par Brigitte Duzan, 22 décembre 2011,
actualisé 20 avril 2023
Souvent
présenté sous le label trompeur de « cinéaste de la
Nouvelle Vague hongkongaise », Tsui Hark (徐克)
a, il est vrai, suscité beaucoup d’espoirs au début
de sa carrière, en renouvelant le genre du
film de wuxia
sur les traces de
King Hu (胡金铨).
Très actif également comme producteur, il a
réalisé et produit
une
série de chefs d’œuvres dans les années 1980 et
jusqu’au milieu des années 1990.
Mais il ne
s’est pas vraiment remis de la crise qui frappe
alors le cinéma de Hong Kong. Sa créativité dérive
par la suite vers des genres commerciaux qui ne
satisfont ni la critique ni le public. Aujourd’hui,
il semble chercher sa voie dans une course à la
technologie, dans le domaine très convoité de la 3D.
Formation
aux Etats-Unis, débuts à la télévision
Tsui Hark
Tsui Hark est
né au
Vietnam, à Saigon, le 15 février 1950, et y a grandi dans
une famille d’immigrants chinois originaires du Shandong, au
milieu de seize frères et sœurs.
Ses biographes le
décrivent montrant un intérêt précoce pour le cinéma. A
l’âge de dix ans, il loue une caméra 8mm avec des amis pour
filmer les représentations d’un magicien et projette son
film à l’école ; il continue ensuite à tourner des petits
courts métrages. Il est aussi passionné de bandes dessinées
chinoises, les manhua (漫画),
qui
influenceront plus tard son style.
La famille émigre
à Hong Kong quand il a seize ans, en 1966. Il y termine ses
études secondaires,
puis, en 1969 part aux Etats-Unis, sous le prétexte de faire
des études de pharmacie pour perpétuer la tradition
paternelle. Il s’inscrit d’abord à la Southern Methodist
University, à Dallas, puis arrête quelques mois pour
voyager, et, à son retour, entre à l’université du Texas, à
Austin,
pour un cursus sur la télévision et le cinéma. Avec des
amis, il tourne là un documentaire de 45 minutes sur les
Américains d’origine asiatique.
Il termine ses
études en 1975 et part alors à New York, dans l’espoir de
devenir réalisateur de documentaires. C’est ainsi qu’il
commence sa carrière comme assistant de Christine Choy pour
le tournage de son très beau documentaire sorti en 1976, « From
Spikes to Spindless », sur la communauté asiatique du
Chinatown de New York dans sa confrontation avec les
autorités et la police de la ville pour protester contre des
projets de développement immobilier ; au-delà de
l’actualité, le film dépeint l’histoire de ces immigrants,
depuis les premiers arrivants, embauchés pour la
construction du chemin de fer transcontinental, jusqu’aux
descendants d’aujourd’hui, toujours en quête d’une
intégration problématique, et montre l’émergence d’une
conscience communautaire.
Bande annonce du film « From
Spikes to Spindless »
Ce fut
certainement une expérience pour Tsui Hark, non seulement au
niveau cinématographique, mais pour sa propre conscience
identitaire. Parallèlement, il travaille aussi pour un
journal chinois et pour une chaîne de télévision chinoise
par câble, et participe à un groupe de théâtre de la
communauté chinoise.
Fort de cette
expérience, il revient en 1977à Hong Kong où il est
d’abord embauché par une chaîne de télévision pour tourner
des séries, dont, en 1978, une série en neuf épisodes
adaptée d’un roman de wuxia de Gu Long (古龙).
Débuts de
réalisateur : le label de la Nouvelle Vague
Wu Siyuan/ Ng See-Yuen
La fin des
années 1970 est la période où se développe à Hong
Kong le mouvement connu sous le terme générique de
Nouvelle Vague (“新浪潮”),qui vit
émerger, au sein d’un cinéma de divertissement
populaire, en mandarin, des films d’auteur reflétant
la réalité contemporaine et l’identité propre de la
ville, en cantonais. Tsui Hark devient l’un des
représentants du mouvement, constitué par des jeunes
formés, comme lui, à l’étranger et à la télévision.
En 1978, il
attire l’attention de Wu Siyuan (ou Ng See-Yuen
吴思远), ancien des studios des
Shaw Brothers, et fondateur en 1975 de la société de
production Seasonal Films Corporation. Il produit en
1979 le premier film de Tsui Hark :
« The
Butterfly Murders » (《蝶变》).
Situé dans une époque historique indéterminée, le
film combine des éléments de wuxia, de
suspense et de science-fiction et vaut tout de
suite
à son auteur une réputation d’iconoclaste. Tout Tsui Hark
est déjà là, dans ses bons aspects comme dans ses mauvais.
Bande annonce du film
« The
Butterfly Murders »
Dans ses deux films
suivants, cependant, ce sont les mauvais côtés qui priment :
l’un est une sombre fantaisie combinant cannibalisme, humour
noir et wuxia ; l’autre, « Dangerous Encounters of
the First Kind » (《第一类型危险》),
un thriller dépeignant une bande de jeunes délinquants
semant la terreur dans la ville. Le film est interdit par
les autorités coloniales britanniques ; il reparaît sous une
forme plus acceptable, mais guère mieux appréciée du public.
Ces films
sont des échecs commerciaux, mais confirment
cependant Tsui Hark comme un trublion favori des
critiques qui voient en lui l’un des éléments les
plus prometteurs de la Nouvelle Vague. En 1981, le
jeune réalisateur poursuit sa carrière dans la
nouvelle société de production fondée par Raymond
Wong, et deux autres comédiens : Cinema City. Tsui
Hark y tourne une farce policière et un film
d’espionnage, troisième numéro d’une série produite
par la société.
Le premier
des deux, « All The Wrong Clues » (《鬼马智多星》), inaugure une verve comique dans la filmographie de Tsui Hark. Il est
couronné en 1981 du prix du meilleur réalisateur au
18ème festival du Golden Horse (金马奖).
Mais le tournant de
la carrière de Tsui Hark arrive en 1983 avec son entrée au
studio Golden Harvest (橙天嘉禾娱乐集团).
All The Wrong Clues
Golden Harvest : le
tournant de 1983
Zu les guerriers de la
montagne magique
Fondée en
1970 par deux transfuges du studio des Shaw
Brothers, la Golden Harvest avait tout de suite
connu un succès international avec le premier film
de Bruce Lee, « Enter the Dragon », co-produit en
1973 avec la Warner. A la fin des années 1970, il
était devenu le premier studio de Hong Kong.
C’est là
que, en 1983, Tsui Hark réalise le film qui marque
le renouveau du film de
wuxia: « Zu, les Guerriers de
la Montagne magique » (《新蜀山剑侠》) - un wuxia
explosif, boosté aux nouvelles techniques d’effets
spéciaux importées de Hollywood, avec personnages
volants, démons et artifices en tous genres qui vont
devenir le fond de commerce du genre dans les années
suivantes.
On peut y
voir une réponse à la première trilogie de « La
guerre de étoiles », commencée en 1977. Mais il faut
bien reconnaître que le scénario est inconsistant,
et les effets spéciaux ne suffisent pas à maintenir
l’intérêt.
Bande annonce du film
« Zu, les Guerriers de
la Montagne magique »
Non
seulement Tsui Hark déçoit la critique qui
n’apprécie pas son retournement vers le cinéma
commercial, mais le public ne suit pas non plus.
L’année suivante, en 1984, Tsui Hark saute le pas et
fonde sa propre société de production : Film
Workshop (电影工作室).
Film
Workshop : atelier de chefs d’œuvre
Il fonde la
société avec son épouse, Shi Nansun (施南生),
et en fait, en quelques années, un vivier des plus
grands talents de Hong Kong. Doté d’un tempérament
autoritaire et difficile, Tsui Hark se fâche aussi
au passage avec bon nombre d’entre eux, dont
John
Woo (avec lequel il se brouille en 1990 pour un
désaccord sur le scénario de « Bullet in the Head »)
ou Jet Li (qui rompt temporairement avec lui après
le
troisième film de la série « Il était une fois en
Chine », ne revenant que pour le sixième et dernier
épisode).
Tsui Hark et son
épouse Shi Nansun
Ching Siu-tung
Sa plus
longue collaboration, et sans doute la plus
fructueuse aussi, aura été avec Ching Siu-tung (程小东),
directeur de la chorégraphie et de l’action de la
plupart des films produits par le Film Workshop ; il
a grandement contribué à l’élaboration de ce qu’on
peut appeler un « style Tsui Hark » qui se définit,
justement, dans ces années 1980 : des effets visuels
surprenants, un rythme rapide, une caméra très
mobile. Tsui Hark, c’est « l’homme qui filme plus
vite que son ombre »…
Mais
surtout le génie de Tsui Hark est d’avoir su
revisiter des genres traditionnels qu’il connaissait
bien et leur insuffler une vie nouvelle, en
synchronie avec l’air du temps, et les goûts du
public : les films qu’il produit sont des succès
tant auprès du public que de la critique, et la
marque de son amour de la culture chinoise.
Années 1980 :
réalisations…
Il réalise
le premier film produit par le Film Workshop, dès
1984 : c’est « Shanghai Blues » (《上海之夜》), qui est classé par le festival de Shanghai parmi les dix meilleurs
films de l’année. Le film raconte une histoire
d'amour à Shanghai pendant la guerre, en 1934, celle
d'une chanteuse et d'un violoniste qui, rapprochés
le temps d’un bombardement, se promettent de se
retrouver une fois la guerre gagnée ; ils se
croisent à nouveau quelques années plus tard, mais
sans se reconnaître. Contrairement à ce qu’on
pourrait penser, c’est une comédie, où les scènes
poétiques alternent avec les scènes comiques, voire
délirantes, qui viennent rompre l’émotion quand
celle-ci risquerait de faire tourner le film au
mélo.
Deux ans
plus tard, en 1986, Tsui Hark reprend la principale
interprète du film, Sally Yeh, lui adjoint Brigitte
Lin et Cherie Cheung, et réalise le superbe « Peking
Opera Blues » (《刀
Shanghai Blues
马旦》)
qui est à la fois comédie, film d’action et drame
historique, et joue en outre sur certaines conventions de
l’opéra chinois dont il intègre quelques scènes dans le
scénario.
Peking Opera Blues
Le film se
passe à Pékin en 1913 et l’intrigue centrale est de
la vraie politique : arrivé au pouvoir, Yuan Shikai
a besoin d’un prêt des puissances occidentales ; le
général Cao lui en arrange un, mais sa fille,
patriote rebelle (Brigitte Lin, habillée en homme),
essaie de lui voler le document en faisant foi ; ce
faisant, cependant, elle tombe sur deux autres
femmes : une à la recherche d’une cassette de bijoux
(Cherie Cheung) et la fille d’une troupe d’opéra de
Pékin (Sally Yeh), le théâtre devenant alors le lieu
de rencontre de toutes ces comploteurs improbables.
Jamais
autant de genres différents n’auront été combinés en
un seul film, et le pastiche est réussi. Le film
respire l’inventivité débridée. C’est l’un des
sommets de l’art de Tsui Hark et de sa filmographie.
C’est aussi un hommage à l’opéra de Pékin auquel le
cinéma de Hong Kong doit tant, comme le
cinéma chinois en
général, et un rappel ému des souvenirs d’enfance du
réalisateur à Saigon, quand sa mère l’emmenait à des
représentations d’opéra.
Bande annonce du film « Peking
Opera Blues »
et productions
En 1986,
Tsui Hark produit aussi un film policier réalisé par
John Woo (吴宇森)
:
« A Better Tomorrow » (《英雄本色》)
avec Chow Yun-fat et
Leslie Cheung. Réalisé avec un
budget minime, le film bat les records au box
office, et génère une vague de films de triades du
même genre. Le thème musical du film, chanté par
Leslie Cheung, devient instantanément le tube à la
mode, et les lunettes Alain Delon que porte Chow
Yun-fat sont dévalisées dans les magasins. C’est
l’essence du film culte.
L’année
suivante, c’est un film de son ami Ching Siu-tung
qu’il produit, un film « en costumes », « A
Chinese Ghost Story » (《倩女幽魂》),
inspiré de Pu Songling, qui suscite un engouement
pour les films de fantômes. Le film aura deux
suites, un remake en 2011 et inspirera aussi un
dessin animé, sorti en 1997.
A Chinese Ghost Story
Années 1990
En 1990,
Tsui Hark revient vers le wuxia en produisant
« The Swordsman » (《笑傲江湖》),
un film adapté d’un récit du maître du roman de
wuxia, Louis Cha (ou Jin Yong
金庸) ,
contant une histoire d’ancien parchemin volé dans la
bibliothèque impériale, et censé contenir les bases
d'un art de combat surnaturel.
La
réalisation en fut d’abord confiée à
King Hu (胡金铨),
mais, celui-ci étant parti en claquant la porte au
milieu du tournage (1), elle fut terminée par une
équipe dirigée par Tsui Hark, et comprenant Ching
Siu-tung et…
Ann Hui. Le film a reçu le prix de la
meilleure chorégraphie (signée Ching Siu-tung) aux
10èmes Hong Kong Film awards et celui du meilleur
thème musical pour la chanson « A single laughter in
the sea » (沧海一声笑…).
The Swordsman
King Hu et Tsui Hark
au moment
du tournage de
Swordsman
En 1991
sort ensuite le premier film, réalisé par Tsui Hark,
de la fameuse série de six : « Il
était une fois en Chine » (en chinois simplement
Wong Fei Hung《黄飞鸿》),
l’histoire du légendaire médecin Wong Fei Hung (ou
Huang Feihong), grand maître d’arts martiaux mort en
1924, descendant de la lignée des moines de Shaolin,
en lutte non seulement contre les brigands mais
aussi contre les Occidentaux qui s’introduisent en
Chine. Il est interprété par
Jet Li (sauf pour les
volets 4 et 5 de la série), qui est cependant doublé
dans 80 % de ses scènes de combat. On retrouve là,
comme le souligne l’affiche, le culte du héros, ou
plutôt du sauveur des films de wuxia, mais
dans sa version modernisée, plus terrestre, de
maître de kungfu.
Les films
suivants de la série sortent à raison d’un par an,
Once upon a time in
China
dont « La secte du
Lotus blanc » (《黄飞鸿之二:男儿当自强》),
chorégraphié par Yuen Woo-ping, en 1992, puis, en 1993, « Le
tournoi du lion » (《黄飞鸿之三:狮王争霸》)...
Mais le dernier est réalisé par Sammo Hung et ne sort qu’en
1997.
Green Snake
Cette
série est l’expression la plus nette, la plus
vivante, du fond de nationalisme en Tsui Hark, de sa
passion pour l’histoire et la culture chinoises, de
son engagement passionné en leur faveur, pour les
défendre et les illustrer, même s’il doit en passer
par les techniques étrangères. C’est quand on sent
vibrer cette fibre en lui dans ses films qu’il est
le meilleur.
Après
« New
Dragon Gate Inn » (《新龙门客栈》),
produit en 1992, qui revisite le grand classique de
King Hu, le diptyque qu’il tourne en 1993/94 en est
aussi un exemple typique : « Green Snake » (《青蛇》),
en 1993, vision personnelle de la légende du serpent
blanc, avec Maggie Cheung dans le rôle du serpent
vert, et « The
Lovers » (《梁祝》)
en 1994, d’après la légende des amants papillons
(2).
En 1995,
il signe encore un film de wuxia : « The
Blade » (《刀》),
remake plus ou moins avoué du classique de la Shaw
Brothers de 1967 « The One-Armed Swordsman » (《独臂刀》)
réalisé par
Chang Cheh (张彻).
L’histoire elle-même n’a guère d’intérêt, mais ce
qui frappe, c’est la réalisation : les gels de
couleurs, la frénésie de la caméra, les close-ups
dramatiques et le ton sombre de l’ensemble.
Encore
plus caractéristique est le film suivant, moins
connu mais non moins intéressant : « Love in the
Time of Twilight » (《花月佳期》) ;
le film dépeint, dans les années 1920, les efforts
de la fille d’un directeur de troupe d’opéra
cantonais pour trouver l’amour, qu’elle ne trouve
qu’en la personne d’un petit employé de banque ;
assassiné, il revient sous forme de fantôme pour la
hanter… Là encore, ce n’est pas tant
l’histoire elle-même qui importe, mais l’atmosphère du film.
The Blade
A travers
l’évocation des années 1920, on y ressent
l’atmosphère d’angoisse et de déprime qui s’est
emparée de Hong Kong, comme de Tsui Hark, en ce
milieu des années 1990, à la veille de la
rétrocession du territoire à la Chine, en 1997 : une
ville hantée par ses souvenirs et son passé et qui
ne sait trop ce qui va advenir. Hong Kong est en
crise, son cinéma aussi…
Années
2000 : entrée en force sur le marché du film
commercial
Tsui Hark
croit trouver une solution en partant à Hollywood.
Il ne réussit qu’à y tourner deux films mineurs,
avec
Jean-Claude Van Damme, et une suite américanisée à
l’un de ses films ave Jet Li. Hollywood est un
leurre, pour lui comme pour bien d’autres, mais pour
lui plus que d’autres. Il rentre à Hong Kong pour en
revenir à son sujet de prédilection : la culture
chinoise.
Love in the Time of
Twilight
Seven Swords, le film
En 2000, « Time
and Tide » (《顺流逆流》),
film d’action contemporain avec deux figures
emblématiques, la star de la chanson cantonaise,
Nicholas Tse, et Wu Bai, pop star taiwanaise
vieillissante, n’est qu’un film de transition qui a
un faux air de John Woo, et où la cantopop remplace
l’opéra et la guérilla urbaine les combats à l’épée.
Mais Tsui
Hark renoue avec le wuxia l’année suivante, avec « The
Legend of Zu » (《蜀山传》),
qui lorgne évidemment vers le film de ses débuts,
ces guerriers de la montagne magique de 1983. Le
film marque cependant le début de la dérive du
cinéaste vers la technique pour la technique : les
scènes d’action extravagantes sont accompagnées de
toute une imagerie générée sur ordinateur qui
suscite l’enthousiasme de certains fans, mais pas
plus. Legend of
Zu est tout aussi frénétique que les films passés
du réalisateur, mais il tend vers une esthétique de
carton pâte.
« Seven
Swords » (《七剑》),
en 2005, est une adaptation d’un roman de Liang
Yusheng (梁羽生), pionnier de la nouvelle vague du roman de wuxia au 20ème
siècle : « Seven Swords of the Celestial Mountain »
(《七剑下天山》),
écrit entre 1956 et 1957, suite d’un autre roman
dont l’action se situe au début de la dynastie des
Qing. Les sept héros du film sont chacun porteur
d’une épée aux noms symboliques et partent de leur
montagne céleste délivrer un village aux prises avec
un seigneur tyrannique et cruel.
Seven Swords, le jeu
video
L’un des guerriers du
jeu
C’est un
pauvre avatar des Sept Samourai, une quête du Graal
très prosaïque, où le symbolisme est celui d’une
bande dessinée. D’ailleurs deux auteurs chinois de
manhua en ont sorti une bande dessinée en
2006. Le film marque l’entrée de Tsui Hark sur le
marché du film commercial à l’américaine, avec série
télévisée conjointe et produits dérivés dont ligne
de vêtements et jeu vidéo en ligne. Une suite était
prévue mais n’a finalement jamais vu le jour.
Après sa
participation à « Triangle » (《铁三角》)
en 2007, Tsui Hark est revenu en 2008 au genre polar avec « Missing » (《深海寻人(谜尸)》)
dont même ses fans reconnaissent que c’est un raté,
malgré Angelica Lee.
Bien plus
intéressant, cette même année 2008, est « All
about women »
(《女人不坏》),
produit par la société de
production chinoise nouvellement créée JA Media,
dont Shi Nan Sun (施南生)
est conseillère artistique. Tourné à Pékin, le film
est sorti à Hong Kong et en Chine continentale le 11
décembre 2008, avec en plus une version coréenne. Il
a le caractère d’un film de fin d’année, mais
original et déjanté, un peu à la manière de Peter
Chan.
C’est le type de la comédie dramatique revisitée par
un passionné de bande dessinée : l’histoire de trois
femmes modernes, libérées ou se voulant telles dans
une société qui accepte encore mal ce genre de
personnage. A l’origine, de façon assez
caractéristique, Tsui Hark avait pensé à un remake
de « Peking Opera Blues ». Il n’en est resté que
l’atmosphère de douce folie et les trois personnages
féminins, remarquablement interprétés, en
particulier par une Zhou Xun (周迅)
à contre emploi, totalement méconnaissable.
All About Women
Le film est de toute évidence une tentative de
diversification thématique et esthétique. Il n’est
malheureusement pas totalement convaincant, car
s’appuyant trop sur des gags visuels parfois un peu
lourds et la performance des trois actrices, qui
s’en donnent à cœur joie mais souvent à l’excès. Ni
la critique ni le public n’a suivi.
Années 2010 : la 3D comme solution miracle
En
2010, ouvrant une nouvelle phase de sa filmographie,
Tsui Hark est revenu à l’un de ses thèmes de
prédilection avec
« Le
détective Dee et le mystère de la flamme fantôme »
(《狄仁杰之通天帝国》)
qui a fait le tour des grand festivals
internationaux sans gagner les prix attendus, et
pour cause. Tsui Hark n’a pas réussi à dépasser une
imagerie artificielle et creuse dépendante des
effets spéciaux, et un scénario d’un simplisme
affligeant qui frise la caricature.
Detective Dee
Flying swords of
Dragon Inn
Un critique gêné, quittant la salle après une projection
lors d’un festival, s’excusait en disant que, pour
apprécier maintenant Tsui Hark, il fallait avoir
gardé une âme d’enfant. Non seulement une âme
d’enfant, mais une âme d’enfant nourri aux jeux
vidéo sur internet.
Tout entier tourné vers les prodiges de la technologie comme
ultime bouée de sauvetage, Tsui Hark
a maintenant investi la 3D, avec sa réalisation de
2011 :
« Flying Swords of Dragon Gate » (《龙门飞甲》).
Avec son clin d’œil appuyé aux films d’anthologie
que sont
« Dragon
Gate Inn » (《龙门客栈》)
et
« New
Dragon Gate Inn » (《新龙门客栈》)
et les retrouvailles avec Jet Li, « Flying Swords »
est une autre manière de revisiter une nouvelle fois
le film de wuxia et de revenir aux origines
comme source inépuisable d’inspiration.
Là encore,
cependant, la 3D peut être un piège autant
qu’une solution.
C’est en tout cas un choix artistique.
Après, en
2013, « Young
Detective Dee : Rise of the Sea Dragon » (《狄仁杰之神都龙王》)
qui poursuivait dans la même ligne que le film
précédent, avec les mêmes défauts, Tsui Hark a
décidé de revisiter un grand classique avec
« La
prise de la montagne du tigre »
(《智取威虎山3D》)
sorti en décembre 2014.
Adapté de
l’un des grands classiques de la littérature des
années 1950, « Patrouilles dans la forêt enneigée »
(《林海雪原》)
de Qu Bo (曲波)
(3), déjà adapté en
opéra modèle (样板戏),
le film pèche par l’accent mis sur les combats : le
scénario a supprimé tout ce qui fait l’intérêt du
roman, et il est difficile à comprendre pour
quiconque ne l’a pas lu.
La seule
séquence qui restera sans doute dans les annales, et
le mériterait, est la dernière, totalement loufoque,
où l’on retrouve l’imagination délirante du Tsui
Hark des débuts, celui qui nous manque aujourd’hui.
La prise de la
montagne du tigre
On ne le retrouvera
malheureusement pas non plus, a priori, dans le prochain
film qu’il prépare pour fin 2015 ou 2016 : « The Famen
Temple Code » (《法门寺密码》).
Notes
(1) Il semble qu’il
y ait eu incompatibilité d’humeur et de style entre le
réalisateur et son producteur, celui-ci lui reprochant de se
noyer dans les détails et de ralentir ainsi inutilement le
tournage. Tsui Hark aimait la rapidité de l’action, alors
que King Hu était beaucoup plus introspectif. Il conserve
cependant le crédit du film.
(2) Le titre reprend les deux premiers caractères des noms
des deux célèbres personnages, Liang Shanbo et Zhu Yingtai
(梁山伯与祝英台),
dont on a
fait les avatars chinois de Roméo et Juliette. Pour leur
histoire, voir le film de
Sang Hu sur le même sujet. La
référence de Tsui Hark est cependant, bien évidemment, le
film de Li Han Hsiang (ou Li Hanxiang
李翰祥) de
1963 : « The
Love Eterne » (même titre chinois), réalisé à partir de
l’opéra huangmei adapté de la même légende.
2017
Journey to the West: The Demons Strike Back 《西遊伏妖篇》
2018 Detective Dee 3 : The Four Heavenly Kings《狄仁杰之四大天王》
2021 The Battle at Lake Changjin 《长津湖》