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Luo
Mingyou (罗明佑) et la Lianhua (联华影业公司)
1902-1967
par Brigitte
Duzan, 26 octobre 2012
Né en 1902, Luo Mingyou (罗明佑)
a été l’un des producteurs les plus importants en
Chine dans les années 1930, l’un de ceux qui ont
exercé l’influence la plus profonde sur le cinéma
chinois et ses orientations à l’époque.
Distribution, puis production
En 1918, il étudiait le droit à l’université de
Pékin quand il commença à s’intéresser au cinéma.
Lassé et irrité de n’avoir guère d’autre choix que
la fréquentation de cinémas très chers possédés par
des étrangers, il décida de prendre les choses en
main. En 1919, avec l’aide de ses parents et de son
beau-frère, il fit restaurer une maison de thé qu’il
transforma en un cinéma de 700 places, avec des
billets nettement moins chers que les concurrents.
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Luo
Mingyou |
Le
bâtiment fut détruit par un incendie six mois plus tard,
mais cela ne changea en rien sa détermination. Un an plus
tard, Luo Mingyou avait reconstruit son cinéma. Puis il
développa ses opérations en en rachetant d’autres, possédés
par des étrangers, à Pékin et à Tianjin.
Vieux couvercle d’une
boîte de film de la Huabei |
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En 1927, il créa la compagnie cinématographique
Huabei, ou compagnie du Nord-Est (华北电影公司),
qui en vint à contrôler tout le réseau de
distribution de films dans le nord de la Chine. Mais
il se trouva confronté à un problème
d’approvisionnement : les films qu’il distribuait
étaient pour la plupart des films américains, et ils
étaient de plus en plus parlants. Or, les cinémas
qu’il possédait n’étaient équipés que pour passer
des films muets.
Il décida donc de produire lui-même des films en
Chine, et des films muets plutôt que d’investir
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dans du matériel de tournage et de projection très
coûteux.
Sa société
devint la première société cinématographique
chinoise à intégrer tous les aspects de la
production, de la distribution et de la projection,
mais contribua, en même temps, à retarder le
l’avènement du parlant en Chine ; celui-ci fut
développé par d’autres, en particulier par la
Mingxing (明星影片公司)
qui sortit le premier film parlant chinois fin 1931
(1).
Mais ce
choix du muet répondait aussi à d’autres exigences :
d’une part, les films muets étaient accessibles à un
vaste public qui écoutait l’histoire qui leur était
contée pendant que défilaient les images ; par
ailleurs, les vedettes du muet ne pouvaient, pour la
plupart, que difficilement se reconvertir dans le
parlant ; or elles représentaient un capital
important et déterminaient souvent le succès d’un
film par leur seule présence. |
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Le sigle de la Huabei
sur une pellicule |
Création de la Lianhua
Li Minwei jeune |
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En août
1930, cependant, dans une situation économique de
plus en plus difficile, Luo Mingyou se rapprocha de
son ami
Li Minwei (黎民伟),
qui rencontrait de son côté des problèmes
croissants, à Shanghai, avec sa société, la
compagnie cinématographique Minxin (民新电影公司).
Ils
créèrent ensemble la compagnie Lianhua (联华影业公司),
qui représentait aussi un élan en défense d’un
patrimoine national menacé par l’invasion étrangère,
avec pour slogan : « Promouvoir l’art, diffuser la
culture, propager l’éducation populaire et
développer le cinéma national ».
La Lianhua
venait concurrencer la compagnie qui était devenue
la plus importante de Shanghai à l’époque, la
Mingxing. Continuant sa politique de
fusion-absorption, |
conformément au
dessein inscrit dans le nom même de la nouvelle compagnie (Liánhuá
联华
signifiant
"l’union
des talents"), Luo Mingyou engloba ensuite deux
autres grandes compagnies de Shanghai, la Dazhonghua
Baihe (大中华百合),
et la Tianyi (天一影片公司),
établissant ainsi une base solide alliant des
réseaux dans le nord et le sud de la Chine.
Le 18 septembre 1931, l’ « incident de Mukden »,
destruction d’une voie ferrée qui marquait le début
de l’invasion japonaise, fut un sérieux revers pour
Luo Mingyou qui perdit |
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La bataille de
Shanghai, 1932 : le quartier de Zhabei en flammes |
son
réseau de distribution dans le nord. En outre, lors de
l’attaque japonaise de Shanghai, l’année
Le chant des pêcheurs |
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suivante, un des trois studios de la Lianhua fut
totalement détruit. La compagnie fut gravement
touchée, mais continua néanmoins ses activités.
Jusqu’en 1934, ce sont plutôt des films« de gauche »
que la Lianhua produisit : « La
route » (《大路》)
de
Sun Yu (孙瑜),
« La divine » (《神女》)
de Wu Yonggang (吴永刚)
ou encore
« Le Chant
des Pêcheurs » (《渔光曲》),
de Cai Chusheng (蔡楚生). |
La
vague de 1935
Mais, en février 1934, Chiang Kai-shek et son épouse lancent
le « Mouvement pour une vie nouvelle » (新生活运动)
pour tenter de susciter un renouveau national par
un
appel au retour aux valeurs morales de la tradition
chinoise. Le mouvement est accompagné d’un renforcement de
la censure.
En
1935, la Lianhua produisit alors trois films clairement en
ligne avec ce mouvement : « L’âme de la nation » (《国风》)
de Zhu Shilin et Luo Mingyou,
« Petits Anges » (《小天使》)
de Wu Yonggang (吴永刚),
et
« Song
of China » (《天伦》),
coréalisation de
Fei
Mu (费穆)
avec Luo Mingyou.
Politiquement, Luo Mingyou n’était pas hostile au
Guomingdang ; il fut courtisé par le gouvernement
nationaliste et occupa même divers postes honorifiques. Le
premier film, « L’âme
de la nation » (《国风》),
est considéré comme un film de propagande nationaliste dont
Luo Mingyou écrivit le scénario et qu’il imposa à la
Lianhua. Le magazine de la compagnie le présenta bien comme
l’esprit ayant présidé à l’élaboration du projet, dont le
but était de lutter contre les idées mauvaises (celles
apportées par une occidentalisation insidieuse).
Le
cas de « Petits anges » (《小天使》)
et surtout de
« Song
of China » (《天伦》)
est
totalement différent et permet de nuancer le jugement porté
sur LuoMingyou. Le film est beaucoup plus subtil et ne peut
être réduit à une œuvre de propagande. Il semblerait que les
valeurs défendues par le mouvement pour une vie nouvelle,
qui correspondent en partie aux valeurs confucéennes prônées
par le film, aient correspondu aux propres convictions
chrétiennes de Luo Mingyou, issu d’un milieu protestant,
comme
elles correspondaient aussi en grande partie aux
convictions confucéennes de Fei Mu.
Le reflux après l’échec de « Song of China »
Ayant misé toutes ses cartes sur « Song of China »,
l’échec commercial du film lui fut fatal. Luo
Mingyou dut se retirer de la direction de la
Lianhua, le directeur commercial
Wu Bangfan (吴邦藩)
prenant alors la tête de la compagnie et lui
imprimant une autre orientation stratégique : vers
la production de films parlants. Mais ce fut pour
peu de temps car, deux ans plus tard, la bataille de
Shanghai devait réduire les studios comme les
espoirs en miettes.
Quant à Luo Mingyou, il termina sa vie en fervent
chrétien et prédicateur protestant à Hong Kong où il
mourut en 1967.
Un numéro spécial de la revue mensuelle Cinéma
contemporain (当代电影)
lui
a été consacré en août 2010. |
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Cinéma contemporain,
août 2010 |
Note
(1) voir
repères historiques 1905-1949
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