Pu Jiaxiang est l’un des éminents réalisateurs de
films d’animation de la période d’or des
Studios d’art de Shanghai (上海美术电影制片厂).
Il a une formation de peintre, et tous ses films ont
une palette de couleurs pastel ou chatoyantes
typiques des lavis. Son œuvre forme comme un recueil
de fables animalières colorées pour enfants.
Peintre
Il est né en 1932 à Suzhou, dans le Jiangsu (江苏苏州).
En 1952, il est sorti diplômé de l’Ecole d’art et de
technologie de Suzhou (苏州美术专科学校),
celle-là même dont était sorti
Qian Jiajun (钱家骏),
dix-sept ans plus tôt. La même année, il entre dans
la section animation du Studio de Shanghai avant
d’être transféré cinq ans plus tard, à leur
fondation, aux
Studios d’art.
Pu Jiaxiang avec
Marie-Claire Quiquemelle 纪可梅女士 à Shanghai en
décembre 2012
Dans les trente années suivantes, il participe à un titre ou
un autre à près de 25 films d’animation produits par les
Studios, dont le célèbre « Roi des singes bouleverse le
palais céleste » (《大闹天宫》)
réalisé par
Wan Laiming (万籁鸣)
au début des années 1960 ou « Nezha triomphe du Roi Dragon »
(《哪吒闹海》)
réalisé par
Wang Shuchen (王树枕)
en 1979.
Mais, dès 1958,
Pu Jiaxiang a aussi réalisé ses
propres films dont la caractéristique commune – outre les
couleurs délicates et la qualité de la peinture - est de
conter des histoires d’animaux.
Fables animalières
Après « Le jujubier de la grand-mère » (《老婆婆枣树》),
il réalise en 1960 le lavis animé « La petite hirondelle »
(《小燕子》).
La petite hirondelle
Aussitôt après la Révolution culturelle, en 1978, il réalise
« Un malade bizarre » (《奇怪的病号》)
qui a de nouveau la qualité d’un superbe lavis aux teintes
pastel :
Un malade bizarre
Puis, en 1980, il réalise « Le coq noir » (《黑公鸡》),
un dessin animé d’une dizaine de minutes sur un scénario
d’un auteur de récits fantastiques, Bing Zi (冰子) :
un coq peint par une petite fille prend vie… mais se trouve
peu à peu réduit à un trait… jusqu’à ce qu’il retrouve sa
page de dessin.
Le coq noir
Il continue avec des courts métrages de quinze à
vingt minutes qui poursuivent la collection de
fables animalières : en 1982 « La petite aveugle
et le renard » (《盲女与狐狸》),
en 1983 « L’écureuil coiffeur » (《松鼠理发师》),
en 1985 le dessin animé « Le tigre édenté » (《没牙的老虎》)
qui amorce un changement de couleurs et le style,
poursuivi dans « Le tigre met un dentier » (《老虎装牙》).
Le tigre édenté
Contrairement à beaucoup de ses collègues, il
continue de faire des films dans les années 1990 et
même après. Et son style évolue de même que les
thèmes de ses histoires.
Après 1990
Il commence la période, en 1990, avec deux dessins
animés, le premier de dix minutes, sur un scénario
de Yao Zhongli (姚忠礼) :
« Planter des arbres » (《种树》),
le second de trois minutes : « A l’opéra » (《看戏》),
comme un exercice de style sur une musique d’opéra.
La petite aveugle et
le renard
L’écureuil coiffeur
Planter des arbres
En 1992, il réalise avec Lu Chengfa (陆成法)
le lavis animé de 10 minutes « Qui a peur de qui ? »
(《谁怕谁》)
où il revient à son thème animalier et qui est
sélectionné par le 2ème festival
international d’animation de Shanghai en 1992. Le
malheureux œuf d’une aigrette est convoité par des
animaux qui se craignent et se détestent… ce qui
sauve l’œuf.
Qui a peur de qui ?
Mais il travaille ensuite sur un dessin animé
original, d’un style très moderne, achevé en 2002 :
« Nuit de pleine lune » (《月儿高》).
Il est conçu comme un opéra : à partir d’un morceau
de musique. Le film est en effet inspiré d’un air
dont l’origine remonte à la dynastie des Tang :
« L’air du vêtement de plumes aux couleurs de
l’arc-en-ciel » (《霓裳羽衣曲》),
qui sont aussi les couleurs des Huit Immortels.
C’est un airque, selon la légende, l’empereur
Minghuang – Tang Xuanzong (唐玄宗)
- aurait composé après l’avoir entendu en visitant
le Palais de la lune en rêve. Il est décrit par le
poète
Nuit de pleine lune
Bai Juyi (白居易)
dans son poème « Chant des regrets éternels » (《长恨歌》)
[1].
Pu Jiaxiang en 2014
lors de l’inauguration
du 14ème prix de
l’animation
(journées organisées
par l’Institut du cinéma de Pékin)
La composition est en neuf parties, que le film
suit fidèlement : l’empereur s’enivre une nuit de
pleine lune, il rêve que des grues l’emmènent rendre
visite à Chang’e sur la lune ; dans son palais, il
trouve un pipa et se met à jouer ; attirée par la
musique, Chang’e se met à danser pour lui. Mais,
prise d’un accès de timidité, elle s’enfuit, et
l’empereur la poursuit, mais elle disparaît sans
qu’il ait pu la rejoindre. Alors il se réveille, et
sourit en songeant à son rêve
[2].
Le film apparaît comme le dernier sursaut d’une
génération d’artistes balayés par une
politique faisant fi des traditions et des arts populaires
au nom d’une modernité sans âme.
[2]
Le film a été projeté au Centre
culturel de Chine en septembre 2014 lors de la
rétrospective de films
d’animation chinois organisée par le CDCC. Le
film est autrement inédit, l’illustration provient
du
catalogue.