires. C’est ce que
suggère une scène du film qui montre la reine Victoria
présidant une cérémonie pour l’ouverture d’une nouvelle gare
de chemin de fer. L’Angleterre et la France avaient fait
leur révolution industrielle, la Chine continuait à se
déplacer en voiture à cheval.
Produit par le
studio Emei, le film est sorti dans une vague de patriotisme
qui a assuré son succès. Aller voir le film fut une
obligation pour tout le pays.
En même temps,
« La guerre de l’opium » diffère aussi des autres films de
Xie Jin par le fait qu’il n’est pas adapté d’une œuvre
littéraire, et qu’il n’est pas non plus inspiré de
l’expérience vécue du réalisateur. Il lui manque la chaleur
humaine qui caractérise ses autres films et que l’on
retrouve dans le film suivant.
La footballeuse n°
9
Sorti en
2001, « La footballeuse n° 9 » est un film qui
revient indirectement vers le passé récent, un peu
comme les films des années 1980, mais non pour
dénoncer des erreurs ou abus, pour rendre hommage
aux générations chinoises qui ont souffert pour que
les générations de l’ouverture puissent avoir une
vie plus facile.
Le film
célèbre l’équipe chinoise féminine de football qui,
arrivée en finale de la Coupe mondiale féminine en
1999 contre l’équipe américaine, était à égalité 0-0
avant de perdre pour une histoire de pénalité. Les
joueuses ont cependant été fêtées en Chine comme des
héroïnes, et reçues par le président Clinton après
le match.
C’était une nouvelle génération
de joueuses, qui avaient gagné la reconnaissance
internationale. Mais si Xie Jin a fait le film,
c’est pour célébrer, lui, la génération précédente,
celle des femmes qui se sont entraînée durement, des
années durant, sans être récompensées. Et
évidemment,
La footballeuse n° 9
l’hommage dépasse les seules footballeuses, pour
recouvrir tous ceux qui se sont sacrifiés, ont donné leur
travail, leur sueur et leur sang pour les générations
suivantes
[6].
C’est le sens de ce que dit la voix off dans la dernière
séquence : nous ne devons jamais les oublier…
Projets avortés et
retour au théâtre
Après 2002, Xie
Jin a tenté d’adapter le journal de John Rabe ; mais, d’une
part, les producteurs insistaient pour réaliser une
superproduction avec des grandes stars américaines, d’autre
part, vu leurs cachets, ils ne sont pas arrivés à boucler
leur budget.
Hommage au cinéaste
après son décès, en 2008
Il a aussi
caressé l’idée d’un film dans le genre du « Dernier
Empereur », autour de la personne de la quatrième
concubine de Pu Yi qui a gardé toute sa vie un amour
inébranlable pour lui. Il en serait revenu au
mélodrame traditionnel. Faute de financement, il a
pensé monter le sujet au théâtre, sans succès. Mais
la pièce qu’il aurait le plus aimé monter alors
était une adaptation d’une autre histoire de Bai
Xianyong.
Il est
décédé avant d’avoir pu le faire, en 2008 sur les lieux
de son enfance, à Shangyu.
Filmographie
1951
Dénonciation
《控诉》
1954 Une
tempête
《一场风波》
1954 Rencontre
sur le pont de la rivière Lan
《蓝桥会》
Xie Jin a été un
grand cinéaste, l’un des plus importants de sa génération,
un cinéaste qui a su faire des films qui plaisaient au
public et le touchaient.
Ce qui le
caractérise, c'est d’avoir vécu à une époque
particulièrement tourmentée dont ses films portent
témoignage. Pour rendre cette réalité très complexe, Xie Jin
utilise un double langage qui permet d’exprimer certaines
réalités en dépit des tabous et des interdictions.
C'est-à-dire que ses films doivent toujours être décodés
pour être appréciés à leur juste valeur.
Le registre des
sujets auxquels il s'est intéressé est très large. Il était
obsédé par l'histoire tragique de la Chine d'après de la
"Libération", et, dans ce domaine, il savait de quoi il
parlait. En revanche, il est une fois où il s'est vraiment
trompé, c'est – à la fin de sa carrière - quand il a voulu
adapter au cinéma la nouvelle de l’écrivain taïwanais Bai
Xianyong (白先勇).
Le tournage aux Etats-Unis n’a pas bien marché. C'était un
monde trop loin de lui et son erreur a été de ne pas le
comprendre.
« Sœurs de
scène », en revanche, est un film très riche et complexe,
l'un des plus importants dans sa filmographie. S'il a été
critiqué, c'est surtout pour la scène où le père, avant de
mourir dit à sa fille : « Tu dois être totalement dévouée à
ton art et mener une vie irréprochable », déclaration
inadmissible alors que, justement, le Parti entendait
dominer totalement les individus et détruire les valeurs
traditionnelles humanistes pour imposer les "nouvelles"
valeurs, celles des paysans-ouvriers-soldats (gong nong
bing
工农兵).
Xie Jin voulait-il
dire que l'art était au-dessus du Parti ? Ce débat est au
coeur de l'histoire idéologique de la Chine dans la deuxième
moitié du XXe siècle. Dès Yan'an Mao pensait qu'il fallait à
tout prix soumettre intellectuels et artistes et tuer dans
l’œuf leurs velléités d'indépendance et, de fait, il s'est
toujours acharné à le faire.
Il faut compulser
le livre (publié à l'époque) sur les films qu'il convenait
de critiquer avant même qu'éclate la Révolution culturelle.
On y trouve des clefs pour comprendre bien des choses.
Bibliographie
- Xie Jin, Six
Decades of Cinematic Innovation,
in : Speaking in Images, Interviews with Contemporary
Chinese Filmmakers, by Michael Berry, Columbia University
Press 2004, pp. 21-49.
- Mes recherches
en quête de l’art de la mise en scène《我对导演艺术的追求》de Xie Jin, éditions du cinéma chinois (中国电影出版社),
1998.
- Propos de Xie Jin
sur l’art《谢晋谈艺术》de
Xie Jin, éditions des lettres et des arts de Shanghai (上海文艺出版社),
1989.
[1]
Il y a une autre raison qui avait suscité la colère
des autorités, voir le commentaire de Marie-Claire
Kuo-Quiquemelle ci-dessous.
[2]
Fu Chaowu (傅超武) :
réalisateur né en
1922, formé à l’académie Lu Xun au début des années
1940, et célèbre pour son film « Sur la rive du
fleuve Jinsha » (en 1964).
[3]Selon
Paul Clark, The Cultural Revolution, a history,
Cambridge University Press, 2008, p.127.
[6]
Donc le film est totalement différent du celui de
1957 « La basketteuse n° 5 » (《女篮五号》)
dont le thème est de s’entraîner afin de gagner pour
la gloire de la nation.