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Ma Zhandong
马占冬
Présentation
par Brigitte Duzan, 14 février 2016
Ma Zhandong est un réalisateur de documentaires que
l’on a rarement l’occasion de voir en France. Il
fait partie de ces documentaristes indépendants
chinois qui font un remarquable travail en marge du
système, sans pouvoir donc faire connaître leurs
œuvres comme elles le mériteraient.
Originaire du Sichuan, il est né en 1970 et vit à
Chengdu. Il a commencé à réaliser des documentaires
en 2001, mais il est aussi dessinateur graphique et
vidéaste. En 2006, il a créé le
Re-Image Studio
(“图·谋”工作室),
qui produit non seulement ses documentaires mais
aussi ses créations graphiques et vidéos d’art.
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Ma Zhandong |
Il a réalisé une dizaine de documentaires, longs et courts
métrages, qu’il tourne pour la plupart sur de longues
périodes, et qu’il finance grâce à ses autres productions.
Chacun de ses films est une étude sociologique, un tableau
de la vie d’un individu, d’une famille ou d’un groupe, et
une réflexion sur la réalité captée par sa caméra.
Il a expliqué que, pour lui, la force d’un documentaire se
mesure dans la durée, ce qui est une caractéristique, aussi,
d’autres grands documentaristes comme
Xu Xin (徐辛)
ou
Zhao Liang (赵亮).
L’opium

The Plaza |
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C’est ainsi que, en 2005, il est allé tourner en
Birmanie (Myanmar), dans l’Etat Wa (佤邦),
du nom de l’ethnie qui y est majoritaire ; c’est
officiellement une région spéciale de l’Etat Shan,
limitrophe de la Chine, mais elle est de facto
autonome, avec une longue histoire d’opposition à la
junte, et a pour anomalie supplémentaire d’avoir
pour langue officielle le chinois et d’utiliser le
renminbi comme monnaie d’échanges. En outre, l’Etat
Wa a longtemps vécu du trafic de l’opium. Or, en
2005, il a interdit la culture de l’opium et s’est
déclaré zone franche dans le « triangle d’or de
l’opium », la Birmanie restant le second producteur
mondial de la drogue. |
C’est ce sujet que Ma Zhandong a étudié et approfondi, en
revenant tourner sur place à plusieurs reprises entre 2005
et 2009 ; pour le titre, il est revenu à l’appellation
traditionnelle de l’opium en chinois, basée sur la
transcription de l’arabe : āfúróng (“阿芙蓉”).
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Du Haibin, Ma Zhandong
et Zhou Hao en 2009 |
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C’est un sujet un peu à part dans sa filmographie car il
s’attache surtout à dépeindre la réalité dans ses aspects
courants, et non dans ses aspects « étranges et
inhabituels » (‘稀奇古怪’的现实。).
Il souhaite que ses documentaires reflètent l’existence de
chacun, y compris la sienne, et y compris en revisitant
l’histoire récente.
La troisième ligne
Ainsi, en 2007, il a parcouru des milliers de
kilomètres, de Lanzhou au Jilin et au Guizhou en
passant par Chongqing pour réaliser un documentaire
sur les usines de la « troisième ligne » (“三线工厂”),
le documentaire s’appelant tout simplement « La 3ème
ligne » (《三线》).
Il s’agit du vaste mouvement de délocalisation
industrielle vers l’intérieur, commencé en 1964 et
connu comme « le 3ème front » (三线建设).
C’est un programme hâtivement mis sur pied par le
gouvernement chinois au moment de la rupture avec
l’Union soviétique et dans le contexte de l’escalade
du conflit au Vietnam ; il devait mettre des usines
stratégiques à l’abri d’une invasion. Obsolètes et
inefficaces, elles ont été abandonnées après la mort
de Mao, mais beaucoup des gens qui y étaient partis
travailler ont été « oubliés » et y sont restés,
transformant en drame humain une erreur stratégique
et économique. C’est le contexte de plusieurs films
de
Wang Xiaoshuai (王小帅),
dont le dernier,
Red Amnesia (《闯入者》).
Outre le documentaire « La 3ème ligne »,
Ma Zhandong a également réalisé un documentaire plus
court sur un sujet très proche de celui de Wang
Xiaoshuai, mais traité de façon documentaire : « Lao
Zhao » (ou Haishiwan《海石湾》)
qui est aussi partiellement sa propre histoire.
Haishiwan est une localité du Gansu, entre Lanzhou
et Xining, qui a fait partie de la 3ème
ligne. Son documentaire fait le portrait d’un jeune
échoué là avec sa mère, et qui rêve de s’en évader.
C’est l’un des derniers documentaires de Ma
Zhandong, primé au Festival du cinéma indépendant
chinois en 2015.
Le tremblement de terre de 2008
Originaire du Sichuan, Ma Zhandong ne pouvait pas
rester insensible aux conséquences pour la
population locale du |
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Lao Zhao (Haishiwan)

One Day in May |
terrible tremblement de terre de Wenchuan, en mai
2008. C’est le sujet de son documentaire sorti en 2011 : « One
Day in May » (《五月一天》),
tourné entre 2008 et 2010.

Ma Zhandong présentant
« One Day in May »
au festival de Hong
Kong enjuillet 2011 |
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C’est un film de 2 heures et demie, qui reprend le
sujet d’une autre manière que le
« 1428 »
de
Du Haibin (杜海滨).
Du Haibin a filmé pendant un mois, très peu de temps
après la catastrophe, Ma Zhandong a tourné pendant
près de trois ans pour en montrer les effets à plus
long terme, sur une famille qui y avait perdu un
enfant.
Le film a décroché le premier prix au Festival du
documentaire de Hong Kong en 2011, devant « The
Transition Period » (《书记》)
de
Zhou
Hao (周浩),
autre réalisateur de la même veine documentaire. |
La disparition de l’environnement familier
Entre 2007 et 2011, Ma Zhandong a aussi tourné un
documentaire sur une femme de Chongqing, « Chen
Niangniang » (《陈嬢嬢》) ;
c’était à la fois son premier sujet féminin et un sujet
urbain.
Plus récemment, il a également axé sa réflexion sur
l’environnement, et la disparition des paysages
familiers sous l’effet de la croissance économique.
C’est le cas, par exemple, en 2013, de son court
métrage « River.Town » (《江·城》)
qui, en dix minutes, propose une sorte de méditation
sur la rapidité des changements et le désarroi que
cela entraîne, méditation désabusée : on ne croit
dans un avenir meilleur que parce qu’on ne peut pas
faire autrement, dit-il. Réaliste, Ma Zhandong,
envers et contre tout. |
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River.Town |
Mais capable, aussi, de s’attacher aux pas d’un musicien
d’ethnie yi, dans la préfecture autonome de Liangshan (凉山彝族自治州),
au sud du Sichuan,et d’en faire un documentaire : « A Pei »
(《阿培》).
Un documentaire encore plus rare que les autres…
Principaux documentaires
(année de production et/ou période de réalisation)
2003 Chengdu
《成都》30’
[Produit au Canada]
Tourné en 2005\2006 \2007\2009 : Opium
《阿芙蓉》
120’
Tourné en 2006-2011 : The Plazas
《广场》
28’
2007 La 3ème ligne
《三线》
120’
Tourné en 2007-2009/2011 : Chen Niangniang
《陈嬢嬢》
120’
2011
One Day in May
《五月一天》
155’
2012 In the Park (Renmin.Gongyuan)
《人民•公园》 10’
2013 River.Town
《江·城》
10’
2015 Lao Zhao (Haishiwan)
《海石湾》
52’
2015 A Pei
《阿培》
90’
Terme qui a donné par simplification d’abord
apian
(阿片),
et finalement yapian
(鸦片).
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