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Ho Wei-ding
/ He Weiting
何蔚庭
Présentation
par Brigitte Duzan, 12 novembre 2014
Cinéaste taïwanais né et élevé en Malaisie et formé
aux Etats-Unis avant d’aller s’installer à Taipei,
Ho Wei-ding transcrit dans ses films les échos de
cette identité complexe.
Métisse culturel
Ho Wei-ding est né en 1971 en Malaisie, à Muar, dans
l’Etat de Johor. C’est là qu’il a passé son enfance
et fait ses premières études.
Ses parents tenaient une petite épicerie, mais son
père avait un talent de dessinateur. Bien qu’il ait
dû arrêter ses études à la fin du primaire, il
dessinait des manhua et en publiait dans les
journaux ; c’étaient des dessins satiriques connus
localement dans les années 1960, qui lui ont même
valu quelques mois de prison. |
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Ho Wei-ding |
Ho Wei-ding a une adolescence sans histoire, mais, passionné
de cinéma et fasciné par les grands cinéastes de la Nouvelle
vague taïwanaise, il part étudier à l’étranger en 1989 :
d’abord les beaux-arts au Canada, puis le cinéma aux
Etats-Unis, à la Tisch School of the Arts de l’université de
New York. En 1998, il réalise un court métrage de fin
d’étude, « Still », qui obtient un troisième prix au
festival étudiant de l’université.
Puis il part quelques années à Singapour où il noue des
relations avec la chaîne de télévision Discovery Channel,
avant d’aller s’installer à Taipei, en 2001.
Quand il arrive à Taiwan, il a l’impression d’être un
étranger, après tant d’années en Amérique du Nord, puis à
Singapour. Peu de temps plus tard, un voyage en Malaisie lui
montre qu’il est aussi bien devenu un étranger sur les lieux
de son enfance. Où qu’il aille, il a désormais le sentiment
d’être étranger.
C’est cette expérience qui le rend particulièrement sensible
aux problèmes rencontrés par les immigrants et aux mélanges
culturels dont ils sont porteurs. Transcrite dans ses films,
c’est ce qui en fait l’originalité et leur donne leur
tonalité propre.
Des courts aux longs métrages
A Taiwan, Ho Wei-ding a d’abord tourné des films
publicitaires, puis s’est fait connaître par un premier
court métrage en 2005 ; après deux documentaires, ensuite,
pour la télévision, il n’a réalisé son premier long métrage
qu’en 2010, mais c’est une réussite.
Courts métrages, scénarios et documentaires
En mai 2005, « Respire » (《呼吸》)
obtient le prix du meilleur court métrage à la Semaine de la
critique, au festival de Cannes, plus le prix Découverte
Kodak du meilleur court métrage. Il a ensuite décroché le
prix spécial du jury au festival de Taipei, et a fait une
brillante carrière de festival en festival. Ho Wei-ding
signe là un film dont il a soigné surtout le style.
Bande annonce
Puis, en 2006 et 2007, il réalise deux documentaires
destinés à la télévision : pour la chaîne Discovery, un
portrait de Liu Jinbiao (刘金标),
un héros de la guerre de Corée originaire du Fujian, mort au
combat en 1953 ; et un documentaire sur le projet de
numérisation des collections du Musée national du Palais de
Taipei.
Summer Afternoon |
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En mai 2008, son second court métrage, « Summer
Afternoon » (《夏午》),
sort à nouveau en première mondiale au festival de
Cannes, mais à la Quinzaine des réalisateurs, où il
est le seul court métrage asiatique sélectionné. Il
a ensuite été présenté aux festivals de Busan, de
Vancouver et de Rotterdam. En septembre 2008, il est
sorti en salles à Taipei, avec deux autres courts
métrages, et il est resté trois semaines à
l’affiche. |
Composé de cinq séquences d’environ trois minutes chacune,
« Summer Afternoon » est une brève évocation de l’univers
mental d’une jeune femme, plutôt qu’une histoire véritable.
Elle est la passagère d’une voiture avec deux hommes,
qu’elle tue à coups de pierre dans un réflexe d’autodéfense,
mais tout cela s’avère n’être que le fruit de son
imagination.
Ho Wei-ding est un excellent scénariste, et ce court métrage
en est un exemple. Il a d’ailleurs écrit des scénarios pour
des films et des pièces de théâtre. C’est ce talent de
scénariste qui a largement contribué au succès de son
premier long métrage
« Pinoy
Sunday » (《台北星期天》),
en 2010.
Longs métrages
2010
« Pinoy Sunday »
Le film décrit avec un humour décapant les
tribulations de deux immigrants philippins à Taipei
qui, ayant trouvé un jour un canapé oublié sur un
trottoir, tentent contre vents et marées de le
porter dans le dortoir où ils sont logés, et ce
avant le couvre-feu.
Les deux personnages ont des caractères bien campés,
et cette irrésistible bonne humeur qu’ont les
Philippins, tout particulièrement à l’étranger. Le
récit est parti de l’expérience personnelle de Ho
Wei-ding, et d’une observation du quartier autour de
l’église catholique Saint-Christopher, surnommé
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Pinoy Sunday |
« Les petites Philippines », dont l’atmosphère, surtout le
dimanche, est celle de Manille. « Pinoy
Sunday » est une leçon d’optimisme et de résilience.
Bande annonce (sous-titre anglais)
2012 « My Elder Brother in Taiwan »
My Eldest Brother in
Taiwan |
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Présenté au 15ème festival de cinéma de
Shanghai, en juin 2012, « My
Elder Brother in Taiwan » (《酒是故乡浓》)
est un film, tourné en numérique, qui part d’une
situation assez courante maintenant : la visite à
d’une femme qui a fait une carrière de médecin sur
le Continent et profite de l’occasion d’un congrès
médical à Taiwan pour revoir son frère, établi dans
le sud de l’île, à Kaohsiung, qu’elle n’a pas revu
depuis plusieurs dizaines d’années.
Son frère n’est qu’un modeste employé dans un petit
hôtel ; mais, pour ne pas perdre la face, et ne pas
la faire perdre à sa sœur, il demande une semaine de
congés, emprunte trois mois de salaires, et
entreprend de recevoir sa sœur avec les honneurs et
le décorum qui conviennent. Ce qui, bien sûr, ne
tarde pas à le mettre dans une situation intenable.
Il ne s’agit plus ici d’une comédie, comme « Pinoy
Sunday », |
mais d’un mélo doux-amer où l’on
retrouve une structure en cinq parties comme dans le court
métrage de 2008. Le récit est ici développé pour évoquer le
côté affectif des relations entre « les deux rives du
détroit », mais dans une tonalité beaucoup plus retenue,
beaucoup moins émotionnelle, que le film de
Wang Quan’an (王全安)
sur un sujet semblable sorti deux ans auparavant,
« Apart
Together » (《团圆》).
Bande annonce (sous-titre chinois)
2013 « The
biggest toad in the puddle»
Figurant dans la sélection du 17ème festival de
Shanghai, en juin 2013, le troisième long métrage de
Ho Wei-ding, « The
biggest toad in the puddle » (《水煮金蟾》),
est une satire de la société rurale chinoise
actuelle, et a été tourné dans le Hebei, en Chine
continentale.
Un brave villageois, Tian Sheng, est l’un des
ouvriers de la mine locale dont le propriétaire
vient de suspendre l’activité en leur devant trois
mois de salaires. Pour comble de malheur, le chef du
village annonce qu’il va falloir que les habitants
soient relogés pour faire place à une autoroute : de
nouveaux terrains sont tirés au sort, et Tian Sheng
hérite du pire. Mais,
alors que, aidé par un
maître de feng shui, il creuse dans l’espoir de
trouver de l’eau pour irriguer son nouveau terrain,
il tombe sur une source d’eau chaude.
Brusquement, il est l’objet de toutes les attentions
et toutes les convoitises des villageois, du
propriétaire de la mine à une
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The Biggest Toad in
the Puddle |
ancienne amie d’enfance de sa femme qui refait
soudain
surface. La vie devient impossible pour le pauvre Tian Sheng
qui réussit quand même, avec l’aide de son meilleur ami, à
négocier le paiement des arriérés de salaires avant de céder
son terrain pour retrouver le calme.
Le scénario est ici encore très bien mené, et, pour la
première fois dans l’œuvre de Ho Wei-ding, c’est une satire
sociale. Mais
une satire sans corruption ni abus de pouvoir : Ho Wei-ding
fait surtout une peinture de caractères très réaliste, où
l’argent est le facteur déterminant, non parce qu’il est
corrupteur, mais tout simplement parce qu’il en faut pour
financer tout projet d’investissement. Et si le malheureux
Tian Sheng est souvent le dindon de la farce, c’est parce
qu’il est lâche et timoré ; il ne doit finalement ses
malheurs qu’à lui-même. Le plus truculent de l’histoire
vient à la fin, là encore de façon réaliste, mais il serait
dommage de dévoiler le dénouement…
2015 « Our
Sister Mambo»
Our Sister Hedy |
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Le film est encore en post-production, mais il est
une totale surprise : c’est une comédie romantique
qui a été tournée à Singapour en août 2014, et c’est
la première production de la légendaire Cathay
depuis quinze ans. Le film ne marque cependant pas
la reprise de ses opérations : il a été produit pour
célébrer le 80ème anniversaire du début
de ses activités, en hommage aux films produits la
Cathay and Motion Pictures & General Investment à la
fin des années 1950 et au début des années 1960.
Signé Michael Chang, Le scénarioest inspiré de celui
du film produit en 1957 par la Cathay : « Our Sister
Hedy » (《四千金》),
réalisé par Tao Qin (陶秦).
Il raconte l’histoire d’une famille avec quatre
filles à marier, en empruntant des éléments à la
comédie hongkongaise de 1961 « The Greatest Civil
War on Earth » (《南北和》),
qui se moquait des rivalités et quiproquos entre
deux familles, l’une cantonaise l’autre venue du
continent, avec une histoire à la Roméo et Juliette
entre les enfants. |
« Our Sister Mambo » devrait sortir en 2015, mais Ho
Wei-ding prépare déjà le suivant…
Filmographie
Courts métrages
1998 Still
2005 Respire《呼吸》
2008 Summer Afternoon
《夏午》
2011 100
《100》
2012
When Yesterday Comes - I Wake Up In A Strange Bed
《昨日的记忆─我爱恰恰》
Documentaires pour la télévision
2006 Portrait taïwanais : Liu Jinbiao《台湾人物志:刘金标》
2007
The Museum Without Walls: National Palace Museum Digital
Archives Project
《无墙博物馆:数位典藏工程》
Longsmétrages
2010
Pinoy Sunday
《台北星期天》
2012 My Elder Brother in Taiwan
《酒是故乡浓》
2013 The Biggest Toad in the Puddle
《水煮金蟾》
2015 Our Sister Mambo en postproduction
2016 Lonely Together
《天涯知己》
en préparation (avec Kwai Lun-mei
桂纶镁)
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