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Mei Feng
梅峰
Né en 1968
Présentation
par Brigitte Duzan, 16 avril 2017
Connu comme scénariste, et scénariste de
Lou Ye (娄烨)
tout particulièrement, Mei Feng est aussi un
remarquable chercheur et théoricien du cinéma,
professeur (assistant) à l’Institut du cinéma de
Pékin. Avec son premier film,
« Mr. No Problem » (《不成问题的问题》),
adapté d’une nouvelle de Lao She, il s’affirme en
outre comme un excellent metteur en scène.
De la littérature au cinéma
Formation littéraire
Né à Huzhou (湖州),
dans le nord du Zhejiang, en 1968, Mei Feng a étudié
la littérature chinoise à l’Institut des relations
internationales de Pékin (北京国际关系学院)
de 1986 à 1990 ; puis, en 1995, il a poursuivi ses
études à l’Institut du cinéma |
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Mei Feng |
de Pékin, dans le département de littérature, et il en est
sorti en 1998.
Enseignant et chercheur
Depuis août 1998, il enseigne dans ce même département de
littérature de
l’Institut du
cinéma de Pékin, avec une année sabbatique en 2003-04, pour
une année de perfectionnement en France, à l’université
Paris 8
.
Ses cours touchent des domaines très diversifiés qui
montrent l’étendue de ses recherches : « Histoire du cinéma
étranger » (《外国电影史》),
« Recherches sur le cinéma américain » (《美国电影研究》),
« L’analyse de film » (《影片分析》),
« Recherche sur les scénarios classiques » (《古典剧作研究》),
« La création dans le domaine du film documentaire » (《纪录片电影创作》).
Le cinéma mondial dans
une optique orientale |
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Il a publié de nombreux articles sur l’art
cinématographique dans diverses publications
spécialisées dont le « Journal d’étude de l’Institut
du cinéma de Pékin » (《北京电影学院学报》),
et les revues « Cinéma mondial » (《世界电影》)
et « Cinéma contemporain » (《当代电影》).
Il a également publié de nombreuses
traductions d’articles sur le cinéma : celui d’Abbas
Kiarostami et le cinéma anglais, ou encore un
article sur « La force de l’attraction à travers
« Le Journal d’un curé de campagne » de Bresson et
« La passion de Jeanne d’Arc » de Dreyer » (《抽象的力量——关于〈乡村牧师日记〉和〈圣女贞德的受难〉》)
– article publié dans le numéro de janvier 2001
de « Cinéma contemporain ». On retrouve là le désir
comme thème de recherche, qui était déjà le thème de
sa thèse de fin d’étude (l’expression du désir dans
les regards furtifs des films de Hollywood).
Avec l’historien et théoricien du cinéma Zhong
Dafeng |
(钟大丰),
il a coédité l’ouvrage d’analyse « Le cinéma mondial dans
une optique orientale » (《东方视野中的世界电影》),
publié en mars 2002.
De la recherche à l’écriture…
C’est Lou Ye qui
lui a permis de débuter au cinéma en tant que scénariste
.
En raison de ses cours et de son travail de recherche, il a
peu l’occasion de rencontrer des réalisateurs.
Scénariste de Lou Ye
Mei Feng connaît en fait Lou Ye depuis 1997, mais c’est en
2001 que Lou Ye lui a proposé de collaborer avec lui. Il
s’agissait de travailler sur le scénario de « Summer
Palace » (《颐和园》),
ou en français « Une jeunesse chinoise ». Lou Ye lui a donné
un bref synopsis de l’histoire qu’il voulait tourner. Mei
Feng a ensuite passé un an à écrire le scénario.
Il l’a terminé fin 2002/début 2003, c’est-à-dire avant le
tournage de « Purple Butterfly » (《紫蝴蝶》).
Mais Lou Ye a tenu à tourner d’abord ce film parce qu’il y
pensait depuis dix ans. Donc Mei Feng a également participé
à l’élaboration du scénario de « Purple Butterfly », comme
consultant. Le film est sorti en 2003.
Ensuite, après
« Une jeunesse chinoise »
,
Lou Ye n’avait pas d’idées très précises. Il a pensé d’abord
adapter une nouvelle de Lilian Lee (Li Bihua
李碧华),
« Fleurs de pêchers » (《桃花》)
,
qui traite d’un thème homosexuel. Pour des problèmes de
droits et autres, l’idée a été abandonnée, mais l’idée d’une
histoire sur le même thème a été conservée.
Mei Feng a mis un an, de 2005 à 2006, à écrire le
scénario, inspiré par une nouvelle de Yu Dafu (郁达夫)
non pour la narration mais pour l’atmosphère, en
reprenant pour le personnage principal l’idée de
l’intellectuel de la nouvelle qui n’arrive pas à
vivre de ses articles et traductions ; à partir de
là, Mei Feng a inventé une histoire de triangle
amoureux comportant une liaison homosexuelle,
transposant à l’époque actuelle les revendications
de libération sexuelle revendiquée à son époque par
Yu Dafu. Il y a donc un jeu de miroir entre le
scénario et l’auteur.
Le film –
« Nuits
d’ivresse printanière » (《春风沉醉的晚上》)
– est sorti au festival de Cannes en mai 2009, et
Mei Feng a obtenu le prix du scénario. Il a
manifesté sa surprise en disant que c’était « assez
inattendu » (“比较意外”).
Autres scénarios |
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Nuits d’ivresse
printanière,
prix du scénario au
festival de Cannes |
Assez inattendu,
dit-il |
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Avant de travailler pour Lou Ye, il avait lu de
nombreux scénarios de films étrangers, ceux de
Kurosawa, Antonioni, Bergman en particulier, et il
en avait fait le sujet d’un de ses cours. Mais il
n’avait pas d’idées très précises sur la rédaction
d’un scénario dans la pratique. C’est grâce à Lou Ye
qu’il a pumettre le pied à l’étrier et il s’est
lancé dans l’expérience avec enthousiasme.
Il a encore été coscénariste avec Lou Ye de
« Mystery » (《浮城谜事》),
sorti en |
2012, mais il a aussi travaillé avec d’autres réalisateurs à
partir de 2010.
Il a ainsi été le scénariste de « Legend of the Daming
Palace » (《大明宫传奇》)
de Jin Tiemu (金铁木),
sorti en 2010, et de « Sleep in the Wind » (《无脚鸟》)
de Liu Zhaodong (刘兆东),
sorti en 2013, film dont il a également été le directeur
artistique. Enfin, il a été coscénariste de « Youth Dinner »
(《六人晚餐》)
de Li Yuan (李远)
dont la sortie est prévue en mai 2017.
Mais, dans l’intervalle, il est lui-même passé derrière la
caméra, pour réaliser son premier film, sur son propre
scénario. Une réussite.
… et à la réalisation
Ce film, c’est
« Mr.
No Problem » (《不成问题的问题》),
un film en noir et blanc, primé au festival de Tokyo
en octobre 2016 (prix de la meilleure contribution
artistique) et au 53ème festival du
Golden Horse : prix d’interprétation et meilleure
adaptation d’une œuvre littéraire.
Car le scénario, superbement construit, en trois
parties, est à nouveau adapté d’une nouvelle - la
formation littéraire de Mei Feng sous-tend son
travail de scénariste. En l’occurrence, il s’agit
d’une nouvelle peu connue de Lao She (老舍),
publiée à Chongqing en janvier 1943, pendant la
guerre contre le Japon, à un moment où, replié dans
l’intérieur, Lao She écrivait surtout des pièces de
théâtre et essais pour soutenir les activités de
propagande anti-japonaise
.
La nouvelle est donc bien sûr à lire entre les
lignes, et doublement car l’humour s’adresse aussi
bien à la situation actuelle, ce qui rend le film
d’autant plus subtil. |
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Mr. No Problem |
Le film est en outre une réussite stylistique, le noir et
blanc, renforcé par une caméra pratiquement immobile, étant
là pour rendre l’atmosphère de l’époque et le style des
anciens films des années de guerre. C’est aussi une réussite
de mise en scène et d’interprétation, et tout
particulièrement celle de
Fan Wei
(范伟)
dans le rôle principal.
« Mr. No Problem »
est l’un des meilleurs exemples récents de que l’on peut
faire de plus subtil en Chine dans la longue tradition de
l’adaptation littéraire.
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