par
Brigitte Duzan, 13 février 2015,
actualisé 16
février 2023
Li Ruijun
est un réalisateur atypique en Chine aujourd’hui :
il est soucieux avant tout de préserver le souvenir
de son coin de terre natal, en décrivant avec un
regard teinté de nostalgie le processus inexorable
de disparition d’une vieille culture condamnée par
la progression du désert, l’attrait de conditions de
vie plus faciles et la disparition des plus âgés,
processus aggravé par une politique de
développement local qui chasse les paysans de leurs
terres.
Li
Ruijun est né en 1983 à Gaotai, dans le Gansu (甘肃高台).
A l’âge de quatorze ans, il commence à étudier la
peinture et la musique.
En 2003,
il sort diplômé de l’Ecole de gestion de
l’Administration nationale de la radio, de la
télévision et du cinéma (国家广播电影电视总局).
Li Ruijun
2009 : Premier succès avec « The Old Donkey »
The Old Donkey
En 2006,
il crée son studio : le Li Ruijun Film Studio (李睿珺电影工作室).
Puis il réalise son premier long métrage, « Summer
Solstice » (《夏至》),
qui est sélectionné dans un certain nombre de
festivals internationaux, dont le second festival de
Pékin en 2007 et le festival de Rotterdam en 2008.
Mais il n’est pas totalement réussi.
Ce n’est
qu’avec son second film,
« The
Old Donkey » (《老驴头》),
que Li Ruijun se profile comme un réalisateur
original, avec un style et une thématique propres.
En 2009, le projet obtient du Fond Hubert Bals du
festival de Rotterdam un soutien au scénario et au
développement de projet, puis, en 2010, une aide à
la postproduction.
Le film
traite avec tristesse,et d’un ton critique, le
problème qui est celui abordé dans tous ses films
par Li Ruijun : celui de la disparition de tout un
monde d’anciennes coutumes et
traditions incapable de survivre aux vieilles gens
qui en sont les dépositaires.
En 2011,
son troisième projet, initialement intitulé “Where
ismy home”, fait partie de la sélection du 9ème
Hong Kong-Asia Film Financing Forum (HAF), et
obtient une aide au scénario et au développement de
projet. Adapté de la nouvelle de Su Tong (苏童)
« Dites-leur que je suis parti sur le dos de la grue
blanche » (《告诉他们我乘白鹤去了》),
il sort l’année suivante sous le titre international
« Fly
with the Crane »,
tout en conservant le titre chinois de la nouvelle.
2012 : adaptation
d’une nouvelle de Su Tong
C’est à
nouveau un regard critique sur la disparition d’une
vieille tradition, celle des fabricants de cercueil,
mais,bien plus, sur le traumatisme que constitue
pour beaucoup, et surtout pour les personnes âgées,
l’obligation de se faire incinérer, et de renoncer
aux pratiques rituelles liées à l’inhumation dans un
coin de terre ancestral. Le film est fidèle à la
nouvelle, tout en ajoutant une nuance documentaire
au début, qui situe le film dans l’actualité.
Il a été remarqué à la Biennale de Venise début septembre
2012.
En 2014,
après un court métrage qui
fait partie d’une série de neuf portraits d’enfants
intitulée « One Day » (《有一天》),
Li
Ruijun réalise un quatrième long métrage,
« River
Road » (《家在水草丰茂的地方》),
présenté d’abord au festival de Tokyo, en octobre,
puis en divers autres endroits, avant d’être
sélectionné par le festival de Berlin, et présenté
en février 2015 dans la
section Generation Kplus.
2014 : souvenir
d’enfance
« River
Road » est l’histoire de deux frères, filsd’un
pasteur nomade yugur, dans le corridor du
Hexi. Les pâturages sont en voie de désertification,
les nomades sont obligés d’aller de plus en plus
loin faire paître leurs bêtes ; les deux enfants
sont
Fly with the Crane
River Road
confiés à
leur grand-père et quand il meurt, ils partent avec leurs
chameaux à la recherche de leur père, qui est au chevet de
leur mère malade. Le film tourne au road movie, dans un
paysage dévasté, où l’eau est de plus en plus rare…
Le plus
jeune des deux frères est l’enfant qui jouait dans
« Fly
with the Crane »,
l’autre dans un court métrage antérieur. Li Ruijun nous
livre un souvenir d’enfance. Il n’en finit pas de nous
raconter son coin de terre, et une culture qui disparaît.
Ses films ont le cachet de l’authenticité.
2017 :
Walking Past the Future
En 2017, son long
métrage, « Walking
Past the Future » (《路过未来》),
est présenté dans la section « Un Certain Regard »
du festival de Cannes. Dans ce film, Yang Yaoting (杨耀婷)
est une jeune femme dont les parents reviennent dans
leur village natal, dans le Gansu, après avoir été
licenciés dans l’usine où ils travaillaient, à
Shenzhen. Mais la vie du village a complètement
changé depuis qu’ils l’ont quitté 25 ans auparavant,
si bien que Yaoting décide de revenir travailler à
Shenzhen pour aider ses parents. Elle décide de
participer à des tests médicaux qui se révèlent
désastreux.
Le film n’a pas été
particulièrement remarqué à Cannes. Il est sorti en
mai 2018 en Chine continentale, mais dans des
conditions confidentielles.
Après cette critique
du rêve fallacieux de la grande ville, pour son film
suivant,
« Return to Dust » (《隐入尘烟》),
Li Ruijun
Walking Past the
Future
est
revenu au Gansu et à ses sources plus habituelles, avec leur
aura de fables rurales.
2022 : Return to Dust
Return to Dust
« Return to Dust »
est sorti en première mondiale à la 72ème
édition de la Berlinale, en février 2022. Le film
est l’histoire poétique d’un couple que leurs
familles ont mariés pour s’en débarrasser car ils
étaient une charge pour elle, l’une étant légèrement
handicapée et l’autre célibataire et trop pauvre et
trop âgé pour pouvoir songer à se marier autrement.
Mais ce mariage se révèle être une aubaine pour eux
que le hasard réunit ainsi.
Les premières
critiques du film à Berlin ont souligné l’émotion
contenue qui se dégage du film, où l’on retrouve les
caractéristiques des premiers films du réalisateur.
C’est l’un de ses plus beaux, où l’on retrouve la
veine de celui de 2010, « The
Old Donkey » (《老驴头》),
âne inclus.