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« Une famille chinoise » de Wang Xiaoshuai 

par Brigitte Duzan, 7 juillet 2008, révisé 14 septembre 2011

 

« Une famille chinoise » (左右》) de Wang Xiaoshuai (王小帅) avait raté sa sortie au festival de Cannes, en mai 2007, puis à la Biennale de Venise trois mois plus tard, la première fois – dit-on - parce qu’il n’avait pas obtenu à temps les autorisations nécessaires, la deuxième fois pour des problèmes de post-production. Mais il a ensuite obtenu l’Ours d’argent du meilleur scénario au 58ème festival de Berlin, en février 2008.

 

On attendait donc le meilleur, dans la lignée des précédents films du même réalisateur, en particulier « Beijing Bicycle »

(《十七岁的单车》), ours d’argent de la 51ème Berlinale, en 2001, et « Shanghai Dreams » (《青红》), prix du jury à l’unanimité au festival de Cannes 2005. Malgré des qualités indéniables, cependant, le film n’est pas le chef d’œuvre attendu.

 

Affiche française

 

 

Une famille chinoise VOST ( Bande-annonce )

 

Un bon scénario

 

Le scénario lui-même n’est pas en cause, ce n’est pas pour rien qu’il a été primé à Berlin. L’histoire est un drame familial : une petite fille, Hehe (合合), cinq ans, est atteinte de leucémie ; Mei Zhu (枚竹), sa mère, divorcée, s’est remariée ; mais, pour tenter de la sauver, elle renoue avec son ancien mari, Xiao Lu (肖路), et essaie de le convaincre qu’ils doivent ensemble avoir un autre enfant : une greffe de la moelle est en effet nécessaire, mais il est difficile de trouver un donneur compatible, ce qu’assurerait un petit frère ou une petite sœur. Xiao Lu, cependant, est lui-même remarié, avec une jeune hôtesse de l’air. La situation devient de plus en plus tendue lorsque les tentatives d’insémination artificielle échouent, l’une après l’autre …

 

Affiche américaine

 

L’équilibre des deux mariages s’en trouve compromis, et ce d’autant plus que les choix sont rendus encore plus difficiles par la politique de l’enfant unique. Si Mei Zhu a un deuxième enfant, ce qui est possible dans le cas des femmes divorcées qui se remarient, elle ne pourra plus en avoir ensuite ; et si cet enfant est de Xiao Lu, cela signifie que son deuxième mari, Lao Xie (老谢), ne pourra pas, lui, pas en avoir avec elle.

 

Il y a là toute une série de compromis nécessaires qui ne sont faciles à accepter pour personne.  C’est d’ailleurs ce qu’évoque le titre chinois : 左右 zǔo yòu. Zǔo, c’est la gauche, yòu, c’est la droite ; le film présente ainsi les deux familles, l’une de chaque côté, et tout l’enjeu est de savoir comment vont pouvoir être rétablis les équilibres fragilisés par l’annonce de la maladie de la petite fille. Le jeu de mots est encore plus subtil, l’ensemble des deux caractères

signifiant à la fois à peu près, mais aussi être maître de, tenir quelque chose fermement des deux mains. Mais le problème est justement là : comment arriver à maîtriser la situation ?

 

Un film tout en retenue

 

C’est un scénario qui aurait pu donner un mélodrame larmoyant. Il n’en est rien, au contraire : Wang Xiaoshuai s’est attaché à garder une approche très froide, au-delà de tout sentimentalisme, et on lui en sait gré. On est aux antipodes d’une banale série télévisée. Les acteurs qu’il a choisis, excellents, mais relativement peu connus (1), contribuent à éviter le danger du vedettariat, solution facile pour attirer le public.

 

Après le choc ressenti lorsque lui est annoncé le terrible diagnostic qui condamne pratiquement sa fille, et qui entraîne une brève crise de pleurs, Mei Zhu a ensuite le regard sec ; on est ainsi surpris lorsqu’on entend la petite fille dire gentiment à son papa qu’elle est très malade et va sans doute mourir, parce que sa

 

Photo du film

maman pleure sans cesse. En fait, on voit Mei Zhu dès le départ adopter une attitude de révolte contre le verdict, et une détermination farouche de tout faire pour sauver sa fille. Pas question de s’apitoyer. On est dans la lignée des femmes chinoises qui se battent dans l’adversité.

 

Le plus beau moment est la dernière scène, celle où Mei Zhu se retrouve avec son deuxième mari, Lao Xie, le soir, dans la cuisine, au moment du dîner. Ils mangent en silence. Mei Zhu pense à sa rencontre avec Xiao Lu, dont elle espère avoir maintenant un enfant. Lao Xie, avec ce sourire très doux qui le caractérise, finit par parler, et ce sont des paroles d’espoir, les premières du film : il dit qu’il va considérer ce bébé qui va naître comme le sien, et que, lorsqu’il sera né, ils iront le présenter à sa famille, dans son village… Et brusquement, on se sent un bref instant la gorge quelque peu nouée.

 

Photo du film

 

C’est peut-être aussi parce que, pour la première fois, le cinéaste offre une ouverture à ces couples jusque là enfermés dans une terrible solitude. Wang Xiaoshuai a déclaré que c’était ainsi qu’il voyait le nouveau paysage urbain : un univers où l’individualisme est devenu la loi, où l’absence de communication est la règle – soulignée à plusieurs reprises

par le flou qui baigne alternativement le visage des époux lorsqu’ils se parlent.  Les gens ne se connaissent plus, dit-il, chacun doit résoudre seul ses problèmes. Et il ajoute que ceux-ci ne sont plus de savoir comment arriver à vivre, mais comment faire face à la mort. La phrase finale de Lao Xie laisse entrevoir que la famille, le village restent l’ultime ancrage, le noyau affectif fondamental pour ces citadins enfermés dans des appartements dont les portes, en se refermant, ont des bruits métalliques de portes de prison.

 

Le réalisateur est ainsi peut-être tombé dans l’excès opposé au sentimentalisme : le film est d’une telle retenue qu’on a presque l’impression, à certains moments, d’une approche clinique, qui nie et évacue toute émotion. Le seul moment réellement émouvant est cette dernière séquence ouvrant un mince lueur d’espoir : le film atteint là l’humanité qui lui a cruellement fait défaut jusque là.

 

Il y a un parti pris de froideur, que Wang Xiaoshuai a souligné dans ses interviews. Du coup, on ne sent aucune chaleur humaine, sauf dans quelques rares moments privilégiés. Le film n’est pas dénué d’humour, non plus,  mais c’est un humour glacial qui laisse un sentiment de malaise voulu, malaise qui atteint son maximum dans la scène cruciale de la rencontre entre les deux anciens époux pour tenter de concevoir un autre enfant ; l’effet est accentué par un décor étonnant qui tranche avec les couleurs ternes adoptées jusque là : dans l’appartement loué, pratiquement vide et totalement impersonnel, le lit apparaît soudain orné de draps d’un rouge sanglant qui, bien sûr, est celui du mariage en Chine, mais suggère bien plus une scène de sacrifice, mise en scène pour un opéra baroque.

 

Une peinture des classes moyennes

 

Ce parti pris de froideur tient autant au sujet qu’à la manière dont il est traité. Le cinéaste continue sa peinture d’une Chine en profonde mutation, et a choisi cette fois de dépeindre les classes moyennes de la société chinoise, car on en parle beaucoup moins que des pauvres ou des plus riches. Il a voulu montrer qu’elles sont aujourd’hui plus ou moins semblables, dans leur mode de vie et leurs préoccupations, aux classes moyennes du monde entier, de la même manière que les villes chinoises (et c’est ici Pékin qui fait figure de modèle, triste à mourir), perdant peu à peu leurs caractéristiques propres, finissent pas ressembler à n’importe quelle ville alignant des immeubles sans grâce et sans cachet le long de grandes artères impersonnelles.

 

Il a tellement voulu faire une analyse de sentiments ordinaires, dépeindre des vies ordinaires, que la qualité et l’originalité du scénario finissent par s’y perdre, avec l’émotion. La force du film est de vouloir montrer les conséquences sur la vie de ses personnages d’une politique comme celle de l’enfant unique, politique typiquement chinoise qui entraîne des situations dramatiques qui n’ont rien d’ordinaire. C’est la profonde humanité avec laquelle réagit Lao Xie à cette situation qui en fait un caractère attachant et émouvant. Il est dommage d’avoir gommé cet aspect pour essayer d’atteindre à l’universel que le réalisateur dit avoir visé.

 

Peut-être tout simplement que le souci de passer la censure pour que le film puisse être distribué en Chine a bridé le cinéaste et contribué à « aseptiser » la réalisation, donnant une œuvre où l’on ne retrouve pas ce qui faisait la richesse des précédentes : une grande chaleur humaine (2).

 

A propos d’un livre d’Amin Malouf, un critique littéraire de l’hebdomadaire britannique The Economist concluait récemment que, malgré les longueurs, le livre « is worth a mild sigh or two ». On peut regretter de notre côté que le film de Wang Xiaoshuai ne suscite guère plus que quelques soupirs de ce genre. Mais la déception est simplement à la mesure des espoirs suscités…

 

 

Notes :

(1) Si Liu Weiwei (刘威葳), dans le rôle de la mère, Mei Zhu, et Zhang Jiayi (张嘉泽) dans celui de Xiao Lu, sont des acteurs de télévision, les deux autres acteurs principaux, Yu Nan (余男) et  Cheng Taisheng (成泰燊), sont plus connus des cinéphiles, surtout la seconde, dans le rôle de la seconde épouse de Xiao Lu :

elle a débuté sa carrière en jouant dans « Eclipse de lune » (《月蚀》) de Wang Quan’an (王全安), puis a tourné dans ses deux films suivants, sortis en 2004 et 2006 : « L’histoire d’Ermei » (《惊蛰》) et « Le mariage de Tuya » (《图雅的婚事》) .

 

(2) Dans un récent documentaire d’Alain Mazars présenté à la Scam le mercredi 14 septembre 2011, « La Chine et le réel », Wang Xiaoshuai est l’un des quatre réalisateurs chinois  dont les interviews forment la trame de cette intéressante évocation en forme de puzzle du cinéma chinois de la génération "post-Tian’anmen".

 

A propos de son film « Une famille chinoise », Wang Xiaoshuai évoque, avec un léger sourire ironique, les difficultés qu’il a eues avec la censure pour faire accepter son scénario ; les négociations se seraient étalées sur trois ans, avec refonte parallèle du récit pour éviter en particulier toute allusion, même lointaine, à un possible adultère, tabou absolu. On devine bien, comme le film le laisse pressentir, une certaine dilution du scénario initial.

 

Il faut toujours tenir compte de ce genre de problème en jugeant un film chinois, et penser que les réalisateurs sont placés devant le dilemme implacable de sortir un film en Chine en passant sous les fourches caudines de la censure, ou de passer outre et suivre leur impulsion créatrice, mais en se voyant limités dès lors aux festivals étrangers.

 

Le documentaire montre cependant bien que les grandes avancées réalisées par cette génération "post-Tian’anmen", et Wang Xiaoshuai le premier avec son ami Zhang Yuan, n’ont pu voir le jour que parce que les réalisateurs ont brusquement pris conscience qu’ils pouvaient s’affranchir du ‘système’.

 

 

Une famille chinoise VOST- Ext 1 ( Extrait )

 

 

Une famille chinoise VOST- Ext 2 ( Extrait )

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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