Réalisateur que
l’on a dit caméléon, Johnnie To est un personnage fascinant
capable de toucher à des genres très divers avec le même
bonheur ; son esthétique très personnelle en fait l’un des
grands maîtres du cinéma de Hong Kong.
Cette esthétique et
la vision du monde qu’elle exprime doivent beaucoup à son
enfance dans l’un des quartiers les plus dangereux de Hong
Kong.
Enfance à Kowloon
Johnnie To (杜琪峰) est né en 1955 dans une famille pauvre de Hong Kong et a quitté l’école
très tôt, au grand dam de son père. C’est son enfance, et
l’atmosphère très spéciale dans laquelle elle s’est
déroulée, qui sont la source de son inspiration initiale
(1). Ce n’est pas unique, c’est le cas de
Johnnie To
beaucoup de
cinéastes de Hong Kong dont on voit aujourd’hui poindre les
souvenirs dans des films nostalgiques évoquant le passé de
l’ancienne colonie.
Il est né à Kowloon (九龙寨城jiǔlóng zhàichéng: la
citadelle des neuf dragons). C’était encore « the walled
city », une cité murée qui était à l’origine un fort chinois
: les restes de l’enceinte ne furent totalement détruits
qu’en 1994. C’était un monde en soi, un monde fermé, sombre
et dangereux.
L’ancien quartier muré
de Kowloon
En effet, après la
capitulation du Japon, en 1945, la Chine annonça son
intention de faire valoir ses droits sur la vieille cité
murée ; les réfugiés affluèrent et la cité devint une
fourmilière vite ingérable, les Britanniques comme les
Chinois s’en disputant les droits. La police étant
inexistante, Kowloon devint un repaire de criminels et de
gangsters, régi par les triades, organisations secrètes qui
avaient été instaurées pour résister aux Mandchous, au
dix-septième siècle, et dont les réseaux, très hiérarchisés,
étaient ensuite devenus purement mafieux.
L’enfance de
Johnnie To s’est passée dans cette atmosphère très
particulière, d’abord parce que la cité était très sombre,
les ruelles très étroites, entourées de hauts bâtiments
vétustes, ne voyant que rarement le soleil : on l’appelait
« The city of darkness ». Un documentaire allemand, tourné en
1989, rend bien l’atmosphère évoquée par Johnnie To dans
nombre de ses interviews :
Documentaire allemand
« Kowloon Walled City »
Dans cet univers
crépusculaire, les triades étaient omniprésentes ; elles
comptaient quelque 500 000 membres au total, à Hong Kong,
dans les années 1950-60, et elles étaient particulièrement
bien implantées dans le monde fermé de Kowloon.
Le réalisateur a
raconté que, tout petit, il allait jouer dans un square, un
mouchoir de poche au milieu des immeubles où les gens
venaient étendre leur linge. Le matin, il y avait souvent
des morts qui gisaient là, et qui y restaient parce que ni
les ambulances ni la police ne venaient jusque là ; les
cadavres portaient des traces de détergent qui avait coulé
du linge étendu au-dessus d’eux.
L’univers de ses
films est cet univers-là.
Débuts de cinéaste
sous les auspices de la télévision
Johnnie To a quitté
l’école très tôt pour devenir, à dix-sept ans, coursier à la
chaîne de télévision en accès direct TVB (Television
Broadcasts), celle-là même où
The Enigmatic Case
Wong Kar-wai (王家卫), entre
autres, fit ses débuts. Il avait postulé à trois
autres
postes : il aurait pu devenir policier, joueur de
football ou entrer dans une agence de télécommunications. Le
destin en décida autrement.
Cinema City
En fait, c’était ce
qu’il avait espéré car il avait toujours eu une passion pour
le cinéma. Son père travaillait dans un entrepôt situé
derrière un cinéma ; il y passait en sortant de l’école et
on lui permettait de regarder les films, mais derrière
l’écran ; comme, en plus, ils étaient souvent en anglais, il
n’y comprenait rien. Par la suite, il est devenu un
spectateur assidu de westerns et de polars, de films
d’action en général ; c’est cela qui l’intéressait.
Une fois entré à
TVB, il monta peu à peu les échelons, jusqu’à devenir
réalisateur, très vite. En même temps, il suivit les cours
d’art dramatique de la chaîne, où il rencontra ses futurs
acteurs : Chow Yun-fat (周润发),
Ringo Lam (林岭东),
Simon Yam (任达华)…
Bande annonce du film « The Enigmatic Case »
En 1978, à l’instigation de Damian Lau (刘松仁),
autre acteur récurrent dans son œuvre, il entreprend la
réalisation d’un premier film, produit par la compagnie
Phoenix (凤凰影业公司)
(1) et sorti en 1980 : « The Enigmatic Case » (《碧水寒山夺命金》 bìshuǐ
hánshān duómìng jīn),
avec Damian Lau et Cherie Chung (钟楚红) : une sorte de film de wuxia racontant
l’histoire, à la fin des Ming, du vol d’un convoi d’or par
trois bandits et de ses suites, le tout raconté en flashback
et de façon aussi énigmatique que le titre… Une curiosité
qui montre un effort de stylisation au début, et
d’originalité ensuite.
Mais, conscient des
maladresses du film, il reprend du service à la télévision
pour sept ans supplémentaires. En 1986, à l’invitation de la
compagnie Cinema City (新艺城),
il tourne la troisième partie d’une série télévisée très
populaire : « The Happy Ghost » (《开心鬼》),
avec Tsui
Hark (徐克)
pour les effets spéciaux (2) et
The Happy Ghost
Ching Siu-tung (程小东) pour la chorégraphie !
Il poursuit avec des comédies urbaines, typiques du cinéma
de Hong Kong.
All about Ah Long
En 1988, après une
série de comédies, il coréalise avec Andrew Kam (金杨桦)un film produit par le
Film Workshop (电影工作室)
que Tsui Hark avait créé quatre ans plus tôt en attirant bon
nombre des talents de Cinema City, dont son ami
Ching Siu-tung. Le film,
« The Big Heat » (《城巿特警》),
annonce le
schéma confrontationnel police/bandits ou police/mafieux qui
formera la base du scénario de bien des films ultérieurs du
réalisateur.
C’est l’année
suivante, en 1989, à l’âge de trente quatre ans, que Johnnie
To tourne son véritable premier film, « All about Ah Long »
(《阿郎的故事》),
sur un scénario de l’actrice et scénariste
Zhang Aijia (张艾嘉) qui
interprète le principal rôle féminin : immense succès, le
film est couronné, aux Hong Kong Film Awards de 1990, du
prix du meilleur réalisateur tandis que le prix du meilleur
acteur était décerné
à… Chow Yun-fat. Mais ce n’est pas un
film d’action : c’est une drame familial, décrivant les
traumatismes induits par un divorce.
Le cinéma de Hong
Kong traverse alors l’une des périodes d’or de son histoire.
Johnnie To en devient une figure de proue.
Les années 1990
Johnnie To tourne
beaucoup, touchant à tout, action et romance, avec plus ou
moins de bonheur, mais la décennie 1990 est surtout marquée
chez lui par la recherche d’une esthétique personnelle.
En 1993, « The
HeroicTrio » (《东方三侠》)
marque un tournant. C’est un film de wuxia atypique
et loufoque, situé dans une Chine post-apocalyptique,
déchirée par des conflits sanglants, avec un trio de
combattantes de choc constitué de Michelle Yeoh, Maggie
Cheung et
Anita Mui.
La première
interprète une femme invisible qui kidnappe des bébés pour
les livrer à un mystérieux Maître, zombie burlesque qui veut
doter la Chine d’un nouvel empereur ; elle est la sœur de
Tung, interprétée par
Anita Mui, douce
The Heroic Trio
épouse d’un
inspecteur de la police devenue une sorte de Zorro masqué,
redoutable épéiste – elles ont été formées par le même
maître d’arts martiaux. Quant à Chat, interprétée par Maggie
Cheung, elle vit de la capture de malfaiteurs pour toucher
des rançons et finit par s’allier à Tung pour venir à bout
du Maître…
Le du film « The Heroic Trio »
Johnnie To a tourné
quatre autres films, cette année 1993, dont deux co-réalisés avec
Ching Siu-tung : une suite à « The Heroic Trio » intitulée
« Executioners » (《现代豪侠传》),
et « Mad Monk » (《济公》),
dans le genre fantastique. Ils sont suivis de deux romances
sans grand caractère.
Société de production
Milkyway
Johnnie To se sent
bridé par les contraintes économiques qui l’empêchent de
trouver le langage personnel qu’il recherche. En 1996,
avec son ami Wai Ka-fai (韦家辉),
ancien producteur de télévision, auteur de nombreux
scénarios et co-réalisateur de nombreux films avec lui, il
crée donc son propre studio de production,
Milkyway Image (银河映像),ou
‘images de la Voie lactée’ . Il y produit dès lors des films
d’autres réalisateurs, outre les siens propres, et
alterne films
personnels et comédies à succès, ces dernières finançant les
premiers.
Dans la décennie
suivante, cette liberté financière lui permet de créer
des
polars originaux, au ton réaliste, d’un caractère résolument
novateur.
Les créations Milkyway
En
1999,
Johnnie To signe successivement deux polars : « Running
out of time » (《暗战》),
qui vaut un prix d’interprétation à Andy Lau (刘德华)
aux Hong Kong Film Awards en 2000, mais
surtout « The Mission » (《枪火》) dont
la présentation du film au festival de Berlin fait de
Johnny To un réalisateur renommé internationalement.
Le
tournant du millénaire
Le
film est pourtant tourné en quelques jours, mais il est
totalement différent des normes du genre. Les tueurs à gage
ou les gardes du corps ne sont plus des professionnels
impassibles. Il n’y a plus de frontière entre eux et les
gens du peuple : ceux-ci s’invitent dans les rangs des
tueurs. Un chef de triade qui vient d’échapper à un attentat
prend ainsi à son service un ancien homme de main devenu
coiffeur
The Mission
(interprété par Anthony Wong) ; l’équipe comporte
un vagabond qui se shoote aux cacahuètes, un proxénète, un
petit crack local… La tension monte quand un second attentat
est évité de peu…
Johnnie To a
raconté le tournage de « Mission », à un moment où la crise
financière asiatique avait asséché les projets à Hong Kong ;
il n’avait qu’un budget en peau de chagrin, de la pellicule
pour dix-huit jours ; le film a été bouclé en dix-neuf,
monté en un mois. Ce n’est pas ce qu’il a fait de meilleur,
mais le film le consacra définitivement comme maître du
polar, ce fut le premier distribué en France, en 2001.
Fulltime Killer
Interprété par Simon Yam, Lam Suet et Anthony Wong, « The
Mission » inaugure un nouveau style, par l’originalité des
personnages et du scénario, mais il représente en outre la
consécration d’un groupe d’interprètes qui vont devenir
emblématiques de l’univers du réalisateur. Les recettes des
deux films de 1999 lui permettent par ailleurs de financer
et de réaliser des projets plus ambitieux et plus
personnels. Au tournant du millénaire, le système de Johnnie
To est en place.
En
2001,
après quelques comédies, « Fulltime Killer » (《全职杀手》)est
une nouvelle étape : adapté du best-seller éponyme de Pang
Ho-cheung (彭浩翔),
il est
co-réalisé par Johnnie To et Wai Ka-Fai, et co-produit par
eux et Andy Lau (刘德华) qui interprète le rôle principal.La
violence mise en scène avec virtuosité devient ici
spectacle, jeu absurde avec la mort qui n’a pour
justification que la
beauté du geste et de l’image, le tout
en musique, élément que l’on ne retrouvera que bien plus
tard, dans « Election ».
Bande annonce du film « Fulltime Killer »
En 2003,
après quelques nouvelles comédies lucratives, « PTU »
(ou Police Tactical Unit »), toujours avec Simon Yam et Lam
Suet, est l’histoire d’un flic qui a perdu son arme et tente
de la récupérer. Mais le film ne suit aucun code, ne répond
à aucun antécédent connu, c’est une création totalement
originale qui poursuit dans la ligne de déconstruction
narrative de « Fulltime Killer ».
L’ambiance de
« PTU » se confond avec celle de Hong Kong, mais c’est une
ville vidée de ses habitants qui n’est plus habitée que par
des flics et les malfrats qu’ils poursuivent ; c’est surtout
une ville de nuit, une nuit moite, aux reflets bleutés,
malsaine et dangereuse, qui va devenir une marque de
fabrique des films de Johnnie To : une nuit où le moindre
faux mouvement est létal, et qui met les nerfs à vif.
C’est un grand
succès :
prix du meilleur film asiatique au
PTU
festival de Seattle et
prix du meilleur réalisateur aux Hong Kong Film Awards en
2003, prix du jury au festival du film policier de Cognac en
2004.
Bande annonce du film « PTU »
Le film « PTU »
2003
est aussi l’année d’un film totalement inattendu et
original : « Running on Karma » (《大只佬》),
avec Andy Lau et Cecilia Cheung. Le scénario part de la
rencontre de deux hommes tout aussi improbables : un
strip-teaseur dans un night-club (un Andy Lau faussement
body buildé) et un contorsionniste indien, l’un et l’autre
fuyant, dans la nuit, une escouade de policières qui veulent
les arrêter, l’un pour exhibitionnisme, l’autre pour
meurtre. Mais le strip-teaseur est aussi un ancien moine
bouddhiste qui a le don de voir le passé de ses
antagonistes… « Running on Karma » annonce « Mad
Detective ».
Bande annonce du film « Running on Karma »
Breaking News
On en en plein
dans l’univers loufoque, mais dangereux, de Johnnie To, et
dans un engrenage narratif totalement imprévisible, avec
apparitions fantomatiques et événements distincts
appartenant à des époques différentes miraculeusement liés
entre eux. Rien n’est linéaire et attendu, c’est un chaos
savamment organisé. Du grand art et du grand spectacle.
Puis viennent deux
films encore différents tout en restant dans le même univers
déjanté : « Breaking News » (《大事件》)en 2004 et
« Election » en 2005. Le premier fit partie de la
Sélection officielle, hors compétition, du Festival de
Cannes 2004, le second participa à la compétition officielle
du festival l’année suivante.
Avec le premier, on
retrouve Simon Yam et Lam Suet, dans un film rythmé comme un
clip, avec des plans qui durent
quelques secondes (sauf la
séquence initiale qui présente les parties en présence et
démarre l’action). Ici, la lutte entre policiers et tueurs
est retransmise en direct, à la télévision, les casques des
premiers étant équipés de caméras sans fil, pour montrer
urbi et orbi l’efficacité des forces de l’ordre, mais les
malfaiteurs ne sont pas en reste… Tout est médiatisé, le
contrôle de l’image, voire sa manipulation, est
primordial.
Mais, du coup, la frontière entre bons et méchants
s’estompe ; il faut beaucoup de volonté au méchant pour le
rester…
Puis « Election »
(《黑社会》)
délaisse brusquement les échanges de coups de feu à tout va,
en particulier dans les séquences d’ouverture ; ici le film
commence paisiblement sur un jeu de mahjong dont on mélange
les tuiles, image symbolique de changement – on mélange tout
et on
recommence. Même le style est différent, dans cette
histoire
de succession à la tête des triades : la musique est
Election
Exiled
omniprésente, et ce n’est pas n’importe laquelle – une
musique de guzheng, qui ancre le film dans la
tradition. Car la tradition reste au centre du système de
triades, un système fondé sur des valeurs nobles, de
résistance à l’envahisseur, de défense du peuple et de
respect des aînés, mais en proie à l’érosion du temps. Les
deux candidats doivent jouer avec de nouvelles règles.
2005, a expliqué
Johnnie To, fut une année difficile, une année de
transition. Hong Kong avait subi la rétrocession, la crise
financière, le SARS, la ville était chaotique, tout le monde
ressentait le besoin de changement, et cela se traduit dans
son film. « Election » fut un grand succès, c’est aussi l’un
des films favoris de Quentin Tarantino. Mais, au-delà de la
qualité intrinsèque du film, c’est également un reflet, à
travers cette histoire de relève générationnelle à la tête
des triades, de ce qui se passait dans la vie réelle, à Hong
Kong. To n’est pas seulement un maître du film
d’action,
sous toutes ses formes, c’est aussi un réalisateur soucieux
de transmettre un message : ses films sont aussi des leçons
d’histoire, et des réflexions sur la vie.
Il a d’ailleurs
fait une suite, « Election 2 » (《黑社会2》),
en 2006. Le premier traitait de l’évolution politique
à Hong Kong, sur fond de lutte entre tradition et modernité,
le second a pour arrière-plan les relations avec la Chine ;
le sous-titre du film est clair : « Sauvons l’unité »…
2006 est aussi
l’année d’ « Exiled » (《放‧逐》),
avec sa palette d’acteurs au complet :
Simon Yam et Lam Suet, Nick
Cheung
et Anthony Wong, quatre amis gangsters qui se retrouvent en
lutte avec leur organisation mafieuse. Toujours des combats
et des tirs réglés au millimètre, et toujours aussi le
message politique : le film se passe en 1998, à Macao, avant
que la colonie portugaise ne revienne à la Chine… Mais il
passe ici au second plan, derrière une
Triangle
bonne
vieille histoire d’amitié entre frères mafieux.
Mad Detective
En 2007, « Triangle »
(《铁三角》)
est un film en trois parties réalisées par Johnnie To,
Ringo Lam et Tsui Hark, chaque
réalisateur étant seul responsable d'un tiers du film
(environ 30 minutes). Ils ne pouvaient pas se concerter et
chacun a tourné avec sa propre équipe technique... Même les
acteurs ne connaissaient pas le scénario : le
film a été conçu comme un puzzle. Tsui Hark fut le premier à
tourner. Après avoir découvert son travail, Ringo Lam a
tourné la seconde partie, puis a passé le tout à Johnnie To
pour la partie finale.
Et c’est un chef
d’œuvre qui conclut parfaitement l’histoire alambiquée qui
précède, un mélange d’action, de suspenseet d’humour noir
qui correspond tout à fait au caractère de Johnny To. Si le
film se tient, c’est bien grâce à sa partie conclusive dont
il a fait un superbe exercice de style.
Cette année 2007,
il tourne encore « Mad Detective » (《神探》),
comme s’il voulait montrer une fois de plus sa capacité à
changer de style à volonté. Un pistolet a disparu, et il est
lié à une série de meurtres. Son propriétaire a disparu
alors qu’il poursuivait un suspect, mais le collègue qui
l’accompagnait est revenu sain et sauf. La seule possibilité
d’élucider l’affaire est de faire appel au ‘mad detective’,
un policier à la retraite qui s’aide d’hallucinations pour
résoudre les cas ; mais ce qui apparaissait comme un don au
départ s’avère en fait une véritable folie.
Ici la musique et
la bande sonore viennent renforcer les effets visuels. Ce
film est un des sommets de l’art de Johnnie To. Mais il va
le porter à son apogée l’année suivante avec
« Sparrow »
(《文雀》) :
un film tourné sur trois ans, de 2005 à 2008, entre d’autres
tournages, et présenté en première mondiale au festival de
Berlin en février 2008.
Sparrow
2010 et après
Linger
« Sparrow » est
l’aboutissement de l’art de Johnnie To. Les films suivants
sont en net retrait ; « Linger » (《蝴蝶飞》),
en 2008 aussi, avec Li Bingbing et la pop star taiwanaise
Vic Zhou, est le
type même des métrages mineurs qui constituent une partie
substantielle de la filmographie du réalisateur, et
permettent de financer ses films plus ambitieux.
« Vengeance »
(《復仇》),
présenté en sélection officielle au festival de Cannes en
2009, reste une déception, bien que Johnnie To ait réussi à
métamorphoser Johnny Hallyday, au point qu’on reconnaît à
peine sa voix. Mais le film est intéressant dans la
filmographie du réalisateur, par son thème sinon par sa
réalisation, avec la référence émue à Melville et au
Samouraï.
Le
film suivant, « Life Without Principle » (《夺命金》),
sorti à la
Biennale de Venise en septembre 2011 et
présenté ensuite au festival
de Toronto, traduit le malaise ressenti dans le monde
actuel, et la perte de valeurs généralement décriée. En le
présentant, Johnnie To l’a commenté en ces termes: « Nous
vivons un monde turbulent dans lequel, pour pouvoir
survivre, il faut jouer le jeu. Mais, quels que soient les
efforts déployés pour suivre les règles, on finit toujours,
tôt ou tard, par perdre une partie de soi-même. »
C’est effectivement
ce qui arrive aux trois personnages
du film, confrontés à de sérieux problèmes dans leur vie à
la suite de la crise économique ; tentés par une aubaine
inespérée, ils doivent décider si les principes qui les
gouvernaient jusque là doivent être préservés, et où se
trouve la limite entre le bien et le mal, autre façon pour
le réalisateur de poser un problème devenu récurrent dans
son œuvre. Le papillon de « Linger » s’est transformé en
billet de banque pesant sur les destinées de chacun.
Life Without Principle
Romancing in Thin Air
En avril 2012,
Johnnie To est de retour au festival d’Udine
dont il est un vieil habitué. Le nouveau film qu’il y
présente, « Romancing
in Thin Air » (《高海拔之恋2》),
est, comme le titre l’indique, une de ces comédies
romantiques qui font la joie de ce festival, dans la lignée
de « Turn Left, Turn Right » (《向左走·向右走》)qui y fut un
succès en 2003 et mériterait peut-être d’être plus connu :
c’est un aspect de Johnnie To à ne pas négliger.
Les deux derniers
opus du genre, cependant, sont des films mineurs.
« Romancing in Thin Air » est la suite d’une autre comédie romantique, « Don’t Go
Breaking My Heart » (《单身男女》), sortie en 2011. Ce sont des films
calibrés pour le public chinois, mais maintenant le public
de Chine continentale : ils sont formatés pour engranger un
maximum de recettes afin de financer les autres films.
Johnnie To est un fanatique de la pellicule qui n’arrête
jamais de travailler, chacun de ses films a sa place bien
précise dans son œuvre. Ces comédies mineures laissent
augurer une surprise avant longtemps.
La surprise, c’est
« Drug War » (《毒战》),
"surprise" du festival de Rome en novembre 2012, un film
dans la lignée des meilleurs films d’action de Johnnie To,
mais réalisé en Chine continentale, en mandarin. Cela semble
avoir été soigneusement préparé de longue date, les deux
comédies précédentes, déjà, étant calibrées pour le public
de Chine continentale. Le développement exponentiel de ce
marché exerce une force d’attraction considérable à laquelle
les réalisateurs de Hong Kong ne résistent pas.
Après "Drug War", Johnnie To revient à Hong Kong pour tourner
"Blind Detective" (《盲探》),
mais ce film restera une œuvre mineure dans sa filmographie.
Notes
(1) Ou Fenghuang
Motion Pictures, devenue Sil Metropole Ltd en 1982.
(2) Tsui Hark avait
rejoint Cinema City en 1981.
Principaux films
1980 The Enigmatic Case 《碧水寒山夺命金》
1988 The Big Heat 《城巿特警》 coréalisé avec Andrew Kam (金杨桦)
1989 All about Ah Long 《阿郎的故事》
1993 The Heroic Trio 《东方三侠》
suivi de : Executioners《现代豪侠传》 coréalisé avec Ching Siu-tung
1993 Mad Monk 《济公》 coréalisé avec Ching Siu-tung
1996 Fireline 《十万火急》
1998 A Hero never Dies 《真心英雄》
1999 Running out of time《暗战》
1999 Where a Good Man Goes 《再见阿郎》
1999 The Mission 《枪火》
2000 Needing You 《孤男寡女》
2001 Love on a Diet 《瘦身男女》
2001 Fulltime Killer 《全职杀手》
2001 Running out of time 2《暗战2》
2003 PTU
2003 Running on Karma 《大只佬》
2003 Turn Left, Turn Right 《向左走•向右走》
2004 Breaking News 《大事件》
2005 Election 《黑社会》
2006 Election 2 《黑社会2》
2006 Exiled 《放‧逐》
2007 Triangle 《铁三角》
2007 Mad Detective 《神探》
2008
Sparrow 《文雀》
2008 Linger 《蝴蝶飞》
2009
Vengeance 《復仇》
2011 Life Without Principle 《夺命金》
2011 Don’t Go Breaking My Heart 《单身男女》
2012 Romancing in Thin Air 《高海拔之恋2》
2013
Drug War 《毒战》
2013
Blind Detective 《盲探》
2015 Office 《华丽上班族》
2016 Three 《三人行》