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Zhu Shilin 朱石麟
1899-1967
Présentation
par Brigitte
Duzan, 13 novembre 2013
Zhu Shilin
est l’un des grands réalisateurs de la Lianhua où il
a commencé sa carrière, avec – entre autres -
Bu Wancang (卜万苍)
et
Fei Mu (费穆),
qu’il a ensuite retrouvés à Hong Kong à la fin des
années 1940. Il fait partie de cette communauté de
cinéastes de Shanghai qui ont continué leur carrière
à Hong Kong en contribuant là au développement du
cinéma en mandarin dans les années 1950.
On se
souvient généralement de lui comme étant l’auteur du
célèbre film de 1948
« L’Histoire
secrète à la cour des Qing » (《清宫秘史》),
à cause de la campagne politique dont il a été
l’objet en Chine populaire dès le début des années
1950. Ce film est un chef d’œuvre, mais l’œuvre de
Zhu Shilin ne s’arrête pas là et doit être appréciée
à sa juste valeur.
I.
Shanghai
Zhu Shilin
(朱石麟)
est
né dans le Guangdong en 1899, d’une
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Zhu Shilin jeune |
famille de hauts
fonctionnaires originaire de Taicang dans le Jiangsu (江苏太仓).
1921-1930 : la
Huabei, de la traduction au scénario
Enfant, Zhu Shilin
a reçu une éducation traditionnelle de fils de famille
aisée, avec un précepteur particulier. Elève doué et
précoce, il était – dit-on - capable d’écrire des poèmes à
l’âge de dix ans. Mais la fortune familiale a changé quand
son père est mort, alors qu’il était encore tout jeune. Sa
mère a dû élever seule ses enfants, en vendant l’héritage
familial pour trouver de quoi vivre.
Dans ces
conditions, Zhu Shilin n’a pu poursuivre ses études comme il
l’aurait souhaité. Il a dû entrer au Collège technique de
Shanghai (上海工业专门学校),
et commencer à travailler dès l’obtention de son diplôme. En
1919, il entre comme stagiaire à la Banque de Chine à
Hankou, puis comme employé à la société du chemin de fer
Longhai (陇海铁路),
à Pékin.
C’est alors qu’il fait la connaissance de
Luo
Mingyou (罗明佑),
le propriétaire d’un cinéma proche des bureaux où il
travaillait : le cinéma Zhenguang (真光电影院),
créé en 1921 dans les anciens locaux d’une maison de thé
(1). La plupart des films projetés étant des films
américains, Zhu Shilin rédige pour Luo Mingyou des annonces
publicitaires et traduit des synopsis. C’est en même temps
pour lui l’occasion de se familiariser avec des réalisateurs
qui auront plus tard une influence sur ses propres films,
dont Ernst Lubitsch et Frank Capra.

Vieille boîte de film
de la Hua bei |
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Quand, en
1927, Luo Mingyou crée la compagnie Huabei (华北电影公司),
Zhu Shilin y entre comme traducteur. D’abord société
de distribution, la Huabei devient aussi société de
production pour alimenter son réseau de cinémas,
parce que beaucoup de films américains étaient
devenus parlants, et que les salles chinoises
n’avaient pas l’équipement pour les projeter. Zhu
Shilin devient bientôt scénariste.
Il est
malheureusement affecté par de graves problèmes de
santé. Il souffre d’arthrite depuis
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un très jeune âge,
mais la maladie s’aggrave à partir de 1926, et le traitement
qu’il subit le laisse pratiquement paralysé ; il en gardera
une raideur dans la colonne vertébrale toute sa vie.
Incapable de travailler et passant par des périodes de
profonde dépression, il se fait remplacer par
Fei Mu (费穆),
entré comme rédacteur à la Huabei, avec lequel, au début de
1930, il crée une revue de cinéma intitulée Hollywood
(《好莱坞》电影杂志).
C’est le début d’une longue et fructueuse amitié.
C’est tout
naturellement que Zhu Shilin et Fei Mu suivent ensuite
Luo Mingyou à la Lianhua (联华影业公司),
lorsque celle-ci est créée, en août 1930. C’est à la Lianhua
que Zhu Shilin va faire ses premiers pas de réalisateur.
1930-1937 : la
Lianhua, d’abord scénariste et producteur…
A la fondation de
la Lianhua, Luo Mingyou confie la responsabilité de la
production à Zhu Shilin. Il va se distinguer par ses
scénarios.
Le premier
qu’il écrit, sur une commande de Luo Mingyou qui
avait conçu le projet dès 1929, est celui de « Rêve
de printemps dans l’antique capitale » (《故都春梦》) :
l’histoire tragique, inspirée de l’actualité, d’un
intellectuel devenu haut fonctionnaire sous la
République, gagné peu à peu par la corruption
ambiante, qui entraîne finalement sa déchéance
morale : ses premiers rêves de succès ne sont plus
que de dérisoires « rêves de printemps » vite
envolés.
Luo Mingyou fait réaliser le film par
Sun Yu (孙瑜),
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Rêve de printemps dans
l’antique capitale |
avec le
cofondateur de la Lianhua,
Li
Minwei (黎民伟), à la caméra, et, dans les rôles
principaux,

Li Minwei et Luo
Mingyou (1et et 2ème à gauche) à la fondation de la
Lianhua, avec les actrices Lin Chuchu et Ruan Lingyu
encadrant Mei Lanfang, et Sun Yu à droite de Ruan
Lingyu |
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Ruan Lingyu (阮玲玉),
Lin Chuchu (林楚楚), et Wang Ruilin (王瑞麟), un jeune
acteur de théâtre débutant dont ce sera le seul rôle
important au cinéma, mais qui aura ensuite une
fonction importante comme formateur de futurs
acteurs dans l’école de la Lianhua.
Dans un
marché en crise, le film a un tel succès à sa sortie
qu’il lance la carrière de scénariste de Zhu Shilin,
tout en consolidant la position et les finances de
la Lianhua. Deux autres studios se joignent à la
compagnie, Dazhonghua Baihe (大中华百合) et Tianyi
(天一影片公司), ainsi qu’une maison d’édition.
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En 1931, Zhu Shilin
écrit deux scénarios, pour « Hengniang » (《恒娘》)
de
Shi Dongshan (史东山),
et
« Love
and Duty » (《恋爱与义务》)
de
Bu
Wancang (卜万苍).
En 1934 est ouvert à Shanghai le troisième studio de la
Lianhua dont il prend la tête. Il va alors pouvoir se lancer
lui-même dans la réalisation.
… puis réalisateur
En 1930, déjà,
alors qu’il récupérait de sa crise d’arthrite et marchait
encore avec une canne, il avait réalisé un court métrage de
trente minutes en montant le filmer sur le toit du cinéma
Zhenguang :
« Contrat de suicide » (《自杀合同》).
Son premier long
métrage date de 1934 : « Retour » (《归来》)
est une histoire tragique qui se passe pendant la guerre ;
un homme part en voyage d’affaire à l’étranger où il tombe
amoureux d’une femme ; n’ayant plus de nouvelles de son
épouse et la pensant morte, il s’installe avec elle, mais
celle-ci est alors confrontée à un dilemme lorsque l’épouse
réapparaît.
En 1935, son
second film, « Le
Chant de la nation »
(《国风》),
coréalisé
avec Luo Mingyou,
a été critiqué par la suite pour avoir contribué à diffuser
les idées du mouvement de la Vie Nouvelle, lancé au même
moment par le Guomingdang. Mais les idées sur lesquelles
s’appuyait le Guomingdang pour tenter de revitaliser la
nation chinoise étaient basées sur les mêmes valeurs
confucéennes que Fei Mu et Zhu Shilin avaient déjà défendues
dans leurs films précédents et qu’ils continueront à
défendre, et en particulier les valeurs de la famille
traditionnelle.
Le Chant de la
nation
Ses films
les plus importants de la période datent de 1937 :
« Le chant d’une mère » (《慈母曲》),
« Temps anciens, Temps modernes » (《新旧时代》),
« La perle perdue » (《人海一珠》),
et le court métrage « Le fantôme » (《鬼》),
le septième des huit composant la « Symphonie de la
Lianhua » (《联华交响曲》),
réalisés par huit réalisateurs différents de la
compagnie. Ils marquent l’apogée de la Lianhua.
L’année
1936 fut, pour la compagnie, une année très
difficile, après une série de films à gros budget
qui avaient épuisé les finances. A court de fonds,
Luo Mingyou alla chercher de nouveaux investisseurs,
et finalement se retira de la compagnie. Li Minwei
reprit alors son indépendance, en mai 1936, en
recommençant à travailler sous le nom de la Minxin.
La Lianhua passa sous le contrôle d’une société
fondée pour gérer la production et la distribution
de ses films, la Hua’an (华安电影有限公司).
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Temps anciens, Temps
modernes |
C’est dans ces
circonstances que Zhu Shilin réalise ses films de 1937, à
commencer par « Le chant d’une mère », dans lequel il fait
des expériences techniques et stylistiques poursuivies dans
« Temps anciens, Temps modernes » : les deux films sont
restés des modèles d’étude, de la forme plus que du fond.
« Le chant d’une
mère » est un film où chaque séquence est étudiée en termes
de plans, mouvements de caméra et angles de prise de vue, en
particulier, avec des effets de suspense dans le montage.
Mais, en dehors de ses qualités purement stylistiques, le
film a en plus un scénario vivant et plein d’humour, et il
est remarquablement interprété par ses jeunes acteurs (dont
le fils de Li Minwei). Certains pensent que le film aurait
été tourné dès 1935 : c’est le premier film parlant
de Zhu Shilin.
Le chant d’une mère
Quant à
« Temps anciens,
Temps modernes », Zhu Shilin y retrace les heurs et malheurs
d’une famille « féodale », se terminant par sa
désintégration, conflits internes et destin final se voulant
symboliques de la situation de la Chine à l’époque. Le film
explore les possibilités offertes par les éléments
spécifiques de l’architecture chinoise traditionnelle pour
souligner son thème, et en particulier la maison construite
autour d’une cour centrale. Dans le film, la cour est un
élément récurrent suggérant l’enfermement, les fenêtres
suggérant un monde carcéral, surtout quand la photo est
prise de l’extérieur, à travers elles.
« Temps anciens,
Temps modernes » est un film construit selon un principe de
symétrie, déterminée par un vase placé au milieu du plan ;
cet équilibre est fragilisé au fur et à mesure que le film
progresse, pour finir détruit alors que se brise le vase, et
que s’effondre la famille.
Les principaux
rôles sont interprétés par quatre des meilleurs acteurs de
la Lianhua à l’époque : les actrices Bai Lu (白璐)
et Chen Yanyan (陈燕燕),
et les acteurs
Shen Fu (沈浮)
et Liu Qiong (刘琼),
qui deviendra lui-même réalisateur sous l’égide de Zhu
Shilin.
Quant au court métrage « Le
fantôme » (《鬼》), c’est un condensé de 14 minutes de l’art de
Zhu Shilin en cette année charnière.
Le fantôme,
Symphonie de la Lianhua n° 7 http://www.youtube.com/watch?v=d8-EXdHzJLE
1938-1946 :
réalisateur pendant l’occupation japonaise
Après l’incident
du pont Marco Polo, le 7 juillet 1937, les Japonais passent
à l’offensive et fondent sur Shanghai dont la résistance ne
sera vaincue qu’au bout de quatre mois de combats : la ville
est occupée le 26 novembre après d’intenses combats.
A la fin de
l’année, la Lianhua était moribonde, il ne restait guère que
quelques gardiens dans les studios. La plupart des autres
compagnies cessèrent aussi leurs activités, la seule
exception notoire étant la Xinhua (新华影业公司),
qui avait été créée en 1934 par Zhang Shankun (张善琨) ;
il réussit à produire deux films en 1937, dont une comédie
qui eut beaucoup de succès : le public était là et demandait
du divertissement. Mais le tournage de « Diao Chan » (《
貂蝉》)
par
Bu
Wancang (卜万苍)
fut interrompu… Il fallut attendre la fin des hostilités et
la stabilisation de la situation dans la ville pour que le
cinéma puisse reprendre.
1939-1941 : drames
historiques

Wen Suchen (3ème
episode) |
|
En octobre
1938, Zhu Shilin tenta de réorganiser la Hua’an, en
la renommant Hualian (华联).
Mais il ne put produire de films, les équipes étant
passées à la Xinhua.
En 1939,
il finit par entrer dans une nouvelle compagnie
créée par un homme d’affaires, la
compagnie Hezhong (合众影业公司).
Il y tourna plusieurs films, surtout dans le genre
fantastique et historique, parce que, comme
aujourd’hui et comme toujours, c’était une façon
d’aborder des thèmes sociaux contemporains sans
alerter la censure, et parce que ce genre de films
était toujours populaire.
Un exemple est sa série de quatre films inspirés de
la vie d’un lettré, « Wen
Suchen »
(《文素臣》),
dont la réalisation s’étage sur les années
1939-1940. Héros d’un roman du dix-huitième siècle,
« Humbles propos d’un vieux rustre » (Yesou puyan 《野叟曝言》),
Wen Suchen est un symbole de résistance à un pouvoir
aveugle, dont Zhu Shilin fait un xia
|
moderne luttant pour la justice (正直侠义).
Le film fut reçu par un article élogieux paru dans le
Shenbao (《申报》)
le 31 décembre 1939 : « Le film le plus populaire de cette
année à Shanghai » (《本年度上海最红的戏》),
où le journaliste notait bien les aspects de wuxia
camouflés dans le propos du réalisateur (2).
En 1940, il tourne un autre film important de la
période, dans le même genre : « Xiang
Fei »
(《香妃》).
Xiang Fei est, cette fois une héroïne populaire,
tirée d’un récit du début de la dynastie des Qing
adapté de nombreuses fois au théâtre et à l’opéra ;
elle aussi est en lutte contre le pouvoir, en
l’occurrence l’empereur Qianlong (乾隆皇帝)
qui l’a fait enlever pour en faire sa concubine, et
elle luttera jusqu’à la mort.
Dans l’un
des rares articles qu’il ait écrit ces années-là,
publié dans l’Asia Film Bulletin, le 3 avril 1940
(3), Zhu Shilin défend le choix de tels sujets par
la situation historique : « Le courant actuel [dans
le cinéma] est en faveur du drame historique. Je
n’ai rien contre ce genre de films ; ce que je
récuse, ce sont les films de ce genre qui n’ont ni
queue ni tête. En ce sens, les cinéastes sont en
accord avec le public…. Quand une nation est
menacée, il est important de |
|

Xiang Fei |
faire face à
l’adversité et d’être fier de défendre sa juste cause. C’est
le sens de « Xiang Fei » et j’espère que son esprit se
répandra dans le monde. »
« Xiang Fei »
contient deux chants, dont l’un sur des paroles écrites par
Zhu Shilin lui-même, que l’on pourrait traduire ainsi (4) :
Où sont passés les
montagnes et les fleuves de mon vieux pays ?
….
Mon corps peut se
lever non se coucher,
Le héros peut
verser son sang, non des larmes,
Je refuserai à
jamais d’être prisonnière de Chu,
et de pleurer de honte dans l’irrésolution.
Pendant la même période, Zhu Shilin a aussi rédigé les
livrets de deux opéras sur des sujets analogues, pour le
grand chanteur et acteur Zhou Xinfang (周信芳) :
« Les deux empereurs Hui et Qin » (《徽钦二帝》)
et « Wen Tianxiang » (《文天祥》) ;
les représentations seront d’ailleurs interdites par les
autorités japonaises.
Les conditions de travail étaient cependant très tendues,
d’autant plus qu’une vingtaine de compagnies avaient surgi
comme des champignons des décombres de la ville et se
faisaient une concurrence acharnée. Ainsi, en juillet 1940,
Zhu Shilin tourna un nouveau film, « Meng
Lijun »
(《孟丽君》),
en travaillant jour et nuit : le tournage de la première
partie fut achevé en sept jours, celui de la seconde en
treize, et la post-production dans les deux cas en quarante
huit heures. Sa performance fut saluée comme un miracle.
Mais une autre compagnie réussit à boucler un scénario sur
le même sujet en une nuit, et à terminer le film en une
semaine...
« Meng Lijun » est une histoire à la Mulan, d’une jeune
fille très belle en lutte contre un mariage imposé et la
société toute entière – elle est toujours célèbre, on en a
fait en 2009 une série télévisée avec Li Bingbing dans le
rôle titre. Donc encore une histoire de rébellion.
Mentor
Période tendue, c’est cependant aussi une période fructueuse
où Zhu Shilin commence à former de jeunes cinéastes. Il
commence avec Tu Guangqi (屠光启)
qui avait joué dans ses films précédents, et auquel il fait
tourner quelques scènes de « Meng Lijun » selon ses
instructions. Mais c’est alors, aussi, qu’il découvre les
futurs réalisateurs
Cen
Fan (岑范)
et
Sang
Hu (桑弧).
C’est
Zhou Xinfang qui fit connaître Sang Hu à Zhu Shilin ; ils
avaient quelques points communs, dont, tous les deux, des
débuts comme employés de banque avant de s’intéresser au
cinéma. Zhu Shilin invita Sang Hu à lui écrire un scénario :
ce fut celui de « Chair »
(《肉》)
tourné en 1941 - l’histoire d’une servante violée par son
maître, dont le fils tombe amoureux.
Sang Hu écrivit
ensuite les scénarios de deux films tournés en 1942 : « Nuit
de noce » (《洞房花烛夜》),
adapté de « Tess d’Uberville » de Thomas Hardy, et « Rendez-vous
tard dans l’après-midi »
(《人约黄昏后》),
une comédie d’un style original dont Sang Hu s’inspirera par
la suite.
Quant à Cen Fan,
il avait seize ans, habitait Nankin, et fut tellement
enthousiasmé en voyant ces deux films qu’il écrivit un
scénario pour Zhu Shilin et le lui envoya. Quand Zhu Shilin
tourna « Indépendance » (《不求人》),
en 1943, il l’invita à assister au tournage. Ils devinrent
amis et Zhu Shilin l’invita ensuite à le rejoindre à Hong
Kong où il devint son assistant, jusqu’en 1951.
Films pour la
Zhonglian
Après l’attaque de
Pearl Harbour, les Japonais envahirent les concessions
internationales de Shanghai, le 8 décembre 1941, occupant
ainsi la totalité de la ville. En 1942, les autorités
japonaises englobèrent la Xinhua et onze autres studios dans
une nouvelle compagnie sous leur contrôle : la Zhonglian (中联,
acronyme de 中国联合制片公司).
Les
réalisateurs chinois furent soumis à des pressions très
fortes, et à des directives strictes visant à lutter contre
les sentiments anti-japonais de la population.

Renommée éternelle |
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Zhu Shilin
réalisa quatre films produits par cette compagnie en
1942. Le cas typique est « Renommée éternelle »
(《万世流芳》),
qui répondait à l’une des directives, demandant aux
réalisateurs de détourner la haine de la population
à l’encontre des envahisseurs japonais vers d’autres
nations ; le film est une grosse production ;
coréalisé par cinq des meilleurs réalisateurs de
Shanghai, dont Zhu Shilin,
Bu Wancang (卜万苍),
et Maxu Weibang (马徐维邦),
il traite des guerres de l’Opium. |
De la même
manière, « Love for humanity » est constitué
de onze courts métrages réalisés par onze
réalisateurs différents, glorifiant l’amour de
l’humanité, celui des enfants, etc… La partie
réalisée par Zhu Shilin a trait à l’amour conjugal.
En 1943, il fera encore un film sur l’amour entre
frères.
En 1944,
il refuse de coréaliser avec un réalisateur japonais
un film sur la rébellion des Boxers. Mais le mal est
fait : il est critiqué, taxé de collaborateur,
ostracisé par ses pairs et doit vendre ses biens
pour faire vivre sa famille. Quand, en 1946, il est
invité à rejoindre la Dazhonghua (大中华)
à |
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L’équipe de Renommée
éternelle : Bu Wancang,
Zhu Shilin et Maxu
Weibang (2è, 3è et 4è
à partir de la
gauche), avec l’actrice Li Xianglan |
Hong Kong, il part aussitôt,
mais sans penser qu’il ne reviendra jamais à Shanghai.
II. Hong Kong
A Hong Kong, il
écrit des scénarios et commence à tourner des comédies,
comme, en 1946, « Two Persons in Trouble Unsympathetic to
Each Other » (《同病不相怜》),
dans laquelle il fait jouer Cen Fan. Mais c’est pour lui une
période difficile, marquée par l’incertitude et l’angoisse ;
il souffre de dépression.
Mais il est invité
à entrer à la Yonghua (永华影业公司),
et son esprit créatif et novateur va pouvoir s’épanouir à
nouveau. C’est alors qu’il décide de rester à Hong Kong.
La Yonghua
A la Yonghua, Zhu
Shilin se retrouve en terrain de connaissance. Il y arrive à
sa fondation, en 1947, par un transfuge de Shanghai, Li
Zuyong (李祖永)
– d’où le nom de la compagnie -, aidé et conseillé par
l’ancien grand maître de la Xinhua, Zhang Shankun. Le but
est de produire des films en mandarin, avec les meilleurs
scénaristes, réalisateurs et acteurs, eux aussi venus de
Shanghai.

L’histoire secrète de
la cour des Qing |
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Le premier
film que réalise là Zhu Shilin est sans doute son
chef d’œuvre :
« L’histoire secrète de la
cour des Qing » (《清宫秘史》),
qui sort en 1948. Le film est une œuvre magistrale
qui peut se lire à la fois comme une relecture d’une
période dramatique de l’histoire chinoise, mais
aussi comme un de ces mélodrames familiaux où Zhu
Shilin excelle, mais où les conflits internes entre
l’impératrice et la concubine de l’empereur
sous-tendent et exacerbent les conflits politiques. |
De manière
éminemment confucéenne, le film analyse les problèmes du
pays en terme de problèmes familiaux, la famille étant le
microcosme de base de la nation. En ce sens, le film
s’inscrit parfaitement dans la continuité de la thématique
propre à Zhu Shilin.
Projeté en Chine
continentale en 1950, le film est aussitôt retiré de
l’affiche. C’est au moment de la campagne idéologique menée
contre le film de
Sun Yu
« La
vie de Wu Xun » (《武训传》) :
les premières campagnes menées
contre les intellectuels par Mao pour affermir son pouvoir. Le film sera à nouveau critiqué
en 1954, puis, en 1967, une nouvelle attaque servira à
lancer la campagne contre Liu Shaoqi. Contrairement à Sun
Yu, cependant, la carrière de Zhu Shilin n’en fut pas
affectée.
La Longma
En 1950, Zhu
Shilin crée une nouvelle compagnie avec son ami
Fei Mu : la Longma (龙马影片公司),
longma
c’est-à-dire la compagnie du dragon-cheval, parce qu’ils
étaient nés l’un l’année du dragon, l’autre l’année du
cheval.
……………………
à suivre
……………………
Il a réalisé son
dernier film en 1964.
Le 5 janvier 1967,
le Wenhui bao (文汇报)
publia un article écrit par Yao Wenyuan (姚文元)
annonçant que « le président Mao avait dénoncé le film
« L’histoire
secrète de la cour des Qing » comme étant un film
anti-patriotique et devant être critiqué comme tel. » Après
l’avoir lu, Zhu Shilin demanda à sa fille qui était Yao
Wenyuan ; elle ne le savait pas plus et lui dit qu’il
s’agissait d’un rédacteur du journal (5).
Zhu Shilin mourut
ce soir-là à l’hôpital après avoir eu une crise cardiaque.
Huit mois plus tard se déchaînait la campagne menée contre
Liu Shaoqi….
Notes
(1) Devenu
aujourd’hui le Théâtre pour enfants de Pékin (中国儿童剧场),
sur Dong’anmenwai dajie (东安门外大街).
(2) Voir :
www.chinanews.com/cul/news/2010/02-25/2139389.shtml
(3) Cité par Shu
Kei dans son article sur Zhu Shilin publié dans le catalogue
du 7ème festival du cinéma de Hong Kong (voir
Bibliographie ci-dessous), p. 26.
(4) Voir Shu Kei,
article cité, le poème en chinois p. 30.
(5) C’était l’un
des idéologues de la Bande des Quatre.
Principaux films
réalisés
1930
Contrat de
suicide
《自杀合同》
1934
Retour
《归来》
1935
Le Chant de la
nation《国风》
(coréalisé
avec Luo Mingyou)
1937
Le Chant d'une
mère
《慈母曲》
Temps anciens,
Temps modernes
《新旧时代》
1939-1940
Wen Suchen 《文素臣》
1940
Xiang Fei《香妃》
Meng Lijun 《孟丽君
1941
Chair
《肉》(又名《灵与肉》)
1942
Nuit de noce 《洞房花烛夜》
Rendez-vous tard
dans l’après-midi《人约黄昏后》
1942
Renommée éternelle《万世流芳》
(coréalisé avec
Bu
Wancang, Maxu Weibang, Yang Xiaozhong)
1943
Indépendance 《不求人》
1948
Histoire secrète à
la cour des Qing《清宫秘史》
1950
Hua Guniang《花姑娘》
……………………
Bibliographie
- Zhu Shilin et le
cinéma, par Zhu Feng et Zhu Yan (son fils et sa fille), Hong
Kong: Cosmos Books Ltd, 1999 (en chinois).
朱枫、朱岩编著《朱石麟与电影》,香港:天地图书有限公司,1999
- Zhu Shilin, in :
A Comparative Study of Post-War Mandarin and Cantonese
Cinema, catalogue du 7ème festival international de cinéma
de Hong Kong (anglais/chinois), The Urban Council, 1983,
Section I, pp 15-93.
Par Shen Ji (沉寂),
Lin Nien-tung (林年同), Shu Kei (舒琪), Li Cheuk-to (李焯桃),
et Lo
King-wah (劉成漢
/刘成汉)
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