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« A Simple Life » : la touche Ann Hui, plus délicate que jamais

par Brigitte Duzan, 6 septembre 2011, révisé 5 octobre 2012

 

« A Simple Life » (《桃姐》) est, tout simplement, l’un des plus beaux films d’Ann Hui (许鞍华). Il a été révélé à la 68ème Biennale de Venise, en septembre 2011. Depuis lors, il a parcouru les festivals en suscitant partout émotion et admiration.

 

Une histoire vraie

 

Le titre chinois, Tao Jie (桃姐), est le surnom affectueux (littéralement ‘grande sœur Pêche’) donné à une vieille employée de maison d’une famille de Hong Kong par les pensionnaires de la maison de retraite où elle va finir ses jours – comme chez Verlaine : la vie est là, simple et tranquille, cette paisible rumeur-là vient de la ville…  

 

De son vrai nom Zhong Chuntao (中春), elle avait été surnommée Ah Tao (阿桃) dans la famille Leung, et elle faisait partie des meubles. Pendant soixante ans de service, elle a veillé sur tous les membres de la famille, les

 

A Simple Life, affiche 1

 

A Simple Life, affiche 2

 

a vus naître, grandir et mourir, émigrer aussi. A 70 ans, elle reste seule à s’occuper du dernier rejeton resté à Hong Kong, Roger, qui est producteur de cinéma.

 

Et puis, un jour, en rentrant du travail, Roger la trouve sans connaissance : elle a eu une attaque. Il l’emmène d’urgence à l’hôpital. Elle ne peut plus travailler et demande à aller dans une maison de retraite. Mais, pendant qu’elle se familiarise avec son nouvel entourage, Roger, lui, réalise au fil de ses visites la place qu’elle tenait dans sa vie et combien elle lui manque. Finalement, la famille décide de remettre à neuf un vieil appartement que le père de Roger avait destiné à Ah Tao avant de mourir, pour qu’elle y passe tranquillement les jours qui lui restent à vivre. Mais sa santé décline trop vite pour qu’elle puisse en profiter…

 

« A Simple Life » est l’histoire vraie de la servante de Roger Lee Yan-Lam (李恩霖), qui est cinéaste et producteur, comme son double dans le film : il a en particulier été le producteur exécutif du film d’Ann Hui sorti en 1995 : « Summer Snow » (《女人四十》), dont le scénario a d’ailleurs des analogies avec celui de « A Simple Life » - c’est aussi une réflexion sur les rapports avec les personnes âgées.

 

Roger Lee avait promis à sa vieille servante de porter l’histoire de sa vie à l’écran ; il en a parlé à Andy Lau (刘德华), qui est également producteur ; touché par cette histoire, celui-ci a décidé de produire le film qui est en effet co-produit par sa société, Focus Film (映艺), et Polybona (博纳影业). Lors de la conférence de presse à Venise, Ann Hui a rendu hommage à Andy Lau pour lui avoir permis de réaliser le film avec un budget adéquat (1).

 

La touche Ann Hui

 

Roger Lee

 

« A Simple Life » avait tout, au départ, pour faire un mélodrame, mais Ann Hui a brouillé les pistes, à plaisir, comme à son habitude, et comme dans la vie. Elle a fait de son film une comédie triste et tendre, où jamais elle ne permet à la tristesse de s’installer à fond, jusqu’à tirer des larmes.

 

Le film est construit selon une courbe en cloche, suivant l’évolution de la santé de Tao Jie après son infarctus. Après une première phase de rétablissement progressif, la vieille servante subit diverses complications qui détériorent peu à peu son état de santé, et la clouent finalement sur un fauteuil roulant avant qu’elle ne s’éteigne tout doucement sur un lit d’hôpital, comme une bougie où la mèche a fini de se consumer.

 

Après une brève introduction évoquant sa vie avec Roger, la

 

Tao Jie/Deanie Ip et Roger/Andy Lau

première partie nous la montre s’accoutumant peu à peu à son nouvel environnement, dans la maison

 

Sur le tournage avec Ann Hui

 

de retraite que Roger a choisie pour elle. Ce pourrait être l’occasion d’un docu-fiction sur la vie sinistre de personnes âgées en fin de course, rien de cela avec Ann Hui ; elle nous montre au contraire un condensé de comédie humaine où chacun des personnages prend vie sous l’œil ironique, mais tendre, de sa caméra, avec ses manies, ses tics, ses défauts, ses problèmes personnels, aussi, mais à peine. Dans ce microcosme coupé du monde, les problèmes, essentiellement des problèmes familiaux, arrivent brouillés par la distance.

La personnalité de chacun est magnifiée sous la caméra comme sous une loupe.

 

On sent parfois, brusquement, l’émotion surgir mais c’est une émotion contenue, bridée par un scénario qui sait jouer sur l’ellipse. Ainsi cette séquence où la jeune directrice du centre (1) passe la soirée du Nouvel An seule avec Tao Jie, la plupart des autres pensionnaires étant allés fêter l’occasion avec leurs enfants. Roger est aux Etats-Unis avec le reste de la famille. Sur fond de feux d’artifice regardés à la télévision, Tao Jie demande à la jeune femme pourquoi elle est là : et sa famille ?On voit alors le visage d’ordinaire souriant

 

La directrice (Qin Hailu) avec quelques pensionnaires

de la jeune femme se rembrunir, la caméra s’attarde sur son visage, on attend la réponse, on attend… mais elle ne vient pas. Pas la peine : tout est dit.

 

Andy Lau avec Tsui Hark

 

L’émotion est de toute façon constamment coupée par des séquences très drôles (plus que comiques), elle se dilue, se dissout dans une joie de vivre qui est aussi compréhension des autres. Ann Hui se joue également de la profession de son personnage principal pour détendre l’atmosphère en invitant le ban et l’arrière ban du cinéma de Hong Kong pour se moquer gentiment du milieu : Tsui Hark (徐克), Sammo Hung (洪金宝), Ning Hao (宁浩), Anthony Wong, et même Yu Dong (于冬), le président de Polybona.

 

Derrière le ton ironique et léger, Ann Hui distille cependant quelques subtils messages de critique sociale, en particulier sur la dissolution progressive des liens de loyauté et d’affection entre employeurs et employés de maison qui faisaient une partie de la richesse du tissu social de Kong Kong, comme, d’ailleurs, ce fut aussi longtemps le cas chez nous, à la campagne. Mais au-delà, ce sont tous les liens sociaux qui sont en train de se distendre.

 

Une merveilleuse interprétation

 

Le film doit aussi beaucoup aux acteurs, et en particulier aux deux principaux : Andy Lau (刘德华 Liú Déhuá) dans le rôle de Roger et Deanie Ip (叶德娴 Yè Déxián) dans celui de Tao Jie (3). Ce sont des retrouvailles dans les deux cas : c’est Ann Hui qui a fait débuter Andy Lau au cinéma, dans « Boat People » (《投奔怒海》), en 1982, il y a déjà près de trente ans !  

 

Andy Lau, Deanie Ip et

Qin Hailu (à gauche) à Venise

 

 

Déclaration d’Ann Hui

 

 

Deanie Ip recevant la coupe Volti à Venise avec Ann Hui

 

Par ailleurs, c’est la première fois qu’il joue avec Deanie Ip depuis 24 ans. Née en 1947, celle-ci va avoir 65 ans en décembre 2012, mais on peine à le croire. Elle a fait un remarquable travail de composition pour ce rôle, aidée d’ailleurs par les maquilleuses.

 

A la Biennale de Venise, le 10 septembre 2011, elle a obtenu la Coppa Volti pour son interprétation de Tao Jie, mais elle a également été primée au festival de Hong Kong et au Golden Horse à Taiwan.


 

Notes

(1) Conférence de presse à Venise :

http://www.youtube.com/watch?v=6Ed75vRKkNg&list=LP7MEZtDehXJQ&index=4&feature=plcp

(2) Rôle interprété tout en finesse par Qin Hailu (秦海璐)

(3) Deanie Ip a commencé une carrière de chanteuse de cantopop dans les années 1980 ; après quelques désagréments avec son label, elle s’est tournée vers le cinéma, apparaissant épisodiquement dans des rôles secondaires pour lesquels elle a souvent été primée.

 

Remarque :

A la soirée de clôture du Festival du cinéma chinois de Paris, le 4 octobre 2012, le film a été projeté dans la version doublée en mandarin destinée aux cinémas de Chine continentale. La version originale est évidemment en cantonais, et le doublage en putonghua enlève beaucoup de fraîcheur aux dialogues, comme un film en italien doublé en français.

 

 

Le filme

 

 

 

 

 

 

 
     
     
     
     
     
     
     
     

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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