Premier film de
Pengfei : « Underground Fragrance », ou la ville
souterraine…
par Brigitte Duzan, 7 septembre 2017
« Underground Fragrance » (《地下香》) est le premier
long métrage de
Pengfei (鹏飞),
qui a bénéficié du soutien de
Tsai Ming-liangdont il a été l’assistant. Le film a été
sélectionné à la 72ème Biennale de
Venise, en 2015, dans la section Venice Days, celle
des « films d’auteurs ».
La vie sous terre
Le scénario est bâti autour de l’histoire de trois
personnages : Lao Jin (老金)
d’une part, le propriétaire d’une maison condamnée à
être démolie pour « rénover » le quartier, mais qui
refuse s’en bouger en espérant obtenir de meilleurs
dédommagements ; Yongle (永乐)
et Xiao Yuan (小元)
d’autre part, deux jeunes « migrants » dans la
capitale, où ils vivent, faute de mieux, dans des
souterrains jadis creusés sous les rues de Pékin
comme abris anti-aériens pour la population en cas
de guerre ; ces souterrains forment, en périphérie
urbaine, un réseau de galeries qui sont l’image
Underground Fragrance
en miroir des gratte-ciels bâtis au-dessus, et où les gens
vivent comme des rats.
Quand débute le film, Yongle attend que des ouvriers aient
fini de démolir un pâté de maisons pour emporter les meubles
qu’il rachète pour rien ; c’est l’occupation dont il vit.
C’est ainsi qu’il rencontre Lao Jin qui squatte sa maison.
Mais il se fait blesser aux yeux sur un chantier de
démolition, et, pour se guider dans le labyrinthe des
galeries souterraines, il se met en quelque sorte un fil à
la patte ; et Xiao Yuan vient se prendre les pieds dedans,
ce qui marque le début de leur relation.
L’actrice principale
Ying Ze
Xiao Yuan travaille dans un bar où elle fait des
numéros de pole dance, pitoyables et d’un ennui
mortel. Elle se prend d’affection pour le jeune
Yongle provisoirement aveugle et lui sert de guide.
Yongle, grâce à sa cécité, développe un sens
particulier de son environnement, basé sur l’ouïe,
et l’odorat. Ainsi, de Xiao Yuan, il ne connaît que
le parfum, d’où le titre du film.
Pendant ce temps, au-dessus, Lao Jin fait bombance avec le
maire-adjoint pour tenter d’obtenir ses faveurs dans le
dossier dédommagement de sa maison. Finalement, Xiao Yuan se
fait virer et disparaît, et des pluies diluviennes inondent
les souterrains… exit ce petit peuple des profondeurs.
Le film a malheureusement du mal à soutenir
l’intérêt jusqu’au bout ; la narration patine et
pêche un peu dans la peinture des personnages. On le
regrette tant l’idée de départ était originale et
prometteuse.
Des soutiens de tous les côtés
« Underground Fragrance » a obtenu le prix du
scénario au Sundance film lab. Il reflétait la
désillusion et le désarroi de Pengfei rentrant à
Pékin après sept ans
Xiao Yuan dans sa
chambre décorée de papier rose
passés en France, et retrouvant une ville en pleine
transformation, avec des quartiers entiers démolis pour
faire place à de grands immeuble, et des hordes de
travailleurs migrants attirés par la perspective d’être
embauchés sur les chantiers, et vivant dans des conditions
de sous-prolétariat urbain. Le sujet était attrayant, et a
été soutenu par Tsai Ming-liang.
L’équipe du film au
festival de Busan
Le film a été coproduit par la société chinoise
Mishka Production et par House on Fire, petite
société de production française créée en février
2009 par Antoine Barraud, auteur-réalisateur,
Philippe Dijon de Monteton, co-directeur du Festival
du film de Lucca en Italie, et Vincent Wang,
producteur des longs-métrages de
Tsai Ming Liang à
partir de
« Goodbye Dragon Inn » (《不散》).
Une bonne partie de l’équipe technique du film est
celle des films de Tsai Ming-liang.
Un autre des promoteurs d’« Underground Fragrance » a été le Torino
Film Lab
[1],
avec deux sources de financement complémentaire : Carmine
Foundation à Taiwan et EED (Evangelischer
Entwicklungsdienst) en Allemagne.
Le film n’a pas été un succès commercial, mais il a fait de
Pengfei un réalisateur à suivre.