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« The Stars are Bright Tonight » : une œuvre méconnue du duo Xie Tieli/Bai Hua

par Brigitte Duzan, 16 novembre 2012

 

« Cette nuit les étoiles brillent » /« The Stars are Bright Tonight » (今夜星光灿烂) est l’un des premiers films « de guerre » tourné après la Révolution culturelle.

 

Réalisé en 1980 par Xie Tieli (谢铁骊) d’après un scénario de Bai Hua (白桦), il représente une style nouveau dans l’histoire de ce genre de film, une orientation différente qui correspond au caractère et aux idées du cinéaste comme de son scénariste, et, plus généralement, à l’atmosphère de l’époque.

 

Le combat des héros anonymes

 

Un tournant dans les films militaires chinois

 

Si « Cette nuit les étoiles brillent » présente un caractère innovant dans l’histoire des films militaires en Chine, c’est parce qu’il ne traite pas la guerre vue du côté des généraux et des faits d’armes héroïques des manuels d’histoire ; le film s’attache au contraire à son

 

The stars are bright tonight

aspect humain, illustré par de jeunes soldats anonymes de l’Armée de Libération.

 

Sans grades anonymes mais non moins valeureux, ce sont des jeunes de chair et de sang, prêts au sacrifice, mais aussi capables d’émotions autres que l’amour de la patrie : ils aiment la vie et ont des rêves d’avenir.

 

« Cette nuit les étoiles brillent » a été réalisé juste après « Little Flower », ou « Xiao Hua » (《小) de la réalisatrice  Zhang Zheng (张铮) ; outre le fait qu’il a propulsé la jeune Joan Chen (陈冲) au rang des stars les plus populaires de l’époque, « Xiao Hua » a été le premier film à marquer un véritable tournant dans les films militaires chinois, en montrant la guerre sous l’aspect des relations humaines et des sentiments intimes de personnage pris dans un conflit dont ils ne sont que des pions.

 

Produit par le très officiel studio de l’Armée chinoise, le Studio du 1er août (1),  « Cette nuit les étoiles brillent » poursuit dans le même esprit un an plus tard. C’est l’un des films représentatifs de la période 1978-1981 dite « seconde période des Cent Fleurs », marquée par un retour aux thèmes humanistes des années 1960-64.

 

Une histoire vécue par Bai Hua

 

Le scénario est écrit par Bai Hua (白桦) aussitôt après sa pièce de théâtre « L’aurore » (《曙光》), son premier écrit après la chute de la Bande des Quatre (2).

 

« L’aurore » était un hommage au général He Long (贺龙) dont Bai Hua avait été un proche collaborateur au début des années 1950, et plus particulièrement à l’action menée dans la région du lac Honghu au début des années 1930 (3).

 

« Cette nuit les étoiles brillent » part d’un souvenir plus personnel encore de Bai Hua : la bataille de Huaihai (淮海战场) à laquelle il a lui-même participé en tant que soldat, pendant l’hiver 1948-49. Bataille décisive contre l’armée du Guomingdang, elle a aussi été particulièrement meurtrière. Le scénario de Bai Hua est donc indirectement un hommage aux soldats tombés sur le champ de bataille dont le sacrifice a permis la victoire ultime des forces communistes.

 

L’histoire est celle d’une jeune fille dont le père est maltraité par des agents du Guomingdang et tué accidentellement alors qu’il voulait déposer une plainte en justice. Seule et désespérée, elle tente de se suicider, mais est sauvée in extremis par un soldat de l’Armée rouge. Les jeunes soldats lui ayant redonné espoir dans l’avenir, elle entre dans leurs rangs et finit par remplacer l’un d’eux, mort en mission, en prenant une part active aux combats.

 

Un film signé Xie Tieli 

 

S’il y a une continuité dans l’œuvre de Bai Hua, il en est de même pour Xie Tieli : « Cette nuit les étoiles brillent » reprend l’inspiration thématique de son film de 1964, « Février printemps précoce » (4), mais nourri des expériences stylistiques réalisées pendant la Révolution culturelle, surtout à la fin de la période, avec, en particulier, « La montagne aux azalées » et « La milicienne de l’île de Hainan ».

 

Le film bénéficie en outre d’une grande complicité entre le réalisateur et le scénariste, qui ont vécu des expériences très similaires, ayant tous deux grandi dans les rangs de l’Armée de Libération, puis étant entrés en même temps dans l’administration du nouveau régime, la grande différence étant que Xie Tieli n’a pas été condamné comme droitier et a même continué sa carrière pendant la Révolution culturelle.

 

« Cette nuit les étoiles brillent » représente cependant un hommage partagé aux soldats tombés au champ d’honneur, mais aussi un témoignage de l’espoir qu’avait fait naître le Parti communiste dans les campagnes et de la ferveur patriotique qu’il suscitait parmi les plus démunis.

 

Le film s’ouvre sur des séquences montrant la situation désespérée à laquelle est réduite l’héroïne Yang Yuxiang (杨玉香) à la mort de son père. Sauvée du suicide par le jeune soldat communiste Xiao Yu (小于), elle est au départ affolée à la vue du cercle de soldats qui s’est formé autour d’elle, car elle ne fait aucune différence entre communistes et nationalistes, puis renaît peu à peu à la vie et à l’espoir.

 

Cette renaissance se fait au fil d’un dialogue significatif avec le chef de la brigade, He Zhanyun (何战云), auquel a été remis la corde avec laquelle elle voulait se pendre : ce n’est pas toi qu’on va pendre avec cette corde, mais Chang Kai-chek, pour libérer tout le pays. Alors, dit-elle, cela veut dire qu’on peut encore espérer ? Mais bien sûr, répond He Zhanyun. Et cela va mettre longtemps, de libérer le pays ?  demande-t-elle encore. Ah, cela va dépendre de l’issue du combat qui se prépare…. 

 

Tout est clair : la victoire dépend de l’engagement de chacun. Le film retrace alors le parcours sans faille de Yang Yuxiang, de petite paysanne sans espoir à combattante brave et pure, jusqu’à la victoire finale. Mais ce n’est pas d’une telle simplicité, car Xie Tieli s’attache à affiner les sentiments et les caractères de ses personnages.

 

Il y a une grande humanité, et une certaine légèreté dans la peinture de ces jeunes soldats, idéalistes certes, mais c’est l’idéalisme de la jeunesse, et, on le sent bien, l’idéalisme qui fut celui de Xie Tieli et de Bai Hua, comme de toute leur génération. On sent les personnages vibrer de leurs propres émotions.

 

C’est d’ailleurs ce qui va valoir au film une brève campagne de critiques, fustigeant l’humanisme et les sentiments petits-bourgeois du film, comme au temps de « Février, printemps précoce ». Mais les temps ont (provisoirement) changé : au terme d’une table ronde organisée par la revue ‘Cinéma populaire’ (大众电影),  le film est déclaré « sain » par les représentants du jeune public, et même par ceux de la Ligue de la jeunesse communiste.

 

Le vent est cependant en train de tourner, cette brève campagne en est le signe annonciateur. La « deuxième période des Cent Fleurs » va bientôt s’achever, et c’est un autre scénario de Bai Hua qui va en faire les frais…

 

Un film charnière

 

Le film est surtout intéressant pour sa recherche stylistique et la peinture de personnages. Il y a un effort sensible pour alléger le ton narratif, surtout dans les séquences initiales au front, où les jeunes soldats sont campés de manière assez vivante, sinon totalement réaliste. Mais le film reste assez lourd didactiquement, et n’évite pas les clichés dans la représentation manichéenne des deux armées, comme dans tous les films chinois du même genre.

 

Li Xiuming en Yang Yuxiang

 

L’aspect stylistique est le plus réussi. Le film a été réalisé peu de temps après la publication en 1979 de l’article fondamental de Zhang Nuanxin (张暖忻) et Li Tuo (李陀) « Sur la modernisation du langage cinématographique » (谈电影语言的现代化) : partant de la constatation du retard accumulé par le cinéma chinois depuis 1964, pendant que les cinémas du monde entier inventaient de nouvelles formes d’expression, les deux auteurs incitaient les cinéastes chinois à étudier les théories et les cinématographies étrangères pour aller de

l’avant (5).

 

Le film de Xie Tieli se place à cette période charnière et fait quelques innovations qui étaient mal vues par l’orthodoxie maoïste. Il renonce par exemple dès l’abord à une narration linéaire pour raconter en flashes- back l’histoire de la malheureuse Yang Yuxiang. Il fait aussi usage du rêve pour évoquer ses craintes, désirs et aspirations, comme une sorte de « flux de conscience » cinématographique ; le procédé sera repris l’année suivante par Cen Fan (岑范) dans « La véritable histoire d’AQ » (6).

 

Les couleurs et la photo sont dans l’ensemble très belles, en particulier les premières images du film, montrant Yang Yuxian comme une ombre dans le lointain. Elles reviennent cependant au style de la première moitié des années 1960. Le jeu des acteurs est aussi assez typique de ces années-là, l’actrice Li Xiumin (李秀明), dans le rôle de Yang Yuxian, rappelant l’actrice Xie Fang (谢芳) interprétant Tao Lan dans « Février, printemps précoce ».

 

Le plus étonnant est le personnage du chef de brigade He Zhanyun (何战云) campé par Tang Guoqiang (唐国强). C’est cet acteur qui, par la suite, interprétera le rôle de Mao Zedong dans les films officiels chinois. Or, son caractère débonnaire, son visage souriant, son intimité avec les jeunes soldats de sa troupe, dans le film de Xie Tieli, en font un précurseur de ses rôles ultérieurs de

 

Tang Guoqiang en He Zhanyun

personnification du président, comme récemment dans « La fondation de la République »

 

« Cette nuit les étoiles brillent » n’est sans doute pas un film majeur dans la cinématographie de Xie Tieli, mais il permet de mieux comprendre les films chinois qui vont suivre dans les années 1980. Il est le reflet d’une époque.

 

Notes

(1) Studio créé en 1951, voir : L’histoire des grands studios d’Etat.

(2) Sur Bai Hua, voir http://www.chinese-shortstories.com/Auteurs_de_a_z_Bai_Hua.htm

(3) Voir : « La garde rouge du lac Honghu ».

(4) Sur ce film, voir :

http://www.chinese-shortstories.com/Adaptations_cinematographiques_Rou_Shi_Xie_Tieli_

Fevrier_analyse_comp.htm

(5) On mesure le décalage dans le cas du film étudié, en particulier, quand on repense à « Apocalypse Now », sorti par Coppola en … 1979 !

(6) Sur ce film voir : http://www.chinese-shortstories.com/Adaptations%20cinematographiques_

La_veritable_histoire_AQ.htm

 

 

Le film

 

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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