par Brigitte Duzan, 2 février 2016, actualisé , 19 avril
2020
Né en août 1957 à Changsha, capitale du Hunan, Tan
Dun est l’un des compositeurs
chinois les plus marquants de la période
contemporaine. Mais il est aussi mondialement connu
pour ses musiques de films : c’est lui qui a
composé, entre autres, la musique de
« Tigre
et Dragon » (《卧虎藏龙》)
et celle de
« Hero »
(《英雄》).
Il a commencé ses études musicales au Conservatoire
central de musique de Pékin après la Révolution
culturelle, puis, en 1986, est allé préparer un
doctorat aux Etats-Unis, à Columbia University.
Opéras
Tan Dun est en particulier un grand compositeur
d’opéras. Il a commencé à Columbia, en 1989, avec un
arrangement de poèmes de Qu Yuan (屈原)
intitulé « Nine Songs » (《九歌》) :
Tan Dun
les poèmes sont chantés à la fois en chinois classique et en
anglais moderne, et ils sont accompagnés d’un petit ensemble
mixte d’instruments occidentaux et traditionnels chinois,
l’interprétation comportant une gestuelle d’ancien rituel en
lien avec les poèmes. C’est un premier exemple du style
propre à Tan Dun, qui mêle influences orientales et
occidentales.
Il a poursuivi en 1996 avec un second opéra, « Marco Polo »
(《马可.勃罗》),
opéra dans l’opéra où apparaissent les grandes figures
historiques liées au personnage légendaire, de Dante à
Shakespeare, en passant par Li Bai et Kubilai Khan. Deux ans
plus tard, il a signé une adaptation du célèbre opéra kunqu
« Le Pavillon aux pivoines » (《牡丹亭》)
dont la première production a été mise en scène par Peter
Sellars, la musique étant un mélange de musique
d’avant-garde occidentale et d’opéra kunqu, mais l’opéra est
chanté en anglais.
Le plus récent de ses opéras, « The First Emperor » (《秦始皇》),
en 2006, a été commissionné par le Metropolitan Opera de new
York, le rôle principal a été créé par Placindo Domingo, le
livret étant cosigné de Tan Dun lui-même et de l’écrivain Ha
Jin (哈金) ;
quant à la mise en scène, elle a été réalisée par
Zhang Yimou, avec lequel Tan Dun avait
collaboré quatre ans plus tôt pour la musique de
« Hero ».
Musique de Hero : Gone with the Leaves
Hero, musique finale
Pièces orchestrales
Dans les années 1990, Tan Dun a composé une série de
compositions de « théâtre orchestral » fondées sur des idées
originales : la première demande une utilisation atypique
des instruments –
violons joués comme des instruments de percussion et harpe
jouée comme un gusheng…
La seconde de ces pièces développe le concept de rituel
(déjà présent dans les Nine Songs) en impliquant les
spectateurs dans la représentation : l’orchestre n’est qu’en
partie sur la scène, les vents sont placés autour de
l’auditoire, et il y a deux chefs d’orchestre, le second
demandant aux spectateurs de fredonner avec l’orchestre à
certains moments.
La dernière pièce de la série, « The Gate » (《门》),
donnée en 1999, est une suite de type thème et variations,
mettant en scène trois femmes célèbres de la littérature sur
le thème du sacrifice par amour : le personnage féminin de
« Adieu ma concubine » (《霸王别姬》),
la Juliette de « Roméo et Juliette » et Koharu de la pièce
japonaise du 18ème siècle « Suicides d’amour à
Amijima » ; et comme cette dernière pièce était à l’origine
pour théâtre de marionnettes, Koharu est interprétée dans la
pièce de Tan Dun par un marionnettiste japonais… La pièce
comporte une vidéo enregistrant live les images des trois
personnages sur la scène.
The Gate, part 1
Symphonies, concertos et musique de chambre
En concert à Hangzhou
A partir du milieu des années 1990, Tan Dun a aussi
composé de la musique d’ensemble, avec toujours des
compositions mêlant techniques et instruments
occidentaux et orientaux, comme son second concerto,
par exemple, pour guitare et orchestre, mêlant
flamenco et pipa. Et beaucoup de ces œuvres
empruntent des éléments à l’opéra, que ce soit sous
forme de mélodie ou de mise en scène.
Certaines de ces œuvres demandent aussi des
instruments « organiques » : percussions de papier,
de pierre, de céramique, et beaucoup de jeux sur le
bruit de l’eau.
Musique de films et vidéo
La musique composée par Tan Dun pour
« Tigre et Dragon » (《卧虎藏龙》)
est la plus célèbre, et relève de ses compositions
orchestrales mixtes, ce qui convient parfaitement au
style du film lui-même. Elle a décroché trois
récompenses des plus prestigieuses pour des musiques
de films : Academy
Award for Best Original Score, Grammy
Award for Best Soundtrack et BAFTA Award for best
Film Music.
Tan Dun a ensuite réarrangé le thème du film en
concerto pour violoncelle, vidéo et orchestre de
chambre (et percussions), en six parties : le
« Crouching Tiger Concerto ». La vidéo comporte des
séquences du film, mais elle est accessoire.
La musique de Tigre et
Dragon en concert
Tan Dun (2è à g.)
célébrant avec Peter Pau et Ang Lee
les récompenses obtenues par Tigre et Dragon aux
Oscars
Tigre et dragon, le thème de l’épée (Yo-yo Ma au
violoncelle)
Crouching Tiger Concerto
Outre la musique de
« Hero »,
il a aussi composé celle de « The Banquet » (《夜宴》)
de
Feng Xiaogang (冯小刚),
en 2006. Les trois œuvres sont regroupées sous le titre
commun de « Cycle d’arts martiaux ».
Mais sa première musique de film, que l’on oublie souvent,
est celle du film de 1995 de Wu Ziniu (吴子牛) :
« Don’t Cry Nanjing » (《南京1937》).
A partir de 2002, Tan Dun a continué à expérimenter dans le
domaine de la vidéo et de son utilisation dans le cadre de
compositions musicales. Il a ainsi composé « The Map »
(《地图》), également pour violoncelle, vidéo et orchestre, qui
comporte des séquences documentaires sur la vie et la
musique des ethnies Tujia, Miao et Dong. Les musiciens sur
scène, dont le violoncelliste solo, interagissent avec ceux
sur l’écran, dans une sorte de duo musique live/musique
enregistrée. La première de cette œuvre, commissionnée par
le Boston Symphony Orchestra, a été donnée avec en soliste
le violoncelliste Yo-Yo Ma.
The Map, Ghost Dance
Water Heavens
« Water Heavens»
(《水乐堂·天顶上的一滴水》)
est son dernier grand “opera”, au sens premier, en
fait une « performance musicale pour cordes, pipa,
eau et voix » où l’architecture a aussi son rôle. Il
a créé pour le représenter une salle spéciale dans
une ancienne bâtisse en bois de la vieille ville de
Zhujiajiao (朱家角),
dans le district de Qingpu (青浦区),
à l’ouest de Shanghai.
C’est une vieille ville de canaux, où l’eau est
omniprésente, et la salle de concert est située au
bord d’un canal, de l’autre côté d’un temple
bouddhiste. L’œuvre incorpore le bruit de l’eau qui
s’écoule en gouttant du toit, comme dans le titre (天顶上的一滴水),
et elle commence avec de la musique de Bach quand
les moines commencent leurs prières du soir et que
retentit le gong du temple… Tan Dun a expliqué qu’il
en avait eu l’idée alors qu’il visitait le lieu, en
écoutant de la musique de Bach sur ses écouteurs,
surimposée sur fond de prières venues du temple.
Water Heavens
L’œuvre a été
reprise à Zhujiajiao en mars 2016
[1]…
Water Heavens, Part 1(intro)
Water Heavens Part 2
Musique pour Wuhan
Le 1er août 2019, Tan Dun a été nommé doyen du
prestigieux Bard College Conservatory of Music (New
York).
Le 15 février 2020, à la tête de l’orchestre symphonique
d’Anvers, il a créé – devant un auditoire virtuel - une
œuvre symphonique intitulée « Twelve Sounds of Wuhan »
(《武汉十二锣》) .
Il s’agit d’une œuvre dédiée aux malades du covid19 à
Wuhan et à tous ceux engagés à leurs côtés dans la lutte
contre le virus. C’est une composition pour orchestre
symphonique et percussions, dont des « gongs de Wuhan »
qui sont des percussions locales spécifiques.
12 Sounds of Wuhan, Prayer and Blessing, virtual
performance