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« Qiu Jin » :
de la vie à la pièce de Xia Yan et au film de Xie Jin
par Brigitte Duzan, 29 novembre 2016, actualisé 5 juillet
2019
Poétesse révolutionnaire et militante féministe, Qiu Jin (秋瑾)
est très vite devenue légendaire après son exécution
en juillet 1907 pour tentative de soulèvement.
S’étant elle-même surnommée « Chevalière du lac
miroir » (Jiànhú
Nǚxiá
鉴湖女俠),
elle s’est donné une image martiale qui rejoint
celle des héroïnes mythiques des romans de wuxia.
En même temps, cette image se voulait celle d’une
révolutionnaire moderne, qui a défendu
l’émancipation des femmes comme premier pas vers une
révolution à la fois sociale et politique.
Grand dramaturge et scénariste,
Xia Yan (夏衍)
s’est emparé de ce sujet dès 1936 pour en faire une
pièce de théâtre. A la fin des années 1950, un
premier projet d’adaptation au cinéma n’a pas
abouti, mais un autre projet s’est concrétisé quand
le sujet a resurgi, au début de la période
d’ouverture, en 1979. Réalisé par
Xie Jin (谢晋)
en 1983, le film reprend l’idée développée par Xia
Yan dans sa pièce initiale, qui démythifie
l’héroïne. |
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Qiu Jin, le film de
Xie Jin |
Il est fascinant de voir comment s’est produit le passage de
la réalité au théâtre et au cinéma, au cours du temps.
I. Une vie brève, entre poésie et de révolution
Qiu Jin née le 8 novembre 1875
à
Xiamen, dans le Fujian,
dans une famille de notables et petits propriétaires
fonciers originaires de Shaoxing (绍兴),
dans le Zhejiang. Son
grand-père avait été préfet de Xiamen, puis sous-préfet à
Taiwan. Son père lui-même a occupé divers postes dans le
Fujian, puis à Taiwan à partir de 1885.
Elle a donc eu une éducation traditionnelle, mais elle s’est
débandé les pieds, a participé aux cours d’arts martiaux de
ses frères, a appris à manier l’épée et à monter à cheval :
elle avait du caractère. Mais, plus que ses qualités
martiales et son désir d’indépendance, ce sont ses dons
littéraires qui ont frappé sa famille et ses proches,
d’ailleurs elle-même avait pour modèle les grandes femmes de
lettres de l’antiquité chinoise.
Elle a quand même été mariée au fils d’une riche famille de
marchands de la préfecture de Xiangtan (湖南湘潭),
dans le Hunan, où son père avait été envoyé comme inspecteur
général. Sa belle-famille la trouve un tantinet excentrique,
mais quand elle donne naissance à un garçon, elle gagne en
considération et a même droit à une servante. Mais son mari
est muté à Pékin, et elle trouve là une atmosphère toute
différente.

Qiu Jin, la
révolutionnaire
avec sa petite dague
(photo iconique
prise pendant son
séjour au Japon) |
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C’est au lendemain de la signature du protocole des
Boxers qui a scellé la disgrâce de l’empire en lui
imposant le versement de sommes faramineuses aux
huit nations de la coalition. Les troupes des
puissances étrangères paradent dans les rues de la
capitale, mais son mari continue de mener grand
train et de se divertir avec ses amis comme si de
rien n’était. Qiu Jin est offusquée, la tension
monte entre elle et son mari. Finalement, elle
décide de partir au Japon, comme le faisaient
beaucoup d’étudiants et d’intellectuels chinois à
l’époque ; elle vend ses bijoux, laisse ses enfants
à la charge de sa servante et part.
A Tokyo, elle suit des cours, mais s’intéresse bien
plus à la vie politique et prend part aux activités
des sociétés secrètes qui abondent dans la capitale
japonaise, dont le Tongmenghui créé en 1905
par Sun Yat-sen de passage à Tokyo. Mais les
étudiants chinois sont de plus en plus persona non
grata au Japon, elle rentre à Shanghai. |
Après un premier poste d’enseignement qui lui permet de
connaître la directrice de l’école qui restera sa meilleure
amie, la poétesse Xu Zihua (徐自华),
elle prend la direction de l’école de Datong () à la demande
de son cousin Xu Xilin (徐锡麟)
qui lui annonce son départ. En fait il fomente l’assassinat
de l’inspecteur général de l’Anhui. Mais il est trahi,
arrêté et exécuté.
Pendant ce temps, Qiu Jin a réformé l’école sur un modèle
militaire de défense nationale, a fait acheter des armes
pour les exercices militaires, et préparé tout un plan de
soulèvement. Mais son cousin a parlé sous la torture et
dévoilé tout leur réseau et leurs plans. On conseille à Qiu
Jin de fuir, mais elle refuse. Elle est arrêtée une semaine
après son cousin, le 12 juillet, à l’école Datong, et
décapitée le 15. Elle devient ainsi un personnage quasi
légendaire, dont la vie et l’œuvre sont aussitôt l’objet de
biographies plus ou moins romancées.
Elle laisse un héritage d’autant plus complexe qu’elle était
à la fois non seulement poétesse et révolutionnaire, mais
aussi militante féministe, et que même ses écrits politiques
sont souvent sous forme de poèmes lyriques raffinés.
Pour une présentation détaillée de sa vie et de son œuvre,
voir :
http://www.chinese-shortstories.com/Auteurs_de_a_z_Qiu_Jin.htm
II. La pièce de Xia Yan
Xia
Yan (夏衍)
est le premier à avoir immortalisé le personnage de Qiu Jin
au théâtre. Quand il conçoit le projet de la pièce, au début
des années 1930, c’est dans un contexte de désastre imminent
très semblable à celui du début du siècle, dans les
dernières années de l’empire.
Xia Yan, alors, dispose déjà d’une riche documentation sur
la vie et l’œuvre de Qiu Jin, à commencer par ses propres
poèmes qui jalonnent et commentent son existence, mais aussi
les premières biographies romancées publiées peu de temps
après sa mort.
Genèse et sources de la pièce
Genèse de la pièce
La pièce sur Qiu Jin est en fait la seconde pièce écrite par
Xia
Yan, après « Sai Jinhua » (《赛金花》)
dont elle constitue comme un second volet, avec une héroïne
féminine centrale et des thèmes nationalistes très proches.
Les deux pièces entrent dans le cadre du « Théâtre de
défense nationale » (国防戏剧)
qui s’est développé à partir de 1935.
En trois actes et quatre scènes, la pièce est initialement
publiée début décembre 1936 sous le titre « L’esprit de la
liberté » (《自由魂》)
dans deux numéros de la revue Guangming (《光明》),
puis en entier en février 1937 – et elle est alors
rebaptisée « Qiu Jin » (《秋瑾》)
pour sa représentation au théâtre à Nankin en janvier 1937.
Le titre initial venait d’un souvenir de Xia Yan : au
collège, en 1918, le professeur de littérature chinoise –
qui était de Shaoxing - leur avait parlé du fameux vers de
Qiu Jin écrit juste avant sa mort et de son exécution ; il
leur avait dit qu’elle avait milité pour la liberté non
seulement des femmes, mais du peuple chinois tout entier
(“秋瑾的死,不单是为了女界的自由,也是为了全中国人民的自由。”).
D’où le double sens du titre initial.
Xia Yan a commencé à songer à la pièce dès 1933, après avoir
traduit « La femme et le socialisme » (《妇女与社会主义》)
de l’écrivain social-démocrate allemand Bebel, ouvragede
1883 où il argumente en faveur de l’égalité des sexes.
A partir de là,
Xia Yan s’est lancé dans des recherches sur Qiu Jin, et
d’abord ses poèmes et écrits
.
En 1908 est paru une histoire de Qiu Jin complétée de deux
textes de Wu Zhiying :
« Histoire de madame Qiu » et « Notes sur l’héritage de
madame Qiu » (《秋女士传》、《纪秋女士遗事》) ;
au volume était annexés des « Ecrits de madame Qiu » (《秋女士遗文》)
dont un certain nombre de ses poèmes.
L’une des premières biographies de Qiu Jin date de
1914 et elle est de la plume du poète
révolutionnaire Chen Qubing (陈去病) :
« Biographie de la Chevalière du Lac miroir » (《鉴湖女俠秋瑾传》)
où illui rend hommage comme martyre révolutionnaire.
Mais il en était une autre qui avait été publiée en
1911 et qui était une biographie romancée : « Neige
en juin » (《六月霜》).
Xia Yan a été aidé dans ses recherchespar
l’écrivain, scénariste et critique littéraire A Ying
(阿英)
qu’il connaissait bien pour avoir écrit des
scénarios avec lui, et qui, s’intéressant au sujet
du sort des femmes, avait beaucoup lu sur Qiu Jin,
dont « Neige en juin ».
« Neige en juin »
Il s’agit d’un roman en douze chapitres,publié en
avril 1911, |
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.jpg)
Le roman « Neige en
juin » |
d’un
certain Jing Guanzi (静观子)
qui était certainement un pseudonyme (« l’observateur
silencieux » ou « le témoin silencieux »). Le titre « Neige
en juin » (《六月霜》)
a deux références : d’une part, il renvoie au 6ème jour du
6ème mois de la 33ème année du règne de Guangxu selon le
calendrier lunaire, en mémoire de l’exécution de Qiu Jin ;
d’autre part, c’est une citation de la pièce « L’Injustice
faite à Dou E » (《窦娥冤》),
pièce zaju du célèbre dramaturge de l’époque Yuan
Guan Hanqing (关汉卿) où
la neige au 6ème mois est la marque céleste de l’injustice
dont est victime Dou E.

La fille de Qiu Jin,
Wang Canzhi |
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En mai 1935, A Ying publie un article sur ce roman
dans le n° 27 de la revue Renjianshi (《人间世》)
éditée par Lin Yutang (林语堂) :
« A propos du roman "Neige en juin" sur Qiu Jin » (《关于秋瑾的一部小说〈六月霜〉》).
Au même moment, la fille de Qiu Jin, Wang Canzhi (王灿芝),
qui avait repris la direction de l’école Datong en
1927 à la demande de Xu Zihua, prend aussi
connaissance du recueil et publie ses propres
commentaires sur le roman, qui paraissent dans le
numéro suivant du journal. Par ailleurs, le frère
cadet de Qiu Jin fait de même après avoir lu
l’article de Wang Canzhi. En février-mars 1936, il
publie un article sur « Le cas de l’école Datong » (《大通学堂党案》)
dans la revue Yuefeng (《越风》)
où il donne des précisions sur les plans de
soulèvement de Qiu Jin.
Tous ces renseignements supplémentaires ont aidé Xia
Yan pour écrire sa pièce, et en particulier la
critique du roman par A Ying : ce n’est pas un roman
sans défaut, dit-il, mais on ne |
peut le trouver inintéressante ; il montre les signes d’un
prochain effondrement du pouvoir des Qing, la corruption de
l’administration, l’oppression du peuple, et surtout les
forces de la révolution à l’œuvre dans l’ombre.
Le frère et la fille de Qiu Ying, cependant, n’avaient pas
une haute opinion de l’œuvre ; selon eux, « elle reflétait
en partie la réalité, mais il ne fallait pas pousser les
analogies trop loin »
(“记实部分固多,而穿凿附会...”).
Finalement, le roman a inspiré une partie de la pièce.
Dans le premier acte, Qiu Jin lit le journal
et en conclut que « le pays est proche de sa ruine »
(“国家快要亡了”).
Mais son mari la désapprouve : « L’essor et le
déclin d’un pays sont pour moitié dus aux hommes et
pour moitié causés par le ciel »
(“国家的盛衰,一半由于人为,一半由于天数”)
et de toute façon « il n’est pas du ressort des
femmes de sauver le pays. » (女人“没有救国的责任”).
A quoi Qiu Jin réplique : « Tu as tort, sauver le
pays est la responsabilité de chacun » (“错了,救国是每个人的责任”).
C’est la réplique fondamentale qui définit dès le
départ la détermination de Qiu Jin et scelle son
destin.
Le reste de l’acte est ensuite adapté des chapitres
6 et 7 du roman, en commençant par unediscussion de
Qiu Jin avec son mari où elle poursuit sa
revendication du rôle des femmes pour sauver le
pays, contre la frivolité de tous les officiels
comme lui qui ne font que manger, boire et jouer aux
cartes. Ce sont eux, dit-elle, qui ont en grande
partie amené le pays à la situation critique où il
se trouve. |
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.jpg)
Le recueil de poème
Qiu Jin ji,
réédition 1979 |
Le chapitre 8 du roman, ensuite, a inspiré les scènes du
deuxième acte
concernant la « révolution familiale » (“家庭革命”)
qui est l’une des grandes revendications de Qiu Jin, en
prologue à la révolution nécessaire du pouvoir politique
(“政治革命”),
révolution familiale qu’elle met elle-même en pratique. Le
même chapitre fournit ensuite les détails concernant le
départ au Japon, et en particulier les dialogues de Qiu Jin
avec ses amies, mais aussi les scènes avec les enfants qui
renforcent le réalisme de la pièce.
Dans le roman, cependant, le ton de Qiu Ying n’est pas aussi
dur que dans la pièce, et le personnage de Wu Zhiying est
légèrement différent : sous le nom de Yue Lanshi (越兰石),
elle conseille à son amie d’apprendre des choses pratiques,
« utiles » pour une femme, infirmière par exemple… à quoi
Qiu Ying rétorque que c’est sans doute très utile, mais que
ce n’est pas avec ça qu’elle pourra sauver le pays.
Dans la pièce, la logique, reprise du roman, est claire :
Qiu Jin annonce vouloir sauver les femmes et sauver en même
temps le pays » (“我想救女界,同时我也想救中国。”).
Il est certain que, en 1936, c’était un message aussi
radical qu’au début du siècle. Il était question de deux
révolutions se complétant, la première étant la
revendication du droit des femmes à l’égalité avec les
hommes, et en même temps une revendication de liberté
individuelle pour chacune.
Documents d’archives et expérience personnelle
Pour le troisième acte, enfin, Xia Yan a utilisé son
expérience du travail clandestin, mais aussi des documents
d’archives pour les événements et les personnages
historiques autour de Qiu Jin, comme Xu Xilin, Wang Jinfa,
etc… Pour les événements conduisant à son exécution,il a en
particulier utilisé les documents officiels concernant « le
cas de la criminelle Qiu Jin » et le procès-verbal de son
arrestation et de son inculpation (《浙江办理女匪秋瑾全案》).
Surtout, sur la
base de sa propre expérience, Xia Yan a fait une lecture
critique de la décision prise par Qiu Jin de se livrer et de
se laisser exécuter. Après que la nouvelle de l’arrestation
de Xu Xilin lui soit parvenue, elle avait cinq ou six jours
pour s’échapper de Shaoxing et se cacher dans les montagnes
à l’ouest, ce qui lui aurait permis de reconstituer un
réseau, mais elle a refusé en disant : « le sacrifice de ma
vie est mon entière responsabilité » (牺牲尽我责任).
Il s’agit bien là d’un héroïsme intrépide (英勇无畏),
mais
contraire à la logique du travail clandestin.
Dans le troisième
acte,
Xia Yan
introduit donc une discussion avec Wang Jinfa (王金发)
qui incite Qiu Jin à partir, mais en vain : Qiu Jin est
murée dans son désir de mourir en héros… au féminin. Elle
dit à Wang Jinfa :
-
杀身成仁,是革命党的本色
mourir pour une noble cause, c’est le rôle du
révolutionnaire
-
死,能够减轻责任吗?quoi,
mourir permettrait d’alléger la responsabilité ?
傻事情!…
事情急了,赶快走…
mais c’est idiot !... le temps presse, pars vite…
A quoi Qiu Jin inflexible répond : les autres étant morts
courageusement, je ne peux pas éviter la mort, autrement la
révolution n’aurait plus de sens.
-
啊!想不到你有这样的傻劲!你从前的那些仁义礼智的旧书念坏了!
Ah, dit Wang Jifa, je n’aurais jamais cru que tu avais des
idées aussi stupides ! ce sont des conceptions du bien et de
la droiture que l’on trouve dans les vieux bouquins !
Dans la pièce de Xia Yan, Qiu Jin est dépeinte dans sa
passion suicidaire, mais,en même temps, elle est critiquée.
Xia Yan ne pensait pas que le choix de Qiu Jin était le
bon ; c’était une opinion de militant de terrain.
Or, à la fin des années 1930, s’est développé un courant de
romantisme littéraire mené par Guo Moruo (郭沫若) qui
a repris l’image de Qiu Jinen chevalière héroïque du lac
miroir. En 1939, Zhou Enlai lui-même a écrit un petit
couplet à une cousine pour lui donner Qiu Jin en exemple. Il
avait une affinité particulière avec Qiu Jin parce qu’une
partie de sa famille était originaire de Shaoxing. Mais
c’était surtout l’aspect de militante féministe qu’il
soulignait.
En juillet 1942, Guo Moruo publie une analyse de « La maison
de poupée » d’Ibsen sous le titre de « La solution de Nora »
(《娜拉的答案》),
où il fait un parallèle entre Nora et Qiu Jin. Il y reprend
l’idée de la « révolution familiale » comme précondition de
la révolution politique en l’énonçant en termes de
libération :
“妇女自身的解放”归入“社会的总解放”
La libération de la femme participe de la libération de la
société toute entière.
Mais la pièce de Xia Yan ne se limite pas à cet aspect de la
personnalité de Qiu Jin ; elle pose aussi le problème de
l’identité et du mode d’action du révolutionnaire. Elle a
connu diverses adaptations avant le film de Xie Jin, en
1983; dans le scénario, Xia Yan reprend son idée initiale,
mais dans des termes beaucoup moins tranchés, à partir d’une
« Biographie de Qiu Jin », ou « Qiu Jin, une vie » (《秋瑾传》),
un livret qu’il avait lui-même adapté de sa pièce et qui a
été inclus dans la sélection de ses œuvres de théâtrepubliée
en 1953 (《夏衍剧作选》).
III. Le film de Xie Jin
Comme les
héroïnes de wuxia, Qiu Jin est réapparue dans
l’histoire chinoise aux heures de péril, mais aussi
dans les périodes dedégel et de renouveau : on voit
des rééditions de ses poèmes en 1960, et en 1979, au
début de la période d’ouverture
.
Les tribulations du scénario
Au moment
du Grand Bond en avant, Qiu Jin est devenu un modèle
à émuler. En 1958, un recueil d’une quarantaine de
textes en souvenir d’elle est publié à Shanghai à
l’initiative de Song Qingling (宋庆龄)
et Guo Moruo (郭沫若),
avec une préface du second, toujours pour louer son
action en faveur des droits des femmes.
A la fin des années 1950, la « Biographie » écrite
par Xia Yan est adaptée en opéra de Pékin (京剧),
sur un livret écrit par |
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Zhang Junqiu dans le
rôle de Qiu Jin (à g.) |
Wang Yan (王雁),
commencé en 1958, mais publié seulement en 1960. L’opéra est
représenté en 1959, avec le grand acteur Zhang Junqiu (张君秋)
dans le rôle de Qiu Jin. C’est l’un de ses grands rôles.

Li Xiuming dans le
rôle de Qiu Jin dans le film de Xie Jin
(arrivant à Pékin avec ses enfants et son mari)
|
|
Quant au film, le sujet était dans l’air dès le
début des années 1950. Zhou Enlai s’était alors mis
d’accord avec Hu Qiaomu (胡乔木)
pour tourner un film sur elle. Mais il faut attendre
le début des années 1960 pour que le projet
connaisse un début de concrétisation.
En 1962, après la représentation de l’opéra, le
scénariste Ke Ling (柯灵)
– originaire lui aussi de Shaoxing - adapte le
texte en scénario littéraire pour le cinéma (电影文学剧本),
intitulé, comme l’opéra, « Qiu Jin, |
une vie » (《秋瑾传》).
Mais le film, qui devait être réalisé par
Sang Hu (桑弧),
ne verra jamais le jour.
Dès 1979, ensuite, dans le contexte de l’ouverture,
Xia Yan revient vers l’idée d’adapter le sujet au
cinéma, et le projet se concrétise en 1981, pour le
70ème
anniversaire de la révolution Xinhai. Xia Yan
reprend alors le scénario de Ke Ling et le révise
avec Huang Zongjiang (黄宗江)
et Xie Jin, enthousiaste à l’idée de travailler avec
Xia Yan sur ce sujet. En fait, Xie Jin avait lui
aussi une raison affective de s’intéresser au sujet.
Lui aussi était originaire de la région de Shaoxing
et il a expliqué dans un |
|

Qiu Jin lisant le
journal indignée |
entretien
que son grand-père connaissait bien Qiu Jin et Xu Xilin avec
lesquels il avait enseigné à l’école Datong. Logiquement,
Xie Jin avait eu une grande admiration pour elle quand il
était enfant.
Le scénario ne sera publié qu’après le film. Il reprend
l’idée de base de la pièce tout en modérant les propos de
Wang Jinfa.
Le film de Xie Jin : théâtral et critique

Avec sa grande amie Wu
Zhiying |
|
Le film revient à la pièce de théâtre initiale, en
supprimant le rôle de traître qui, pour des raisons
de logique opératique – et la nécessité d’avoir les
rôles-types nécessaires - avait été ajouté dans les
adaptations en opéra, et développé dans la version
représentée en 1959.
Le film se concentre sur la vie de Qiu Jin à partir
de son arrivée à Pékin, c’est-à-dire au moment où,
confrontée à la vision d’une capitale chaotique,
investie par des hordes de soldats étrangers, et
choquée par |
l’attitude de l’entourage de son mari, elle se radicalise et
se révolte. Il n’y a donc pas d’évolution progressive du
personnage. Qiu Jin est tout de suite prise dans l’action,
et la rébellion aux codes et aux normes, son séjour au Japon
étant le point de rupture qui la fait basculer dans la
révolution.
Dans ces conditions, elle apparaît effectivement
comme une révolutionnaire exaltée, qui agit en
prenant des risques, et finit par se laisser
capturer et exécuter au lieu de fuir dans un repli
tactique pour pouvoir continuer le combat. Les
propos que lui prête le scénario soulignentson
esprit de sacrifice, sa volonté de faire de sa mort
un exemple glorieux – ce qu’il est d’ailleurs
devenu : vers la fin du film, elle demande à sa
fidèle servante de raconter sa mort à ses enfants,
en leur disant avec superbe mais sans la moindre
émotion : |
|

Révolutionnaire au
Japon |
等他们长大后,就请你把我的所作所为讲给他们听听,
告诉他们,为了革命,无数英雄男儿,抛头颅撒热血;
女子,
只有我秋瑾。
Quand ils seront grands, raconte-leur ma vie, ce
que j'ai fait,
dis-leur combien de héros se sont sacrifiés en
versant leur sang pour la révolution,
mais dis-leur bien que d’héroïnes, il n’y en a eu
qu’une, moi, Qiu Jin.

Qiu Jin écrivant son
dernier vers, menottes aux poignets |
|
C’était là son rêve et son ambition : montrer que
les femmes aussi pouvaient se montrer héroïques,
elle l’avait dit dans l’un de ses poèmes - ne dites
pas que les femmes n’ont pas l’étoffe de héros…
C’est du grand théâtre, et le film est mis en scène
comme tel, mais avec une recherche particulière sur
le contexte historique, pour en rendre l’atmosphère,
que ce soit à Pékin, au Japon ou à Shaoxing. |
Les rôles sont interprétés par d’excellents acteurs, et en
particulier
Li Xiuming (李秀明)
dans celui de Qiu Jin.
Principaux interprètes :
Li Xiuming
李秀明
Qiu Jin
秋瑾
Wang Fuli
王馥荔
Wu Zhiying
吴芝瑛
Huang Meiying
黄梅莹
Xu Jichen
徐寄尘
Cong Shan
丛珊
Xiurong
秀蓉
(la servante de
Qiu Jin)
Li Zhiyu
李志舆
Xu Xilin
徐锡麟
Xie Jin a très bien rendu les séquences au Japon, qui ont
été tournées sur place et ont un cachet d’authenticité. Et
si le film semble quelque peu emphatique, voire chaotique
par moments, c’est dû en grand partie à l’image de Qiu Jin
qu’il a voulu rendre et qui correspond au personnage vu dans
une perspective historique, et relativement réaliste,
au-delà du romantisme révolutionnaire.
Cela reste l’une des meilleures adaptations à l’écran.
Principales autres adaptations au cinéma et à la télévision
1953 Qiu Jin
《秋瑾》ou
Blood-Stained Flowers《碧血花》
film hongkongais
de Tu Kuang-chi
屠光启
avec Li Lihua
李丽华
|

Li Lihua dans le rôle
de Qiu Jin en 1953 |
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1984
Qiu Jin
《秋瑾》
téléfilm
hongkongais
avec
Wang Mingquan
汪明荃
dans le rôle de Qiu Jin
1995 Qiu Jin
《秋瑾》
opéra yueju
越剧
adapté pour la
télévision du Zhejiang
avec Wang Binmei
王滨梅
dans le rôle de
Qiu Jin
*2011
Knight of Mirror Lake
《鉴湖女侠》
film de Li Jun
李骏
avec Fan Bingbing
范冰冰
dans le rôle de Qiu Jin
*2011
Qiu Jin,
The Woman Knight of Mirror Lake
《竞雄女侠·秋瑾》
film hongkongais de Hermann Yau
邱礼涛
avec Huang Yi
黄奕
en Qiu Jin.
Tourné comme un film de wuxia moderne, avec chorégraphie
d’arts martiaux, et comme une autre légende après
« Ip Man,
la légende est née »
《叶问前传》
du même réalisateur en 2010.
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Qiu Jin en 2011
interprétée par Huang Yi |
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*Note : ces deux films de 2011 ont été produits dans le
cadre des célébrations du 100ème anniversaire de
la révolution Xinhai ou révolution de 1911. La promotion du
film de Li Jun a mis Fan Bingbing en exergue, comme « la
plus belle Qiu Jin » (“最美秋瑾”),
aberration qui a dû faire se retourner Qiu Jin dans sa
tombe.
2017
Duilian
《对联》,
film hongkongais de Wu Tsang – l’histoire de Qiu Jin et Wu
Zhiying transposée par le couple queer de la scène
hongkongaise Wu Tsang/Boychild.
Recherches réalisées pour le Festival de
cinéma chinois de Paris, colloque du 8 décembre 2016
Première
édition de ses œuvres (Qiu Jin ji《秋瑾集》),
Shanghai Zhonghuashuju 1960. Réédité en septembre
1979.
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