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A Venise, le
prix du meilleur scénario Orizzonti décerné à « Bitter
Money » de Wang Bing
par Brigitte
Duzan, 11 septembre 2016
Dernier documentaire de
Wang Bing (王兵),
« Bitter Money » (《苦钱》)
concourait en avant-première à la 73ème
Biennale de Venise, dans la section Orizzonti. A
l’issue du festival, le 10 septembre, le jury lui a
décerné le prix du meilleur scénario.
« Bitter Money » est un documentaire dans la logique
du travail de Wang Bing jusqu’ici : sa caméra se
pose dans la vie de trois jeunes travailleurs
migrants du Yunnan venus non tant travailler que
gagner de l’argent dans une grande ville de la côte
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Wang Bing recevant à
Venise le prix du meilleur scénario Orizzonti |
est, quelle qu’elle soit, cela n’a pas d’importance, elle a
valeur emblématique. Fidèle à lui-même, Wang Bing filme les
tensions de leur quotidien, leurs déceptions plus que leurs
espoirs, leurs colères plus que leurs émotions.
Le sujet est un dérivé du précédent documentaire, « Les
trois sœurs » (《三姊妹》),
qui avait été couronné du prix du meilleur film dans la même
section Orizzonti de la Biennale de Venise en 2012. C’est en
tournant ce documentaire, dans les montagnes du Yunnan,
justement, que
Wang Bing avait rencontré
les trois protagonistes de « Bitter Money ».
Dans « Les trois sœurs », comme dans
« A
la folie » (《疯爱》)
qui l’avait directement suivi, et qui en était aussi un
dérivé, l’asile psychiatrique du documentaire étant
également au Yunnan, Wang Bing filmait l’enfermement :
enfermement des trois petites filles dans leurs montagnes,
loin de tout ; enfermement des malades mentaux, ou prétendus
tels, dans un asile qui tient aussi bien de la prison.
Re-fermement, finalement, de l’individu sur lui-même dans
une société où chacun semble vivre dans sa bulle, dans un
rêve en marge du réel.
Ta’ang |
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« Bitter Money » semble amorcer un nouveau thème :
celui de l’errance et de la migration. On retrouve
en filigrane un grand thème de la Chine classique :
l’errance (liúlàng
流浪)
et le vagabond (liúmáng
流氓)
comme traits fondamentaux de la société chinoise, et
symptômes de malaise, voire de crise.
Ce thème est repris dans le documentaire que Wang
Bing a réalisé parallèlement à « Bitter Money »,
« Ta’ang »
(《德昂》),
le hasard des tournages au Yunnan l’ayant
sensibilisé au sort des migrants birmans chassés de
chez eux par les conflits à la frontière chinoise,
avec le Yunnan justement. On est passé ici de la
migration économique, volontaire, de « Bitter
Money » à la migration forcée, de nature politique,
qui rejoint un vaste problème à l’échelle mondiale.
Présenté en première mondiale à la Berlinale en
février 2016, puis dans une série de festivals
internationaux, |
« Ta’ang »
(《德昂》)
va sortir le 26 octobre en France. Il est intéressant par
son aspect à la fois contingent et universel.
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