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Peng
Xiaolian 彭小莲
Née en 1953
Présentation
par Brigitte
Duzan, 24 janvier 2013,
actualisé
24
juin 2019
Peng
Xiaolian est l’une des réalisatrices sorties en 1982
de l’Institut du cinéma de Pékin : elle appartient
donc en théorie à la « cinquième génération » des
réalisateurs chinois, mais en fait, comme sa
consœur
Ning Ying (宁瀛),
a un style personnel, très différent.
Née à
Shanghai et très attachée à sa ville, elle est la
cinéaste de Shanghai comme Ning Ying l’est de Pékin,
mais dans une optique essentiellement féminine. Elle
est également scénariste, mais aussi, chose moins
connue, un écrivain prolifique.
Début de
carrière jusqu’en 1989
Peng
Xiaolian (彭小莲) est née en juin 1953 à Shanghai.
Ses parents sont des intellectuels : sa mère,
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Peng Xiaolian |
Zhu
Weiming (朱微明), est traductrice de russe (1), son
père, Peng Baishan (彭柏山), écrivain et chef du
Son père |
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département de la propagande. En mai 1955, alors
qu’elle n’a encore que deux ans, il est accusé de
faire partie de la clique contre-révolutionnaire de
Hu Feng (“胡风反革命集团”), est incarcéré ; en 1965, il est
transféré dans une ferme dans la Henan et y meurt en
1968.
Sa
mère reste seule pour élever les cinq enfants ; elle
apprend à ses enfants à s’éloigner de la politique,
et à ses filles à chérir leur indépendance ; elle
est ensuite arrêtée pendant la Révolution
culturelle. Quant à Peng Xiaolian, en 1968, à l’âge
de |
quinze
ans, elle est envoyée à la campagne, dans le
Jiangxi, où elle reste neuf ans. De 1976 à 1978,
elle joue dans une troupe d’opéra.
En
1978, à sa réouverture, elle entre à l’Institut du
cinéma de Pékin et forme avec
Hu Mei (胡玫) et
Li Shaohong (李少红)
un trio d’apprenties réalisatrices qui seront
classées dans la « cinquième génération », et
auxquelles il faut ajouter
Ning Ying (宁瀛).
Chacune a ensuite développé un style bien
particulier.
En
troisième année, Peng Xiaolian participe comme assistance
réalisatrice au tournage du film de
Ling Zifeng (凌子风)
« Le
pousse pousse » (《骆驼祥子》)
qui sortira deux ans plus tard.
Puis, en 1982, comme
travail de fin d’études, elle est coréalisatrice,
avec Li Shaohong, d’un film tourné
au Studio des films pour enfants dépendant de
l’Institut : « The Apprentice
Lawyer ». Le film est loin d’être un chef d’œuvre, |
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Me and my Classmates |
Women’s Story |
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mais
c’est le pied à l’étrier ; l’expérience lui permet de
s’affirmer dans un monde peu ouvert aux talents
féminins.
En 1982, à
sa sortie de l’Institut, elle est affectée au studio
de Shanghai comme assistante réalisatrice. De 1982 à
1985, elle participe ainsi au tournage de trois
films. Elle est aussi scénariste de deux autres,
puis, en 1986, tourne enfin son premier film : « Me
and My Classmates »
(《我和我的同学们》),
dont elle a également écrit le scénario.
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Puis,
l’année suivante, en 1987, elle revient sur son expérience
personnelle de la campagne et réalise « Women’s Story » (《女人的故事》) :
l’histoire de trois
femmes, solidaires dans leur révolte contre une
société patriarcale qui les traite en objets et ne
leur concède aucun espace personnel. Le film est
remarqué au festival international de Hawai, mais
les autorités chinoises sont alertées par l’article
d’un journaliste qui suggère que la réalisatrice
critique la politique chinoise de contrôle des
naissances car l’une des femmes est
montrée se
cachant pour donner naissance à un deuxième enfant,
dans l’espoir d’avoir un garçon.
Le film est
interdit, mais continue à circuler dans les
festivals étrangers avant que l’interdiction soit
finalement levée.
Peng
Xiaolian passe ensuite deux ans à faire des
recherches |
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Once Upon a Time in
Shanghai |
Shanghai Women |
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sur l’écrivain Ba Jin (巴金),
ancien intellectuel du mouvement du 4 mai qui, en
1955, écrivit un article attaquant le poète
Hu Feng,
qui fut ensuite emprisonné comme le père de Peng
Xiaolan. Mais Ba Jin fit
ensuite machine arrière, affirmant que ce n’était
pas seulement la Bande des Quatre qui était
responsable des pires exactions de la Révolution
culturelle, mais le peuple chinois dans son
ensemble, et proposant de créer un musée de la
Révolution culturelle.
Peng
Xiaolian rédige un scénario intitulé « Random
Thoughts » dont elle commence la réalisation au
printemps de
1989.
Quatre jours après les événements de Tian’anmen,
le
tournage est interrompu.
Peng
Xiaolian obtient une bourse pour aller étudier aux
Etats-Unis. Elle part pour faire un master à
l’université de New York, mais y reste finalement
six ans et ne revient en Chine qu’en 1996. |
Pendant ces années, elle apprend beaucoup sur les
techniques cinématographiques. L’un de ses maîtres
est le documentariste japonais Shinsuke Ogawa (2). A
sa mort, en 1992, son épouse demande à Peng Xiaolian
de terminer le documentaire que son mari a laissé
inachevé : « Red Persimons ». Peng Xiaolian écrira
un livre en son hommage.
Nouveau
départ en 1996
Dès son
retour, elle tourne un premier film qui ne lui
ressemble guère, une sorte de film policier, mais basé sur
une histoire vraie arrivée à un réalisateur :
« L’homicide du chien » (《犬杀》).
Elle
revient ensuite à son thème favori : sa ville de
Shanghai. Elle tourne un film sur l’histoire de la
ville pour la commémoration, en 1998, du
cinquantième anniversaire de sa |
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Shanghai Story |
Shanghai Rumba |
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libération par
l’armée communiste : « Once
Upon a Time in Shanghai » (《上海纪事》).
En 2000,
elle réalise un film pour enfants : « Keke’s
Magic Umbrella » (《可可的鬼伞》).
C’est un intermède avant une
trilogie qui représente le sommet de son œuvre : la
trilogie de Shanghai (“上海三部曲”),
dont les trois films sortent entre 2002 et 2006.
Elle apparaît comme le pendant de la trilogie de
Pékin de
Ning Ying,
mais axée essentiellement sur le destin
des femmes
urbaines, dans leur lutte pour affirmer leur
place dans une société qui, sous des dehors modernes,
conserve bien des traces de structures mentales
patriarcales héritées
du passé.
En 2008,
elle tourne encore un film pour enfants dont on peut
traduire le titre par « mon brave petit bateau » (《我坚强的小船》).
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Mais toutes
ces années sont aussi marquées par une intense
activité d’écriture (2). Parmi ses ouvrages publiés,
citons, sorti en août 2010, un recueil d’essais sur
le cinéma : « Le cinéma,
une autre vie possible »
《电影,另一种生活的可能》).
Mais toutes ces années sont
aussi marquées par une intense activité d’écriture.
Œuvre littéraire
Peng Xiaolian a publié
en 2007 un livre de souvenirs et de témoignage sur
ses parents : « Leurs
années » (《他们的岁月》).
Elle a aussi écrit trois ouvrages concernant le
cinéma : d’abord un recueil de scénarios qui a été
primé en 1991 au festival de Rotterdam ; puis un
hommage à Shinsuke Ogawa – |
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Leurs années |
Shinsuke Ogawa |
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« Les incertitudes de
l’idéalisme : à la recherche du maître du
documentaire Shinsuke Ogawa (《理想主义的困惑:寻找纪录片大师小川绅介》),
et enfin, en août 2010, un recueil d’essais sur le
cinéma - « Le cinéma, la possibilité d’une autre vie
» (《电影,另一种生活的可能》).
Enfin, en 2004, elle a
aussi publié un recueil de nouvelles « de taille
moyenne » - « En rentrant à la maison » (《回家路上》)- où
elle évoque des souvenirs de jeunesse et ses années
aux Etats-Unis.
La maladie l’a
emportée le 19 juin 2019, à l’âge de 66 ans.
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Notes
(1) Zhu Weiming a traduit près de 70 films russes,
mais, comme elle était l’épouse d’un membre de la
bande de Hu Feng, son nom n’apparaît dans aucun
générique.
(2) Shinsuke Ogawa est un précurseur dans le domaine
du documentaire engagé : dans les années 1960 et
1970, il a tourné des documentaires sur les
mouvements politiques radicaux au Japon, en
particulier sur le mouvement de résistance à la
construction de l’aéroport de Narita. Il est allé
vivre à Magino avec son équipe pour mieux connaître
la vie des paysans et pouvoir mieux en rendre
compte, donnant une série de films célèbres, la «
série de Magino », qui sont restés des modèles. |
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Le cinéma, la
possibilité d’une autre vie |
Filmographie
(en tant que
réalisatrice)
1979
Good-bye Yesterday (filmTV)
1982 The
Assistant Lawyer - coréalisatrice
1986 Me and
My Classmates 《我和我的同学们》
1987 Women’s Story 《女人的故事》
…………
1996 The Dog
Homicide 《犬杀》
1999
Once
Upon a Time in Shanghai
《上海纪事》
2000
Keke’s Magic Umbrella
《可可的鬼伞》
(film pour enfants)
2002 Shanghai Women
《假装没感觉》
2004 Shanghai Story
《美丽上海》
2006
Shanghai Rumba
《上海伦巴》
2008 (mon brave
petit bateau) 《我坚强的小船》
(film
pour enfants)
…………
2017
Please Remember Me 《请你记住我》
(programmé
au
festival de Pingyao 2017)
A lire en
complément
Hommage
post-mortem, par Louisa Wei
http://u.osu.edu/mclc/2019/06/24/remembering-peng-xiaolian/
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