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Wang Yichun
王一淳
Présentation
par Brigitte Duzan, 31 mai 2021
Née en 1977 dans le Henan, Wang Yichun (王一淳)
a un parcours inhabituel pour une jeune
réalisatrice. Après avoir obtenu un diplôme de
français de l’Institut des langues étrangères de
Dalian (大连外国语大学法语专业),
elle a travaillé dans la publicité, le design et le
journalisme. Elle n’a jamais fait d’études de
cinéma. Si elle a réalisé son premier film, c’est
poussée par le désir de raconter des histoires qui
lui tenaient à cœur, le cinéma lui apparaissant
comme la meilleure manière de le faire. Son histoire
est comme un conte de fées, avec quelques parrains
bienveillants sur le berceau, à commencer par le
producteur exécutif de son premier film,
Tang Danian (唐大年).
2015 : Premier film
Ce premier film –
« What’s
in the Darkness » (《黑处有什么》) |
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Wang Yiqun |
– a été sélectionné en juillet 2015 au 9ème
festival FIRST de Xining
où il a décroché le prix du meilleur réalisateur, en
l’occurrence la meilleure réalisatrice, avec le soutien de
Jiang Wen (姜文)
qui était président du jury et autre fée sur le berceau ;
puis le film est sorti sur les écrans en Chine en octobre
2016. Il a impressionné les critiques et les spectateurs
dans les autres festivals où il est passé, de la Berlinale (
section Generation ) au festival du film asiatique de New
York en passant par celui de Shanghai.
Dix ans de travail
What’s in the Darkness |
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Elle l’a initialement conçu en mémoire de son père
qui est décédé en 2002. À ce moment-là, elle a
commencé à écrire un roman, puis a réalisé que ce
serait trop long, et qu’elle ne le finirait jamais.
Il lui est alors apparu clairement que la meilleure
manière de raconter son histoire serait d’en faire
un film. Elle a alors entrepris de l’adapter en
scénario. Mais elle n’a pas trouvé de financement ;
finalement elle l’a donc financé elle-même, avec ses
économies, au total trois millions de yuans (un peu
moins de 400 000 euros). Tout le monde autour d’elle
a cru qu’elle avait perdu la tête. Le problème est
que, après le tournage, elle n’avait plus d’argent
pour la post-production. Il lui a fallu encore un an
avant de pouvoir sortir le film. Le succès à Xining
lui a changé la vie.
L’écriture du scénario a donc duré dix ans. C’est un
témoignage personnel sur la vie en Chine au début
des années 1990. Pendant ce temps-là, elle s’est
mariée, a eu un enfant |
et a donc dû interrompre son travail. Or, beaucoup de choses
ont changé pendant ces dix ans. Il y a même eu des meurtres
célèbres, au début des années 1990.Mais beaucoup de gens ont
tendance à idéaliser cette période et à trouver que tout
était mieux alors. Aussi a-t-elle voulu montrer que le monde
était bien aussi laid et aussi dangereux qu’il l’est
maintenant. Les gens étaient tout autant victimes
d’injustices, de torts et de préjudices, mais sans avoir de
moyens de le faire savoir.
Une histoire personnelle
Le personnage principal du film est une collégienne de
quatorze ans, Qu Jing (曲靖). Le thème principal est l’éveil
de la sexualité chez une pré-adolescente. L’un des autres
thèmes du film concerne la relation entre le père et sa
fille, qui est autobiographique. Le film montre l’éveil
d’une jeune pré-ado dans un environnement fermé comme était
celui des usines d’Etat dans la Chine du début des années
1990. Wang Yiqun a voulu souligner combien les relations
père-fille étaient alors tendues et dépourvues de toute
tendresse, contrairement à aujourd’hui. Le père de l’actrice
qui interprète le rôle de Qu Jing, par exemple, entoure sa
fille d’affection et la soutient dans sa carrière.
Le scénario mêle la peinture d’une petite ville avec son
usine d’Etat au début des années 1990, et une intrigue
inspirée de crimes commis à l’époque – il y en a eu
quelques-uns en effet, qui sont devenus célèbres. Dans le
film, il s’agit de viols en série suivi de meurtres commis
dans la zone de l’usine aéronautique locale. En ce sens, « What’s
in the Darkness » a été comparé au film coréen sorti en 2003
« Memories of Murder » de Bong Joon-ho, histoire vraie des
premiers meurtres en série de l’histoire de la Corée qui ont
eu lieu entre 1986 et 1991. Mais, si les histoires se
ressemblent, le film de Wang Yiqun est construit autour de
thèmes qui lui sont propres.
Le titre chinois fait référence aux « zones obscures » (黑处)
que l‘on voit dans le film : anciens abris anti-aériens,
endroits sauvages couverts de roseaux, autant de lieux où
pouvoir tuer et abandonner un corps. Mais le terme de « zone
obscure » est aussi une métaphore pour désigner le monde des
adultes vu à travers le regard d’une enfant : obscurité
faite de silence, d’ignorance et d’indifférence, mais aussi
de désirs tapis dans l’ombre.
Si le film est sombre, il comporte des séquences pleines
d’humour, pour alléger un peu l’atmosphère, mais aussi pour
faire ressortir, par contraste, combien ce monde était
cruel. La maîtrise avec laquelle le film est mené a surpris
pour un premier film, réalisé par une jeune femme n’ayant
aucune formation cinématographique : un talent pur.
Une excellente actrice
Les interprètes sont tous bons, mais le succès du film
repose tout particulièrement sur le jeu de l’actrice
principale, Su Xiaotong (苏晓彤).
Son choix fait partie du soin mis dans la recherche du ton
juste, jusque dans les moindres détails.
What’s in the Darkness, trailer :https://movie.douban.com/trailer/205449/#content
2019 : Deuxième film en préparation
Pour son deuxième film, elle avait deux idées de scénario :
d’une part filmer la préquelle du premier, en remontant à
l’année 1983 quand Qu Jing avait sept ans, l’autre scénario
étant est l’histoire d’un kidnapping d’enfant par une
nounou, ce qui arrive régulièrement en Chine.
Finalement c’est le second qu’elle a choisi. « Le kidnapping
de Mao Huhu » (《绑架毛乎乎》)
a été sélectionné au forum d’investissement du 22ème
festival de Shanghai et voté meilleur projet.
Filmographie
2015 :
What’s in the Darkness 《黑处有什么》
Le kidnapping de Mao Huhu 《绑架毛乎乎》
(en
préparation)
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