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Hu
Mei 胡玫
Née
en 1958
Présentation
par Brigitte
Duzan, 19 octobre 2013
Hu Mei a
fait partie de la promotion 1982 de l’Institut du
cinéma de Pékin, c’est-à-dire la première promotion
après la Révolution culturelle, celle qui est
devenue célèbre sous le nom de cinquième génération.
Elles étaient une dizaine d’apprenties
réalisatrices, dans la classe ; trois sont devenues
célèbres, dont elle.
Elle était
considérée comme l’un des éléments les plus
prometteurs, et a connu un brillant début de
carrière dans les années 1980. Trente plus tard,
force est de constater que son talent a été étouffé,
comme celui de ses consœurs. Il n’est pas facile
d’être réalisatrice en Chine.
Brillant
début de carrière
D’abord
actrice |
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![](files/cineastes_Hu_Mei.jpg)
Hu Mei |
![](files/cineastes_Hu_Mei_Son_pere_Hu_Defeng.jpg)
Son père, Hu Defeng |
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Hu Mei (胡玫)
est née en 1958 à Pékin dans une famille
d’artistes : son père,
Hu Defeng (胡德风),
était directeur artistique et chef d’orchestre de
l’armée ; sa mère était chanteuse. Elle a commencé
le piano très jeune et a reçu une éducation
artistique. Au début de la Révolution culturelle,
son père et son grand-père ont été arrêtés par les
Gardes rouges, et son grand-père est mort en prison.
En 1975, elle est entrée dans la troupe de théâtre
du Département politique central de l’Armée
populaire de Libération, expérience militaire qui
lui inspirera ses deux premiers films. Elle a ainsi
commencé un métier d’actrice, mais tout en voulant
devenir réalisatrice. Elle s’est donc présentée au
concours d’entrée à l’Institut du cinéma de Pékin
quand il a rouvert ses portes, en 1978.
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Etudiante à l’Institut du cinéma de Pékin
Dans ses Souvenirs de l’Institut du cinéma de Pékin
(1), Ni Zhen parle avec admiration et émotion de la
jeune Hu Mei. Il se souvient de ses répétitions de
la pièce de Lao She « Le pousse pousse » qui était
alors une pièce classique utilisée couramment dans
la classe de mise en scène. Hu Mei interprétait le
rôle de La tigresse aux côtés d’un autre acteur
professionnel, Zhang Jianya (张建亚),
dans le rôle du tireur de pousse, tandis que Chen
Kaige était le quatrième maître Liu.
Ni Zhen rapporte en particulier un épisode qui
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![](files/cineastes_Hu_Mei_jeune_a_l_armee.jpg)
Hu Mei jeune, à
l’armée |
montre qu’elle avait du caractère, et bousculait au besoin
la discipline. Au début de l’été 1979, le chœur de
l’Institut participa à un concours de chant entre
différentes écoles. Le programme était constitué de chants
révolutionnaires dont la liste avait été remise aux
participants. Cependant, après avoir terminé les deux
premiers chants du programme, le chœur féminin de
l’Institut, qui était dirigé par Hu Mei et l’une de ses
camarades, se mit soudain à entonner des chansons populaires
et des airs de rock à la mode, accompagnés à la guitare et
aux percussions par leurs camarades masculins.
![](files/cineastes_Hu_Mei_Les_realisatrices_de_la_promotion_1982_pendant_leurs_etudes.JPG)
Les réalisatrices de
la promotion 1982 pendant leurs études à l’Institut
du cinéma de Pékin, Hu Mei, 3ème à partir
de la g., Li Shaohong, 6ème, et Peng Xiaolian,
dernière à droite
(source : Ni Zhen, opus cité) |
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On pouvait s’affranchir de la discipline à
l’intérieur de l’établissement, ce n’était guère
possible dans des circonstances publiques, dans un
concours organisé sous le contrôle direct du
ministère de la Culture. L’incident fit du bruit et
donna lieu à un rapport circonstancié.
Pourtant, Hu Mei bénéficia de son statut de
résidente à Pékin, et de sa précédente appartenance
à l’armée, lorsque chacun des membres de la
promotion reçut son affectation à un studio à la fin
de leurs études, en juillet 1982. |
Premiers films
Hu Mei fut
affectée au studio de l’Armée, le fameux Studio du 1er
Août, d’abord comme scripte, puis comme assistante
réalisatrice, et, très vite, comme réalisatrice.
Son premier
film, « Army Nurse » (《女儿楼》),
coréalisé avec Li Xiaojun (李晓军)
date
de 1984 : c’est le premier film à traiter de la vie
des femmes après le Révolution culturelle. Il est
conté en voice over par une voix féminine,
donc du point de vue féminin. Mais cette voix se
trouve bientôt en collision frontale avec le
discours officiel, et les désirs de la femme entrent
en conflit avec son rôle dans la société.
Deux ans
plus tard, en 1986, Hu Mei réalise un film où
l’aspect psychologique est encore mieux étudié : « Far
from the War » (《远离战争年代》)
explore les déchirements et les tensions ressentis
par un vieux révolutionnaire, alors que les
nouvelles normes socioculturelles commencent à
entrer en |
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![](files/cineastes_Hu_Mei_Army_Nurse.jpg)
Army Nurse |
conflit avec les
idéaux politiques qui ont été ceux de toute son existence.
![](files/cineastes_Hu_Mei_Far_from_the_War.jpg)
Far from the War |
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Le rôle
principal est interprété par l’excellent Huang
Zongluo (黄宗洛),
merveilleux acteur de théâtre dont l’un des rôles
les plus connus est celui qu’il a joué dans « La
maison de thé » (《茶馆》)
de Lao She (老舍).
Mais c’est lui, aussi, que choisira
Ning Ying (宁瀛)
pour lui donner le rôle principal dans le premier
film de sa trilogie de Pékin,
« Jouer
pour le plaisir » (《找乐》)…
comme pour créer un fil imperceptible d’une
réalisatrice à l’autre.
Ces deux premiers films sont salués par la critique
et primés dans divers festivals.
En 1987, Hu Mei apparaît parmi les « dix grands
jeunes réalisateurs chinois » du moment (“中国十大青年导演”) :
c’est la première réalisatrice à figurer dans cette
liste prestigieuse.
Mais ces
films très personnels resteront sans lendemain. On
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pourrait presque
dire que 1987 marque l’apogée de sa carrière
cinématographique. Hu Mei se tourne ensuite vers des
productions commerciales, pour lesquelles il était sans
doute plus facile de trouver des financements, mais surtout
vers la télévision.
Réalisatrice de
films commerciaux et de séries télévisées
En
1988 et 1992, elle réalise deux films policiers qui n’ont
pas un grand succès, et se lance alors dans la réalisation
de séries télévisées. En quelques années, elle devient
célèbre pour ses grandes fresques historiques, très
populaires, retraçant la vie d’un empereur ; elle commence
par Yongzheng (雍正),
4ème fils de l’empereur Kangxi, série devenue un
modèle du genre, et suivie de deux autres, sur les empereurs
Kangxi et Qianlong, toutes trois adaptées de romans de
l’écrivain du Shanxi
Er Yuehe (二月河).
Yongzheng dynasty
(《雍正王朝》) :
les 44 épisodes diffusés sur CCTV 11
http://dianshiju.cntv.cn/dsj360/yzwc/index.shtml
Elle revient brièvement vers le cinéma avec « On the
Other Side of the Bridge » (ou, en chinois, Le
sourire de Fanny《芬妮的微笑》),
une coproduction sino-autrichienne sortie en
novembre 2002 dont on lui a proposé le sujet :
l’histoire d’une Autrichienne, Fanny Ehner, qui
épousa un Chinois rencontré à Vienne en 1931 alors
qu’il y était étudiant ; venue vivre en Chine avec
lui, elle finit ses jours dans un village du
Zhejiang où son mari avait été envoyé pendant la
Révolution culturelle.
En 2007, Hu Mei est choisie pour tourner une
nouvelle adaptation télévisée du « Rêve dans le
pavillon rouge » ou
Hongloumeng
(《红楼梦》).
Mais, disposant de très peu de marges de manœuvre,
elle finit par abandonner le projet quand on lui
imposa un concours télévisé pour choisir les
interprètes ; le projet fut alors repris par sa
consoeur
Li Shaohong (李少红)
dont la réalisation sera ensuite l’objet de
controverses et débats sans fin. |
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![](files/cineastes_Hu_Mei_On_the_Other_Side_of_the_Bridge.jpg)
On the Other Side of
the Bridge |
![](files/cineastes_Hu_Mei_Confucius.jpg)
Confucius |
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China Films proposa alors à Hu Mei de tourner une
superproduction sur Confucius. Le choix était
logique, s’agissant d’une biographie historique,
dans la lignée de ses grandes fresques historiques
pour la télévision. Sorti en janvier 2010,
« Confucius » (《孔子》)
a eu du succès en Chine, moins ailleurs. On devine
les pressions auxquelles Hu Mei a dû être soumise et
les compromis qu’elle a dû faire. Mais, après avoir
abandonné le
Hongloumeng,
elle ne pouvait sans doute pas se permettre de jeter
l’éponge une nouvelle fois.
Son expérience montre combien il a été difficile de
faire une carrière de réalisatrice en Chine pour
cette génération ; ses camarades de la même classe
de réalisation de la promotion 1982,
Li Shaohong (李少红)
et
Peng Xiaolian (彭小莲),
en témoignent aussi, de même que
Ning Ying (宁瀛).
Les difficultés ne sont malheureusement pas moindres
aujourd’hui. |
Séries télévisées
:
2006
《乔家大院》
Qiao’s Family
Grand Courtyard série en 40 épisodes.
2005
《汉武大帝》
Han
Wudi série en 58 épisodes.
2004
《香樟树》
Xiangzhang
Shu série en 32 épisodes.
1999
《雍正王朝》
Yongzheng Dynasty série en 44 épisodes.
Films
:
2010
《孔子》
Confucius
2002
《芬妮的微笑》
On the Other Side
of the Bridge
1992
《都市枪手》
Gunsinger in the
City (produit par le Beijing Film Studio)
1988
《无枪枪手》
Gunslinger
without a Gun
1986
《远离战争年代》
Times Away from
the War
1984
《女儿楼》
Army Nurse
(1) Memoirs
from the Beijing Film Academy, Ni Zhen, translated by Chris
Berry, Duke University Press, 2002 (édition originale 1995),
pp. 5 / 61-64 / 108-110
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