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Le
10ème festival de cinéma indépendant de
Songzhuang victime d’une descente de police
par Brigitte
Duzan, 25 août 2013
Vendredi 23
août, avant même le début du 10ème
festival de cinéma indépendant de Pékin (第十届北京独立影像展)
qui devait se tenir à Songzhuang (宋庄)
jusqu’à la fin du mois, les projections ont été
annulées à la suite d’une intervention soudaine de
la police.
Le
directeur du festival, Wang Hongwei (王宏伟)
(1),
a cependant
réussi à négocier un compromis : quelques
projections pourront avoir lieu en privé, pour les
seuls réalisateurs ; aux autres, dont certains venus
de très loin, le festival pourra fournir des DVD, à
regarder sur des écrans d’ordinateurs ou de
télévision, et en petits groupes de cinq personnes
au maximum.
Si le
festival ne respectait pas les termes de ce
compromis, c’est le village entier de Songzhuang qui
serait privé d’électricité, et Wang Hongwei
emprisonné. L’an dernier,
le
9ème festival
avait été interrompu
dès la première projection par une coupure de
courant ; les organisateurs, cette année, avaient
cru pouvoir se tirer d’affaire en
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Affiche du 10ème
festival, illustrée ironiquement
de l’annonce de
l’annulation du festival précédent |
prévoyant des
groupes électrogènes. Mais la volonté du pouvoir est
maintenant très claire, et la ligne dure du Parti est
décidément celle qui prévaut.
D’après Antoine
Hervé, nouveau directeur du festival Shadows qui prépare une
thèse sur le cinéma indépendant chinois, et qui est sur
place parmi les nombreux professionnels, l’intervention de
la police a surpris tout le monde. Mais l’ambiance est
détendue ; pendant les longs moments d’attente,
organisateurs et festivaliers « bavardent en buvant des
bières, y compris avec les officiels présents ».
Les plaisanteries
plus ou moins amères vont bon train. Annonçant
l’impossibilité de projeter le film d’ouverture, le
producteur a dit : « Le festival est redevenu une réunion de
discussion nostalgique » (“电影节又变成叙旧聊天节了。”).
Et le documentariste
Zhao Liang (赵亮) :
« C’est le festival de cinéma sans projections » (“不能放电影的电影节”。)
Quelques films sont
quand même visionnés. Le premier est celui qui était prévu
pour la séance d’ouverture : « Around that Winter » (《田园将芜》)
de Wang Xiaozhen (王晓振)
; il a déçu. Le film dont tout le monde parle, en fait, est
« Emperor visits the Hell » (《唐皇游地府》),
de
Li Luo (李珞),
mais qui n’est pas vraiment nouveau : il a été projeté l’an
dernier au festival de Vancouver où il a été couronné du
prix Dragons & Tigers ; simplement, Li Luo vit au Canada et
il est plus facile de voir son film à l’étranger qu’en
Chine.
Le festival fait
vraiment l’effet d’une forteresse assiégée. Son avenir est
décidément compromis, comme celui des festivals de cinéma
indépendant chinois dans leur ensemble. Il faut attendre
décembre pour voir ce qu’il va advenir de celui de Nankin.
Mais on en est déjà revenu plus ou moins à la période
héroïque des débuts du mouvement indépendant, quand les
films se montraient en catimini dans des cafés, des
librairies, des galeries d’art ou des bibliothèques
d’université. En Chine, tout est cyclique, la politique
aussi.
(1) L’acteur
fétiche des débuts de
Jia Zhangke, très actif aujourd’hui
dans la défense du cinéma indépendant.
Programme
initial du festival :
http://ww2.sinaimg.cn/large/64686c21jw1e7t4buqpnbj218g1rd4o0.JPG
Note a
posteriori :
Les projections ont cependant repris le dimanche 25 août,
selon le programme initial.
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