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Le
festival Shadows est de retour, du 9 au 17 novembre
par Brigitte
Duzan, 08 novembre 2012
Depuis
2006, le festival Shadows est, à Paris, la vitrine
du cinéma indépendant chinois. Nous en sommes cette
année à la quatrième édition, le festival ayant lieu
tous les deux ans.
En
parcourant la programmation, on voit tout de suite
l’évolution qui marque ce pan du cinéma chinois
depuis plusieurs années. L’indépendance a été, dans
les années 1990, un mouvement quasiment spontané de
jeunes réalisateurs visant à se libérer du système
très contraignant des productions officielles, et en
particulier des restrictions à la liberté de
création imposées par la censure et les exigences
des circuits commerciaux.
Cette
indépendance revendiquée pour des raisons
artistiques a pu se développer d’une part grâce à
l’apparition concomitante des caméras numériques, et
d’autre part grâce aux relais fournis par les grands
festivals internationaux. Mais elle s’est révélée au
fil du temps à double tranchant : les cinéastes se
sont rendu compte qu’ils gagnaient une
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Le festival 2012 |
certaine liberté
artistique contre une grave pénalisation, celle de se
retrouver coupés du public chinois. La liberté gagnée du
côté de la création l’était aux dépens de la diffusion des
œuvres.
On assiste donc à
un reflux : on trouve de moins en moins de films de fiction
qui relèvent du cinéma indépendant et celui-ci se réduit de
plus en plus aux documentaires, courts métrages
expérimentaux et films d’animation artistiques. C’est bien
ce qui apparaît dans le programme que nous propose Shadows
cette année.
Cette remarque
liminaire faite, il faut reconnaître que le programme
concocté dans ces conditions est très intéressant, car les
films ont été soigneusement sélectionnés.
Fiction
Black and White Photo |
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Le film
d’ouverture,
« Old Dog » (《老狗》) de
Pema Tseden (万玛才旦), ne relève pas vraiment du cinéma indépendant
stricto sensu, mais représente l’émergence d’un
cinéma tibétain à part entière, en rupture avec la
tradition des films dits « de minorités ». Il est
accompagné d’un film d’animation tibétain encore
totalement inconnu.
Les deux
autres films de fiction sont particulièrement
intéressants : « Black and White Photo » (《黑白照片》)
de Shu |
Haolun (舒浩仑),
pour le regard nostalgique porté sur Shanghai, et « Sentimental
Animal » (《感情动物》)
de Wu Quan (武权),
pour la subtilité du scénario.
Documentaires
Les huit
documentaires programmés, plus les quatre du Folk
Memory Project, sont à évaluer en fonction des goûts
personnels de chacun. Ils représentent le
fantastique travail de mémoire collective autant que
personnelle réalisé par des cinéastes dont la
plupart sont mus par un sens pressant de mission à
accomplir.
« Bachelor
Mountain » (《光棍》)
de
Yu Guangyi (于广义), vu au Festival du Réel en mars dernier, est |
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When the Bough Breaks |
certainement un film à retenir, de même que « When the Bough Breaks »
(《危巢》)
de Ji Dan (季丹),
Eclipse of the Gods |
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formidable plongée dans le quotidien d’une famille déshéritée du sud de
Pékin, suivie au long de plusieurs années.
La plupart
de ces films ne peuvent vraiment s’apprécier que
dans le contexte d’une œuvre qui s’affiche
généralement sur la longue durée. C’est le cas de Ji
Dan, mais c’est aussi le cas de Qiu Jiongjiong (邱炯炯),
dont le documentaire présenté, « My Mother’s
Rhapsody » (《萱堂闲话录》),
est le troisième et dernier volet d’une trilogie
qu’il aurait été intéressant de programmer en
entier. |
Courts métrages
Parmi les courts
métrages qui complètent la programmation, signalons quelques
films d’animation artistiques qui poursuivent un
travail de recherche sur ce secteur entamé par le festival
dès ses débuts et qui en est l’un des aspects les plus
intéressants.
On
retrouvera avec un plaisir renouvelé la seconde
partie du superbe
« New Book of Mountains and
Seas » (《新山海經二》)
de
Qiu Anxiong (邱黯雄), œuvre de longue haleine débutée en 2007, de même que « Peach »
(《摘桃》)
de Wu Junyong (吴俊勇),
les deux films offrant une relecture originale d’un
grand classique chinois. |
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Peach |
Programmation
complète à télécharger sur le site du festival :
http://www.arsinica.net/home.html
A lire en
complément :
Chinese Independent
Cinema : origins, development and present challenges
Le cinéma indépendant chinois : origines, développement et défis
actuels
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