Mochinaga Tadahito est un célèbre réalisateur
japonais de films d’animation, légendaire pionnier
de l’animation de poupées en stop-motion, qui a joué
un rôle important aux débuts du cinéma d’animation
chinois.
Du Japon à la Mandchourie
Il est né à Tokyo en mars 1919, mais, peu après, son
père ayant trouvé un emploi à la compagnie de
chemins de fer sud-mandchourien, la famille déménage
en Mandchourie. C’est là qu’il passe son enfance.
Mochinaga chez lui à
78 ans
Débuts au Japon
A l’âge de dix ans, il est envoyé étudier à Tokyo où il voit
par hasard un dessin animé de Mickey, puis les « Water
Babies » de la série Silly Symphonies de 1935, un film en
technicolor dont les couleurs de l’étang aux lotus le
fascinent : c’est la naissance d’une vocation.
Water Babies – Silly Symphonies
Après le lycée, il fait trois ans d’études dans une école de
beaux-arts où il apprend les techniques de l’animation. En
1938, il épate tout le monde en réalisant un petit film
d’animation comme travail de fin d’études.
Le sous-marin de
Fuku-chan
Une fois diplômé, il commence tout de suite à
travailler dans ce secteur. En 1941, il construit
une caméra à quatre niveaux pour filmer le dessin
animé de 13’ « Ari-chan » (l’enfant fourmi). En
1942, il dessine les décors et les personnages du
film « Momotaro, l’Aigle de la mer» (sur l’attaque
de Pearl Harbour), et, en 1944, réalise son premier
dessin animé : « Le sous-marin de Fuku-chan », un
film patriotique
de 35’ qui met en scène un petit garçon héros d’une bande
dessinée très populaire à l’époque.
Développement de l’animation aux Studios du Nord-est
En juin 1945, sa maison ayant été détruite par un
bombardement, il revient en Mandchourie avec sa femme. A
Changchun, alors rebaptisée Xinjing (新京),
la nouvelle capitale, il est recruté par les studios du
Manchoukuo ou studios Manying (满洲映画协会,
“满映”)
[1]
pour collaborer avec une équipe chinoise à la réalisation de
la partie animation d’un documentaire. Mais, après la
capitulation du Japon le 15 août, les studios Manying sont
fermés, occupés par l’Armée de Libérationet rebaptisés
Studios du Nord-Est (东北电影制片厂).
Le personnel japonais repart au Japon, mais, s’entendant
bien avec ses collègues chinois, Mochinaga, lui, décide de
rester. Et quand, en 1946, Changchun est reprise par l’armée
du Guomingdang, et que les Studios du Nord-Est sont déplacés
vers Xingshan (兴山),
en zone contrôlée par les forces communistes, il les suit.
A la tête des Studios,
Yuan Muzhi (袁牧之)
et Chen Bo’er (陈波儿)
lui demandent de travailler avec eux sur un projet de film
d’animation qu’ils souhaitent projeter avec leurs films
d’actualités.
Leur première réalisation est un film de poupées en
stop-motion (木偶片)
de 26’ intitulé « Le rêve d’un empereur » (《皇帝梦》) ;
le scénario et la réalisation sont signés Chen
Bo’er, tandis que Mochinaga assure la direction
artistique et celle de l’animation. Le film met en
scène Chang Kai-shek en empereur d’opéra malade, et
son « docteur », Marshall, qui, malgré piqûres et
soins attentifs, ne parvient pas à guérir son
patient, dès lors condamné.
Le rêve d’un empereur
Attraper la tortue
dans la jarre
Leur second film est un dessin animé, « Attraper la
tortue dans la jarre » (《瓮中捉鳖》),
réalisé dans un style caricatural, ironisant sur les
faiblesses de Chang Kai-shek. Cette fois, la
réalisation est signée Fang Ming (方明),
le nom chinois de Mochinaga.
En 1947-48, les deux films sont projetés ensemble
dans les zones libérées par les communistes sous le
titre « Le Nord-est démocratique » (《民主东北》),
en même temps que les actualités filmées sur le
front. Ils sont reçus avec enthousiasme par un
public qui voit des films pour la première fois
[2].
En avril 1948, la Mandchourie ayant été reprise par
les forces communistes, les Studios du Nord-est se
réinstallent à Changchun, et, en juillet, y est
créée une section d’animation dont
Te Wei (特伟)
prend la direction et dont Mochinaga est un rouage
important.
De Changchun à Shanghai
Lorsque, en mars 1950, cette section d’animation est
envoyée à Shanghai pour être intégrée au Studio de
Shanghai afin de
Mochinaga travaillant
sur ses poupées à Changchun
créer les
Studios d’art de Shanghai (上海电影制片厂美术片),
Mochinaga les suit et ne rentrera au Japon qu’en avril 1953,
où il développera son propre studio d’animation.
Le petit chat va à la
pêche
Pendant ces trois années, il participe à la
réalisation de plusieurs des premiers dessins animés
de la Chine nouvelle, dont « Merci au petit
chat sauvage »/« Thank You Kitty » (《谢谢小花猫》)
en 1950, et « Le petit chat va à la pêche » (《小猫钓鱼》)
en 1952, tous deux, en noir et blanc, sur un
scénario de Jin Jin (金近)
adapté de l’un de ses contes
[3].
Merci au petit chat sauvage
Le petit chat va à la pêche
En 1985, Mochinaga sera invité par le Studio de Pékin à
venir donner des cours sur le dessin animé.
Il est décédé le 1er avril 1999.
[1]
Studios dans lesquels la compagnie
des chemins de fer du sud-mandchourien a une
participation de 50 %.
[2]
Selon Marie-Claire Quiquemelle – voir :
Trésor méconnus du cinéma
chinois d’animation, catalogue du
festival de films d’animation organisé par le CDCC
au Centre culturel de Chine, du 17 au 23 septembre
2014, p. 28.
[3]
Sur Jin Jin, auteur de contes pour enfants, voir :