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« Youth » de Feng Xiaogang : regard nostalgique sur la fin des années 1970

par Brigitte Duzan, 7 juin 2019, actualisé 13 novembre 2022

 

« Youth » (Fānghuá《芳华》) [1] est un film de Feng Xiaogang (冯小刚) sorti en 2017 dont on a relativement peu entendu parler. Il a pourtant eu du succès en Chine quand il y est finalement sorti - finalement car il devait sortir pour la Fête nationale, début octobre 2017, mais, après des avant-premières à Pékin et dans quelques autres grandes villes de Chine, le film a soudain été retiré de l’affiche. Il n’a eu une première internationale que le 28 octobre, au festival de Toronto. En fait, le film ne présentait pas l’image du Parti et du pays que souhaitait le pouvoir au moment de la réunion du 19ème Congrès du Parti qui s’est ouverte le 18 octobre et a duré une semaine, jusqu’au 24 octobre ; or ce 19ème Congrès était important car il devait renouveler le mandat du président Xi Jinping pour un nouveau quinquennat.

 

Finalement, le film est sorti pour les fêtes de fin d’année, le vendredi 15 décembre, et il a tout de suite rencontré un succès inattendu,

 

Youth

attirant des spectateurs d’une classe d’âge que l’on ne voit guère plus dans les salles de cinéma en Chine : celle de l’âge du réalisateur et de sa scénariste, nés tous deux en 1958, c’est-à-dire les sexagénaires, qui ont les mêmes souvenirs de jeunesse qu’eux et les ont retrouvés avec émotion et nostalgie dans le film.  

 

Le scénario : narration par un tiers

 

La scénariste est l’écrivaine Yan Geling (严歌苓) [2], et son scénario est adapté de son roman « Fanghua » (《芳华》) publié en avril 2017, roman partiellement autobiographique qui était initialement intitulé « Tu m’as touchée » (《你触摸了我》). Le scénario conte l’histoire d’un groupe de jeunes du milieu des années 1970 au début des années 1980, sur fond de guerre sino-vietnamienne et de politique de réforme, avec trois flashforwards en 1995, 2005 et 2016 pour montrer ce qu’ils sont devenus.
 

Yan Geling présentant son scénario « entre réalité et fiction »

 

Ces jeunes font partie d’une troupe de chants et de danse de l’armée et ont tous des personnalités bien marquées. Le scénario s’attache tout particulièrement à deux d’entre eux. L’une, He Xiaoping (何小萍), est une nouvelle recrue dans la troupe, qui arrive au début du film ; elle vient de Pékin, n’a pas de bonnes origines de classe ni de bonnes « racines rouges » car son père a été condamné

comme « droitier » et envoyé en camp. Malgré tous ses efforts, et son talent, elle est constamment la cible d’attaques et de critiques, parfois humiliantes, et n’arrive pas à s’intégrer totalement dans la troupe. L’autre, Liu Feng (刘峰), est un « soldat modèle », que des problèmes de dos (sans doute à la suite d’un accident de danse) ont relégué dans un statut marginal de technicien de plateau, et réparateur providentiel ; c’est le seul qui vienne en aide à Xiaoping, comme il le fait pour tout le monde, et la soutienne dans un groupe où, sous la camaraderie, percent les jalousies et les amours frustrées.  

 

L’une des subtilités du film est qu’il est conté, comme le roman, par une narratrice double de l’auteure/scénariste, Xiao Suizi (萧穗子), qui commence son récit en voice-over en soulignant qu’elle n’est pas elle-même le sujet de l’histoire qui suit. Sa narration tend à être la plus objective possible, au point qu’on en oublie que l’histoire est contée du point de vue d’un tiers. Mais c’est aussi une manière détournée de susciter l’empathie avec le sort des personnages tel qu’il nous est dépeint, et surtout Xiaoping et Liu Feng.
 

Celui-ci nous est dépeint dans une scène cruciale déclarant timidement son amour à une autre danseuse, Lin Dingding (林丁丁), qui reçoit froidement ses avances ; de frustration, il la prend violemment dans ses bras. Il est alors surpris, et dénoncé par Dingding, ce qui aura des conséquences dramatiques sur le reste de son existence car, à l’époque, on ne plaisantait pas avec ce genre de comportement. Liu Feng est envoyé sur le front de la guerre sino-vietnamienne [3] où il va devenir un héros. Xiaoping n’aura pas un sort plus enviable, étant exclue de la troupe pour des raisons de santé et envoyée comme infirmière sur le front. Ce sont deux héros à l’existence brisée qui panseront leurs plaies à la fin du film alors que le développement économique aura transformé la Chine, et les anciens danseurs de la troupe.

 

Le film : entre comédie musicale et mélodrame

 

Le film part tout de suite sur un rythme soutenu donné par la musique du spectacle que répète la troupe. Il se déroule ensuite comme un mélo assez classique, où le sort de chacun est de l’ordre de la fatalité, et où l’on attend l’issue heureuse après bien des déconvenues.

 

Le film progresse au gré de quelques dates données noir sur blanc en intertitres : 1976, année de la mort de Mao, qui entraîne la suppression des

 

Fanghua, nos vertes années

spectacles de la troupe pendant deux semaines, puis la guerre sino-vietnamienne, parallèlement à la politique de réforme et d’ouverture qui entraîne un changement dans les mentalités traduit entre autres par des audaces vestimentaires, mais se termine par la dissolution de la troupe : elle a rempli sa mission, dit-on à la directrice qui ne comprend pas la décision. La Chine n’est plus en guerre, ou du moins ce n’est plus la même : la guerre se livre maintenant sur le front économique. 

 

Feng Xiaogang avec ses actrices

 

Ce sont autant de périodes délicates, comme des soubresauts dans l’histoire chinoise après la mort de Mao, qui ne sont pas traitées pour elles-mêmes, mais pour les conséquences que les événements ont eues sur les destins personnels, le tout donnant l’impression d’une machine froide broyant les individus les plus faibles et les plus sensibles.

 

On est donc entre comédie musicale et mélodrame classique, mais tout se joue dans l’entre-deux, où affleure le propos satirique du réalisateur, comme dans tous ses films :

« Youth » est plein de subtilités mais aussi de ruptures, comme des trous mal colmatés qui témoignent d’un parcours mouvementé. 

 

Des subtilités dans le propos directeur du film

 

On sent bien que le réalisateur a dû composer avec la censure et qu’il joue un peu au jeu du chat et de la souris. La satire affleure dans des images plus ou moins directes, comme dans certaines publicités. C’est d’ailleurs une publicité détournée qui, outre les changements vestimentaires, suggère l’ambiance du début des années 1980, après le lancement par Deng Xiaoping, en décembre 1978, du mouvement de réforme et d’ouverture (改革开放) : l’image d’un panneau publicitaire sur fond rouge,

 

Images des jours heureux

montrant une publicité pour Coca Cola là où autrefois se déployait la propagande pour le Parti, voire l’image de Mao. Publicité, propagande, même mot pour un même principe, finalement. La guerre a changé de front, mais continue.

 

Ballet révolutionnaire

 

Ce qui est très subtil, c’est l’évocation de la fin des années 1970 à travers deux événements concomitants que l’on mentionne rarement ensemble. La politique de réforme a en effet été lancée peu de temps avant que Deng Xiaoping, en visite aux Etats-Unis, annonce l’intention de la Chine d’intervenir au Vietnam, pour défendre ses protégés khmers rouges – rappelant en liminaire l’atmosphère de guerre froide de l’époque, avec mobilisation de troupes à la frontière sino-soviétique, l’URSS soutenant

le Vietnam [4]. L’incursion chinoise au Vietnam ne durera que quelques semaines, mais elle est inséparable de l’atmosphère de mobilisation qui intervient en même temps pour le développement économique, le nationalisme venant soutenir l’économie – recours au nationalisme dans les périodes difficiles qui est une constante dans l’histoire chinoise.

 

Un film à trous

  

Feng Xiaogang est un cinéaste qui tient du stratège pour contourner la censure et réussir à faire passer ses messages malgré les contrôles. Malgré tout, il cumulait les sujets délicats dans ce film : fin de la Révolution culturelle, guerre sino-vietnamienne, politique de réforme. Il a même ajouté des petites attaques bien ciblées : celle par exemple contre les sbires d’un lianfangdui, dont on voit certains, dans une scène de la fin du film, malmener l’ancien combattant handicapé qu’est Liu Feng parce qu’il a refusé de leur payer ce qu’ils demandaient.

 

Dingding et Liu Feng

 

Il s’agit d’équipes de civils chargés de la sécurité publique – les zhi’an lianfang dui (治安联防队) ou équipes de prévention des délits - qui avaient été organisées à partir de 1988 au niveau des conseils de villages ou des comités de quartiers dans les villes pour assister la police. Très controversées car devenues des sortes de mafias extorquant des amendes exorbitantes pour des délits mineurs, comme jeter des papiers dans les espaces publics, elles avaient déjà pratiquement disparu quand le film a été tourné. C’est une satire subtile car, en suscitant l’indignation envers ces profiteurs corrompus, c’est indirectement contre la corruption généralisée que le réalisateur se dresse.

 

Il n’en reste pas moins qu’il a quand même été rattrapé par la censure : d’une part, il n’a pas pu sortir son film au moment de la Fête nationale, début octobre, comme initialement prévu, mais le film tel qu’il est sorti en Chine en décembre 2017 a une douzaine de minutes de moins que la version projetée au festival de Toronto le 28 octobre. Il a des ellipses qui témoignent des coupes effectuées pour que le film puisse sortir sur les écrans chinois, comme des cicatrices sur le corps d’un ancien combattant.

 

Mao hier

 

Des souvenirs partagés par toute une génération

 

« Youth » a une tendance parfois excessive à l’attendrissement, qui tient en partie à la distance et à la différence de nature qu’il y a entre l’image et l’écrit : une scène dramatique (comme celle qui montre Xiaoping écrivant en pleurant une lettre à son père) n’a pas le même effet quand elle est subtilement écrite et quand elle est montrée, en plus en gros plan sur les larmes. On ne peut cependant pas exclure un geste conscient de Feng Xiaogang envers son public chinois, habitué de ce genre de scène au cinéma où elles représentent presque des morceaux de bravoure imposés.

 

Et maintenant Coca Cola

 

Ce qui rend le film attachant, au-delà de ses imperfections, c’est la couleur nostalgique du souvenir dont il est empreint, qui reflète les souvenirs personnels du réalisateur et de l’écrivaine, comme ceux de leur génération.

 

Tous deux sont nés en 1958, et ont fait partie d’une troupe de chant et de danse de l’armée, comme dans le film.

Feng Xiaogang dessinait et concevait des décors pour les spectacles. Dans son autobiographie publiée en 2010, « Je te dédie ma jeunesse » (《我把青春献给你》), il dit avoir voulu depuis très longtemps faire un film sur la véritable obsession qu’il avait eue pour une danseuse, à l’époque.  

 

Quant à Yan Geling, après la liquidation de la troupe, elle est devenue journaliste : elle a d’abord été envoyée comme reporter au Tibet, puis sur le front de la guerre sino-vietnamienne ; cette partie du film correspond donc à son expérience personnelle. Mais le film diffère de son roman, et une rapide comparaison entre les deux permet de mieux comprendre « Youth »

 

Du roman au film

 

Différence de ton

 

Cette différence se lit dès les titres :

 

- Fanghua (《芳华》) a la tonalité d’un poème ; c’est la tonalité du souvenir sublimé par la mémoire et le passage du temps. Comme le dit la voix-off à la fin du film, on ne va pas vous montrer nos héros vieillis, on préfère les garder jeunes et beaux comme dans nos souvenirs. Fanghua est un terme un peu désuet, qui évoque la couleur sépia des vieux albums de photos.

 

- Le titre du roman - « Tu m’a touchée » (《你触摸了我》) – est plus

 

Liu Feng et Xiaoping, paix retrouvée

réaliste, plus proche de la vie des jeunes ados de l’époque, amours refoulées, amitiés et trahisons, blessures et repentirs. C’est l’évocation des sentiments troubles de collégiens dans un environnement répressif où le moindre geste peut vous envoyer au pilori. Plus réaliste, il est en même temps plus dramatique.  

 

Différence de traitement des personnages

 

Les deux personnages de Xiaoping et de Liu Feng sont traités dans le film comme des modèles-types, surtout le second. Liu Feng est même comparé à son quasi homonyme Lei Feng (雷锋), le jeune héros soldat de la légende dorée maoïste – il est tellement noble et désintéressé, Liu Feng, qu’aucune fille ne songerait à tomber amoureuse de lui, et le faire descendre de son piédestal, Xiaoping moins que toute autre.

 

Des images diffractées par le souvenir

 

Lin Dingding est également quelque peu caricaturale dans le film, alors que le personnage est plus nuancé dans le roman. Et rien dans le film ne laisse entrevoir l’amour fou de Liu Feng pour elle, qui n’est donné à comprendre que par sa beauté et qui éclate soudain comme un orage en plein été. Lin Dingding semble en fait capricieuse et superficielle, ce que semble accentuer encore son désir de partir à l’étranger quand la troupe est liquidée.

 

Mais c’est Xiaoping sans doute qui manque de la profondeur qu’a le personnage dans le roman. Le film en fait un autre exemple-type : la jeune ado que la condamnation de son père comme droitier a laissée seule, sa mère s’étant remariée, et qui peine à trouver une place dans un monde où elle se sent terriblement seule. Dans le roman, Yan Geling décrit longuement son enfance, son père fin lettré, sa mère, une chanteuse, se remariant avec un officier un peu fruste, et Xiaoping privée de la tendresse de ses parents, se faisant porter malade pour jouir de l’attention de ses frères et sœurs. Tout ceci est évoqué dans le film (la fiction de la maladie, par exemple, transposée dans le cadre de la troupe), et décrit dans la lettre dramatique que Xiaoping écrit à son père alors qu’elle sait qu’elle ne le reverra jamais. Mais, dans le film, ces traits sont soit tellement liminaires qu’ils en sont difficilement compréhensibles si on n’a pas lu le livre, soit frisant la caricature mélodramatique.

 

A la fin du film, Liu Feng et Xiaoping se retrouvent par hasard, comme deux âmes en peine dans un monde qui les a laissés en marge., et c’est presque comme l’épisode miraculeux d’une légende dorée : on avait laissé Xiaoping traumatisée par la guerre, soignée dans un hôpital psychiatrique, on la retrouve guérie et apaisée. Dans le roman, cette ultime rencontre est préparée par un échange de lettres qui montre l’évolution de Xiaoping. Tous deux sont des êtres fragiles, mais le film accentue leur fragilité au point d’en faire leur qualité essentielle, au détriment même de la logique narrative.

 

On pourrait dire la même chose des personnages de Xiao Suizi (la narratrice) et Hao Shuwen (l’accordéoniste), le personnage de Chen Can (陈灿), le joueur de clairon, n’existant pas dans le roman. Il ne semble avoir été rajouté que pour offrir un peu de chaleur humaine au personnage de Shuwen et une rivalité secondaire avec Suizi. Chen Can, en outre, offre un lien avec l’autre film de Feng Xiaogang dont la thématique peut être rapprochée de « Youth » : « Assembly » (《集结号》) dont le titre chinois signifie « L’appel du clairon ». Certaines images de « Youth » - en particulier dans la scène d’ouverture de l’un des spectacles – rappellent aussitôt celles d’« Assembly ».

 

Un thème éternel

 

Finalement, comme toujours, le film ne souligne pas exactement les mêmes thèmes que le roman, mais touche une corde sensible dans le cœur du spectateur un peu comme « Assembly ». On ressent une grande nostalgie pour la chaleur de la vie de la troupe, dans les années 1970, époque où la vie était dominée par le collectif. C’était évidemment très contraignant et très frustrant, mais la vie de la Chine post-maoïste, et du post-collectif, est aussi celle de la solitude et du désenchantement pour l’individu. Quant aux héros du maoïsme, ils ont été oubliés, handicapés et meurtris, sur l’autel des aberrations de l’histoire, et laissés seuls à tenter de survivre dans un monde sans pitié au bord de l’amnésie. L’image finale est pourtant celle d’une paix sereine, celle de deux victimes de l’histoire dont le sacrifice n’aura pas été vain tant qu’il y aura quelqu’un pour s’en souvenir.

 

Les principaux personnages et leurs interprètes

 

Huang Xuan 黄轩 dans le rôle de Liu Feng 刘峰 *   

Miao Miao 苗苗                        He Xiaoping 何小萍

Zhong Chuxi 钟楚曦                  Xiao Suizi 萧穗子

Yang Caiyu 杨采钰                    Lin Dingding 林丁丁

Li Xiaofeng 李晓峰                    Hao Shuwen 郝淑雯

Wang Tianchen 王天辰              Chen Can 陈灿

Wang Keru 王可如                    Xiao Balei 小芭蕾

 

* Acteur de « Blind Massage » (《推拿》) de Lou Ye (娄烨), rôle de Xiao Ma.

 

Youth, début du film

 

Bande annonce

 


 

Note complémentaire sur la guerre sino-vietnamienne de 1979 (17 février-16 mars)

 

 Les préalables de la Seconde Guerre mondiale

A la fin de la seconde guerre mondiale, comme les Français n’avaient pas les moyens de reprendre le contrôle de l’Indochine, il fut entendu que les Britanniques occuperaient le sud tandis que la Chine nationaliste investirait le nord. Les troupes chinoises (nationalistes) ont désarmé les soldats japonais au nord du 16ème parallèle le 14 septembre 1945, le parallèle devenant la frontière entre les zones contrôlées par les Britanniques et les Chinois.

 

Après les hostilités, les Britanniques rendent le territoire aux Français. En janvier 1946, le Viet Minh gagne les élections dans le centre et le nord du Vetnam. En mars, Ho Chi Minh signe un accord permettant aux Français de remplacer les Chinois contre la reconnaissance par la France de la République démocratique du Vietnam comme république « libre » au sein de l’Union française. Les Britanniques laissent le territoire aux Français le 26 mars, retour soutenu par les Nationalistes chinois tandis que le Viet Minh est soutenu par les Communistes russes et chinois. Les Français investissent Hanoi et en novembre délogent le Viet Minh de la ville. Le Vietminh commence la guérilla, c’est le début de la 1ère guerre d’Indochine (1946-1954).  

 

La Guerre froide

 

Les Accords de Genève, en juillet 1954, donnent naissance à quatre Etats : royaumes du Laos et du Cambodge, et républiques du Vietnam, communiste au nord, pro-américaine au sud. Une deuxième guerre est livrée de 1955 à 1975 contre la guérilla menée dans les campagnes vietnamiennes du sud par le Viet Cong, soutenu par le bloc communiste. En 1960, le Viet Cong donne naissance au Front national de libération du Sud tandis que la rupture sino-soviétique en 1961 fait de l’URSS le principal soutien du Viet Cong.

 

L’offensive du Têt en 1968 est un tournant dans la guerre. Sous le président Nixon, les USA commence leur désengagement. Début 1975, le Nord attaque le Sud ; le 30 avril 1975, Saigon tombe aux mains du Vietnam du Nord. Le Nord et le Sud sont réunifiés en 1976, donnant naissance à la République socialiste du Vietnam.

 

L’engagement de la Chine au Vietnam

 

Pendant ce temps, la Chine a réorienté sa politique étrangère, la normalisation des relations avec les USA étant matérialisée par la visite de Richard Nixon en 1972. Mais Mao accorde son soutien aux Khmers rouges de Pol Pot quand ceux-ci établissent la République démocratique du Kampuchea (contre le régime de Lon Nol) en avril 1975.

 

Or, après de nombreux incidents de frontière, le Vietnam envahit le Cambodge le 25 décembre 1978. Le 7 janvier 1979, les forces vietnamiennes prennent Phnom Penh. Les dirigeants khmers rouges fuient à l’ouest du Cambodge. En même temps, Deng Xiaoping lance le mouvement de réforme et d’ouverture, donc en rapprochement avec l’Ouest, et en prenant de plus en plus de distance de l’Union soviétique. Le 3 novembre 1978, celle-ci conclut un traité de défense mutuelle avec le Vietnam, dont l’un des buts est de contenir la Chine.

 

En janvier 1979, le vice-premier ministre chinois Deng Xiaoping est en visite aux Etats-Unis et informe le président Carter que la Chine a l’intention de mener une action punitive contre le Vietnam ; la décision est officiellement annoncée le 15 février, afin de soutenir l’allié de la Chine, les Khmers rouges, mais aussi en réponse aux persécutions des minorités chinoises au Vietnam et à l’occupation par ce dernier des îles Spratley revendiquées par la Chine.

 

Pour éviter une intervention de l’Union soviétique, Deng Xiaoping déclare en outre que la Chine est prête à une guerre et masse des troupes à la frontière sino-soviétique, avec un nouveau commandement militaire au Xinjiang et l’évacuation de quelque 300 000 civils de la frontière.

 

Les premiers contingents chinois entrent au Vietnam du nord le 17 février 1979. C’est la première opération militaire d’envergure chinoise depuis la guerre de Corée. L’Union soviétique fournit un soutien logistique et technique au Vietnam, mais n’intervient pas directement dans le conflit. L’opération est bouclée en quelques semaines, Deng Xiaoping étant soucieux de ne pas provoquer un conflit avec l’URSS. La Chine retire ses troupes le 16 mars, les deux parties revendiquant la victoire.

 

L’un des résultats fut pour la Chine la perte de quelque 3,45 milliards de yuans qui entraînèrent un retard dans la réalisation des objectifs du plan économique 1979-1980. Le Vietnam se lança dans des purges des minorités du nord, et une purge des éléments prochinois du parti communiste vietnamien. La Chine mobilisa ensuite une opposition internationale à l’occupation du Cambodge par le Vietnam, y compris le prince Norodom Sihanouk. Elle a même amélioré ses relations au sein de l’ASEAN en promettant son soutien à la Thaïlande et à Singapour contre une agression vietnamienne. Tout ceci contribuant à un isolement du Vietnam et à son rapprochement de l’URSS.

 

 

[Analyse réalisée pour la séance du jeudi 6 juin 2019 du cycle De l’écrit à l’écran de l’Institut Confucius de Paris-Diderot]

 

 


 

[1] Traduction littérale mais sans la poésie du titre chinois : les splendides (huá) années parfumées (fāng), celles qui embaument le souvenir. Ce qui est exactement le sujet du film : nos vertes années.

[2] Grande écrivaine chinoise malheureusement peu traduite, voir :

http://www.chinese-shortstories.com/Auteurs_de_a_z_YanGeling.htm

[3] Guerre éclair, qui n’a duré que quelques semaines, du 17 février au 16 mars 1979, mais de grande importance au niveau politique. Voir la note complémentaire ci-dessous.

[4] Voir note ci-dessous sur la guerre sino-vietnamienne.

 

 

     

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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